jeudi 3 janvier 2008

KEEF HARTLEY BAND

KEEF HARTLEY BAND “Halfbreed” 1969

Au-delà des vedettes de chaque genre musical, et de chaque époque existent des dizaines de seconds couteaux magnifiques qui n’eurent pourtant jamais le succès escompté. L’oubli est désormais leur quotidien, mais il s’agit là encore d’une grave erreur.
Pourtant, Keef Hartley est loin d’être un inconnu en 1969. Il a en effet fait parti des Artwoods (qui comprenaient un certain Jon Lord au clavier), puis surtout des Heartbreakers de John Mayall en tant que batteur, période Mick Taylor (futur Rolling Stones). Il fut sauvagment licencié fin 1968, peu de temps avant que Mayall se tourne vers un son plus jazz-rock avec Jon Hiseman et Dick Heckstall-Smith, deux futurs Colosseum.
Sa passion pour la musique américaine, que ce soit la soul, le blues ou le jazz, l’emmène donc fort logiquement dans une carrière solo. Il trouve en le guitariste Miller Anderson l’alter-ego nécessaire au développement de son rock à géométrie variable. Le groupe se complète avec Spit James à la seconde guitare, Gary Thain à la basse (futur Uriah Heep) et Dino Dines aux claviers (futur T-Rex).
Hartley fera à l’époque parler de lui par son déguisement d’indien, et son imagerie sioux qui fera la petite touche d’originalité à l’ensemble.
Pour la musique, c’est évidemment à un mélange complexe que l’on a affaire. Enregistré en trois jours en novembre 1968, cet album commence d’abord par le titre « Sacked » à l’humour bien noir, puisqu’il met en musique une conversation avec John Mayall lui annonçant qu’il est viré des Bluesbreakers.
L’espace s’emplit alors d’un blues noirâtre et épais, teinté de cuivres soul, et enluminé d’improvisations jazzy magnifiques. Le son est très caractéristique de l’époque, très brut. La musique, elle, l’est d’une époque que l’on appela le British Blues-Boom. Sauf qu’on est loin du blues de Chicago calqué sur les grands maîtres. Le blues-jazz anglais s’est émancipé, et prend des risques, annonçant le rock progressif qui déboulera début 1969 avec « In The Court Of The Crimson King » de King Crimson.
Pour l’heure, le Keef Hartley Band surfent sur des sons très américains, mais la teinte anglaise est là. La guitare profonde, empli de larsen, l’orgue Hammond chaud et cathédralique, et ces baguettes qui courent sur les toms sans complexe ni carcan sont autant de marque de fabrique du blues-rock de cette époque.
Mais il y a surtout le fait que Hartley est l’un des principaux compositeurs du groupe, ce qui fait que sa batterie est souvent en avant dans la structure des morceaux, sa technique prodigieuse alliant otuché jazz et frappe rock rend l’ensemble vigoureux et mélodique, frisant parfois le heavy-rock, comme sur « Leavin’ Trunk ». Ce dernier effet est souvent le travail de Miller Anderson, dont la guitare est à la fois et limpide et lourde.
On pourrait disserter des heures, mais le fait est là : ce disque est un régal à écouter, empli de cette âme caractéristique du rock anglais de l’époque. L’ensemble est incroyablement cohérent, et savoureux, teinté de touches psychédéliques comme cette flûte sur « Sinnin’ For You » ou la wah-wah gargouillante de « Too Much To Take ».
Keef Hartley battra le fer jusqu’en 1971 en enchaînant cinq albums magnifiques en trois ans. Il tentera ensuite une carrière solo avec Anderson jusqu’en 1975 avant de jeter l’éponge, tournant sporadiquement pour le vieil ennemi John Mayall.
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