vendredi 16 novembre 2007

ARMAGEDDON


ARMAGEDDON "Armageddon" 1975

La légende du Rock tue. Il faut le savoir. Et nombreux n’ont jamais survécu, alors que parfois, certains sont encore vivants. Nous parlons ici de vie artistique.

C’était en 1974. Keith Relf est l’illustre chanteur des mythiques Yardbirds, génial groupe de Blues-Rock anglais de 1964 à 1968. On comptera dans ses rangs pas moins que Eric Clapton, puis Jef Beck, et enfin Jimmy Page (oui, celui de Led Zeppelin). Parfois, on les retrouvera même simultanément : pendant deux mois, entre mai et juillet 1966, Jimmy Page et Jeff Beck se bouffent le nez à coup de décibels. Le pauvre second guitariste de toujours, Jimmy MacCarthy, décide alors sagement de se mettre à la basse.

Keith Relf, le chanteur des Yardbirds, subit alors les affres du Rock Business de l’époque. Comme la plupart des musiciens de cette époque, il se fait plumer financièrement par des producteurs sans scrupules. Et puis il y a les drogues de cette fin des années soixante en Grande-Bretagne : Haschich, LSD, acides en tous genres… Relf devient peu à peu psychotique et schizophrène, tout comme un certain Syd Barrett, le premier leader de Pink Floyd, sauf que ce dernier ne s’en remettra jamais.

Après une carrière solo Pop ratée, Relf fonde le groupe Renaissance avec sa femme de l’époque, un groupe mélangeant Rock, musique progressive, Jazz, et musique celtique. Ce fabuleux groupe, en avance de trente ans sur le reste de la scène musicale, vivote de concert en concert.
Keith Relf a alors embauché un fabuleux bassiste d’un non moins génial groupe de Blues-Rock du nom de Steamhammer. Son nom est Louis Cenammo. Sa basse est puissante est vrombissante, toujours poussée par une pédale d’Overdrive qui sature le son grave.

De l’autre côté de l’Atlantique, Bobby Caldwell, ancien batteur du groupe de Johnny Winter, au début des années 70, et qui joua sur les fabuleux « Second Winter » de 1969, « Johnny Winter And » de 1970, et le sublime « Johnny Winter And Live » de 1971, décide de partir pour fonder son propre groupe.
Il fonde Captain Beyond avec notamment Rhino de Iron Butterfly à la guitare, et Dave Evans, ancien chanteur de Deep Purple première formule (et pas des moindres). Lee Dorman à la basse complète le quatuor, et le Captain sort l’un des tout meilleurs albums de Hard-Rock des années 70 : « Capain Beyond » en 1972. Ce chef d’œuvre restera la bible de nombreux fans de bonne musique Hard, mais l’empreinte restera indélébile. Ainsi, Hank Shermann, le guitariste de Mercyful Fate, citera au milieu de AC/DC et Judas Priest, le premier album de Captain Beyond.

Caldwell s’en va après ce génial album, laissant ses camarades conclure l’aventure avec le pourtant excellent « Sufficiently Breathless » en 1973.

Entre temps, le guitariste Martin Pugh clôt l’aventure Steamhammer avec le sublimissime « Mountains » en 1972, quatrième album du groupe (écoutez donc pour voir les deux titres live enregistrés au Lyceum de Londres : « Riding On The L’n’N » et « Hold That Train »).

Caldwell veut fonder un nouveau groupe avec Keith Relf au chant. Depuis, le beau gosse des années soixante ressemble désormais à un Hobbit barbu, et à la voix voilée par le tabac et les drogues.
Relf rameute alors son génial bassiste Louis Cenammo. Il manque alors un guitariste, et Cenammo ne tarde pas à rameuter Martin Pugh.

Le quatuor se nomme alors Armageddon, en souvenir des premières répétitions explosives du groupe, et ce rien qu’au plan musical.
L’album prend forme à Londres en 1974, et en 1975, paraît le premier et unique album : « Armageddon ». La pochette résume à elle-seule le disque : quatre soldats (les membres du groupe) assis dans la boue devant un paysage de cataclysme sur fond de ciel rouge et jaune.

Ce disque est une vraie baffe, notamment grâce au titre « Buzzard » qui ouvre l’album : une wah-wah entêtante, une basse lourde et saturée, une batterie démente, et la voix de Relf essouflée mais puissante et émouvante. Et lorsqu’il souffle dans son harmonica, on se tait.

Les cinq morceaux sont de longues pièces de Blues-Rock enragé, aux structures complexes porches du Rock Progressif de Genesis ou King Crimson. Mais l’on se rapproche davantage de Stray que de Pink Floyd. En ce sens, Armageddon est bien la fusion du Heavy-Blues harmonieux de Steamhammer et les rythmiques alambiquées de Captain Beyond.
Cependant, il faut ajouter à cela l’harmonica magique et la voix toujours superbe, pleine de grain, de Keith Relf.

