lundi 19 novembre 2007

LED ZEPPELIN

LED ZEPPELIN « Presence » 1976

Disque souvent décrié, pointé du doigt, il correspond au déclin du maëlstrom sonique que fut Led Zeppelin. Il est surtout un grand chef d’œuvre méconnu, chargé d’une immense mélancolie, celle des illusions perdues.
Disque de brume, poussiéreux, urbain, minéral, décharné, sans la moindre note acoustique, il est d’une puissance froide à couper le souffle. Jimmy Page en fut l’instigateur principal, et ce côté poussiéreux n’est pas sans rappeler la consommation de stupéfiants catastrophique de l’ombrageux guitariste. De ce fait, décharné, Jimmy l’est aussi, à cause de l’héroïne.
Décharné, Robert Plant l’est également, mais à cause d’un accident de voiture datant de 1975 qui fracassa le crâne de sa femme et de ses enfants, et lui brouilla une jambe en esquilles. Plant se trimballe alors en béquilles et chaise roulante, élément qui donna le nom de la démo de « Achille’s Last Stand » : « The Rolling Chair Song ».
Urbain, le son de ce disque l’est, et froid aussi. Et cela a sans doute aussi un rapport avec le lieu de l’enregistrement : Zurich. Poursuivi par les premiers Punk, mis en déroute par l’accident de Plant, Led Zeppelin se concentre sur un nouvel album. Hors l’unité des musiciens est en train de se déliter progressivement, la faute au succès, à la fatigue, à la pression, à la fatalité aussi. John Bonham plonge corps et âme dans la dope et l’alcool, John Paul Jones est lui aussi atteint à moindre mesure. Page, perdu dans sa quête perfectionniste, ne se rend pas compte de l’état de son groupe, et de toute façon se sera trop tard.
« Achille’s Last Stand » qui ouvre l’album est le dernier grand titre épique de Led Zeppelin, sauf que contrairement à l’ensemble de ses prédécesseurs (« Stairway To Heaven », « In My Time Of Dying »…), « Achille’s …. » démarre pied au plancher, et reste à se rythme pendant dix minutes. La rythmique à la basse inspirera rien de moins que Steve Harris dans Iron Maiden, et cette pièce d’anthologie » est l’un des plus beaux moments musicaux que j’ai pu entendre. Après cela, on ne parle guère du reste du disque. Grave erreur. Car si Led Zeppelin semble faire preuve d’une apparente légèreté après le monolithe d’ouverture, la musique est bien plus fine et revêche qu’elle ne paraît. Il y a d’abord cet extraordnaire blues qu’est « Nobody’s Fault But Mine ». Rythmique abrupte, son proche de l’os, et harmonica échevelé de Plant, qui joue comme si sa vie en dépendait. Ca sent la bataille ultime, la guerre contre les éléments, le destin.
« Hots On For Nowhere » est un autre sommet de cet album. La mélodie, vaguement chaloupée, se durcit au fur et à mesure du morceau. Rocailleuse, aride, brutal, ce titre est une pièce de funk hard, où les fûts de Bonham prennent une sérieuse correction.
Enfin, il y a l’immense « Tea For One », un blues de neuf minutes glacial, noir comme le jais, sans espoir. En mid-tempo, Plant ressasse le même couplet fait de solitude et de désillusion, d’amertume et de désespoir. Et les mots s’enluminent de chorus de guitare rauques et poussiéreux, pas plus lumineux que les mots de Plant.
Comme tous les autres albums, « Presence » sera numéro un aux US et en GB, mais quelque chose s’est brisé. La tournée sera la plus grosse du Zep, la plus démentielle, la plus violente aussi. Carbonisé par sa propre musique, les cendres magnifiques du dirigeable finiront de rougeoyer durant quelques concerts, toujours meilleurs que n’importe quel groupe moderne, aussi porté au pinacle soit-il.
Et « Presence » reste le diamant noir d’un quatuor d’hommes perdus, poussés de leur pied d’estale de super-héros par le destin, la fatalité, et ce quelque chose d’humain qui ramène les plus grands vers le blues, quel qu’en soit la forme.

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4 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour! Vous voilà ici! Merci d'être passé, quand vous avez changer d'adresse, je n'avais pas eu l'idée de sauvegarder tout-de-suite le lien. Alors quand vous avez disparu... :(

J'adore lire votre blog! Alors bon continuation et vive Led Zeppelin! :)

Anonyme a dit…

Je ne connaissais pas trop la bio de Zep et c'est terrible l'histoire de l'accident de Plant! Comment a t'il réussi a continuer dans ces circomstances... Quel voix!

Anonyme a dit…

Ô... c'est vraiment terrible l'histoire de Robert Plant. Vraiment triste!

Malvers Aurélien a dit…

Oh cet album... Du blues infecté par le macadam, lardé d'auto-dérision, qui s'achève las et sans espoir. L'album qui montre que lorsqu'un Zeppelin s'écrase, c'est forcément vers le haut...Très belle chronique, luttant de surcroît contre les opinions toutes faites...
Merci