La pochette, quant à elle, est une vraie merveille : les quatre musiciens posent en uniformes de soldats anglais de la Première Guerre Mondiale, assis dans a boue, sur fond de paysage désolé. Au loin, le ciel est rouge et jaune, en feu.

Il était pourtant prévisible que la presse Rock ne saurait que faire de ce groupe, archétype de la super réunion de loosers, à l’instar de Widowmaker ou encore Broken Glass. De fabuleux musiciens issus de la scène Heavy-Blues-Rock de la fin des années 60, début des années 70 se réunissent, enregistrent d’excellent albums, mais dont personne n’a que faire, parce que totalement hors mode.
Les yeux de la presse sont tournés vers les mégastars du Hard-Rock (Kiss, Led Zeppelin, Deep Purple, ou encore Black Sabbath), mais aussi sur les premiers groupes que l’on appellera Punk : les New York Dolls ou encore les Ramones.

En 1975, Armageddon est donc victime d’un blackout médiatique total. Seuls quelques connaisseurs font l’acquisition du disque, et ne s’en remettront jamais.
Relf aussi, ne s’en remettra jamais : après une poignée de concerts, Relf tombe malade, victime de ses excès passés et de sa santé fragile. Il meurt courant 1976 d’une sale pneumonie, et laisse ses trois compères désemparés.

L’aventure s’arrête alors là. Ce n’est qu’au début des années 80, et alors que le Heavy-Metal connaît un renouveau avec AC/DC, Motorhead, Van Halen, mais aussi la New Wave Of British Metal (Iron Maiden, Saxon, Def Leppard, Diamond Head…), que Armageddon connaît une certaine reconnaissance.

Un journaliste français, Denis Meyer, travaillant au magazine de Hard-Rock « Enfer », publie « L’Anthologie du Hard-Rock 1968-1980 ». Ce livre devient rapidement une bible pour tous les collectionneurs de Heavy-Rock des années 70, car il regroupe les discographie complètes de tous les groupes du genre, du plus connu au plus obscur, avec justement une prédilection pour les illustres inconnus. Les groupes sont notés selon la qualité de leurs enregistrements.
Meyer se paye le luxe de sélectionner une dizaine de groupes et d’albums, ses préférés. La plupart sont donc de fameux inconnus, ou presque : Cargo, Granmax, Road (le groupe de Noel Redding, ancien bassiste du Jimi Hendrix Experience)… Et bien sûr, il y a Armageddon.

Depuis, tous les amateurs s’arrachent le disque, et même la réédition CD se vend bien, car Armageddon est devenu un classique du Hard-Rock des années 70.
Les musiciens, eux, ne recevront que l’estime de leurs fans, ce qui fait peu : Louis Cenammo joue avec un guitariste celtique sur l’Ile de Wight, Martin Pugh continue de tourner avec son propre groupe, et Bobby Caldwell a reformé une énième fois Captain Beyond, sans grand intérêt. Relf, lui, joue sans doute encore le Blues avec son harmonica, assis au bord de son nuage.

D’ailleurs, parfois quand le vent souffle, on l’entend parfois. Et quand le vent est froid et puissant, il semble qu’il joue « Buzzard », d’Armageddon.
tous droits réservés

3 commentaires:

Frédéric a dit…

Excellent article!!!
Armageddon est un groupe et un album hors du commun. Dommage que la production ne soit pas à la hauteur, ah lala, plus je l'écoute et plus je regrette ce manque de relief, mais plus je l'aime!!! Cennamo est un bassiste qui jouait à tomber à la renverse. Rectifiez SVP: la première chanteuse du groupe "Renaissance" n'était pas la femme de Keith Relf, mais sa soeur. Ce qui exclut tout un tas de choses, théoriquement, qui n'ont rien à voir avec la musique!

Frédéric a dit…

Excellent article!
Armageddon était un groupe vraiment hors du commun. Quelle album! Dommage que la production et le mixage aient été aussi faiblards. Ah! S'ils avaient enregistré chez SwanSong par exemple, comme Bad Company, toutes ces fantastiques compos auraient sans doute eu le relief qu'elles n'ont pas. Pourtant, plus j'écoute cet album, plus je l'aime (édité par Repertoire). Attention! La chanteuse de Renaissance, Jane Relf, était la soeur de Keith, et pas sa femme du moment, ce qui exclut en théorie tout un tas de choses en dehors de la pratique musicale!

denis meyer a dit…

bravo pour ton travail de recherche sur ce groupe mythique à (re)découvrir.
Denis Meyer