samedi 23 février 2008

FLEETWOOD MAC

FLEETWOOD MAC « Mystery To Me » 1973

Le chemin fut long pour comprendre ce disque…. Mon premier contact avec Fleetwood Mac fut un extrait de l’album « Behind The Mask », une horrible bouse FM parue en 1990. A l’époque de mes premiers frissons sur Jimi Hendrix et les Who, Fleetwood Mac faisait totalement partie de l’ennemi.
Le second fut un extrait live de « Go Your Own Way », du multi-platiné « Rumours » de 1977. Si ce disque me parut plus écoutable, il n’atteignait pas le frisson provoqué par la version live à Dallas en 1973 sur un bootleg tout pourri de « No Quarter » de Led Zeppelin.
Et puis après ce fut le blues… Je découvris peu à peu les grands guitaristes anglais, et notamment Peter Green, le vrai fondateur de Fleetwood Mac, le Peter Green’s Fleetwood Mac. Je devins un vrai fondu du groupe. Alors en pleine phase « musiciens maudits », Peter Green était un héros. Découvert tard dans la nuit par la version studio de « Oh Well », je fus fasciné par cette guitare hantée, parlant mieux que n’importe quel chanteur de talent. Loin des bavardages, Green explorait la résonance de chaque note, rendait chaque blues de Chicago archi-rabâché miraculeux. Et puis dans ce Fleetwood Mac-là, il y en avait des fondus de la caboche : Green, Jeremy Spencer, parti pour trente ans dans une secte, et Danny Kirwan, qui finira dans des foyers pour sans-abris. Comme si avec ce blues, et connaissant leurs trajectoires, on distinguait un autre monde au-delà de la musique. C’est aussi à cette époque que je devins un inconditionnel de Syd Barrett, considérant qu’après son départ, Pink Floyd était devenu un mauvais groupe. Je sus faire preuve de plus de discernement par la suite.
Bref, l’histoire de Fleetwood Mac m’amena ici. Je découvris qu’entre « Then Play On » et « Rumours », il y avait eu une vie. Souvent décrite comme erratique, voire anecdotique, la période 1971-1975 n’est pas dépourvu d’intérêt. Au contraire. A la réécoute des années après, ces albums m’ont paru passionnants. Et notamment celui-ci. Mon souvenir, ou celui que l’on voulut bien me laisser faute de goût, ce fut celui d’une musique vaporeuse, banale, mid-tempo, quelconque, vaguement bluesy-pop.
Je vous parlerai de « Bare Trees » de 1972 plus tard, le dernier disque avec Danny Kirwan, ultime six-cordiste rescapé de l’ère Peter Green. Si l’on veut comprendre toute la richesse de cette période peu connue, il faut écouter cet album.
Mais revenons un peu à quelques éléments historiques : lorsque Peter Green s’en va en juillet 1970, Fleetwood Mac est décapité. Conscients qu’il faut de la matière grise pour composer, John McVie fait appel à sa petite amie, Christine Perfect, pianiste-chanteuse en rupture de Chicken Shack depuis 1969.
Puis c’est Jeremy Spencer qui s’en va, dans une secte, donc, et il est remplacé par un musicien inconnu, un américain du nom de Robert Welch. Son apport sera majeur, et il sera le grand perdant de l’histoire de Fleetwood Mac, ne collaborant qu’aux albums dits maudits, ceux de 1971 à 1975. Pourtant, son apport est considérable. Son jeu de guitare fin, sa voix douce et original, son talent de composition revigore un groupe moribond. Il permet ainsi à Fleetwood Mac d’inscrire tous ses disques de l’époque dans les charts américains alors que la Perfide Albion les boude. En 1972, le départ de Danny Kirwan pour cause d’alcoolisme et de carbonisation cérébrale ultime finit d’imposer Welch à la tête du groupe. Si ce n’est que McVie et Fleetwood, la section rythmique du groupe devenue leader malgré elle, veut que le Mac reste un « guitar-band ». Un certain Bob Weston est donc recruté fin 1972 pour seconder Welch. Le resultat est plutôt pas mal pour « Penguin » en 1973, mais le chanteur Dave Walker, issu de Savoy Brown, brouille la ligne de composition du groupe. Avec son départ, Welch reprend les commandes, et sur « Mystery To Me », il peut enfin imposer sa voie. Ce disque est impérial, riche d’idées, de petites trouvailles rythmiques et mélodiques. L’art de Bob Welch, c’est de camoufler sous des mélodies à priori évidentes de petites pépites musicales, faites de soul et de blues. Vous ajoutez à cela l’incontestable talent de chanteuse et compositeur de Christine Perfect, et vous obtenez un superbe disque.
Il y a d’abord « Emerald Eyes », mais cela n’est rien. Non, j’adule ce disque pour « Hypnotized » notamment. Voilà du pur Bob Welch. Une rythmique rapide, genre blues de Chicago, et vous posez dessus un arpège de guitare mélancolique doublé de guitare acoustique vaporeux. La voix de Welch, calme et cotonneuse, ondule sur la mélodie. Les mots roulent comme des galets dans la rivière. Tout est limpide, et pourtant, on se sent empli d’une sorte de nostalgie étrange. C’est l’effet Welch. Cette inexplicable propension à vous saisir à la gorge avec des mélodies aux apparences évidentes, mais implacables dans votre chair.
Et puis le travail Weston-Welch prend forme avec « Big City », superbe mélodie bluesy gorgée de slide. Car Weston est un musicien modeste, mais imprégné de feeling et de mélodie. Et l’extraordinaire fusion a lieu ici, faisant de cet album un fabuleux mélange de pop anglaise, de blues, et de rock.
Les guitares acoustiques et les cordes se croisent sur « Keep On Going », le dub et le reggae répondent sur « Forever », le heavy-blues psychédélique brille sur « Miles Away ». Il n’y a de cesse que de changer d’atmosphère entre le blues de « Why » et le funk de « Somebody ». Cet album est un merveilleux miracle de genres, d’instruments et d’idées.
Et puis Bob Weston fautera avec la femme de Mick Fleetwood, et il sera viré. Et Bob Welch redeviendra le seul maître à bord. Mais il est trop tard. La rencontre avec le couple Stevie Nicks-Lindsey Buckingham enterre Welch, ce qui est une profonde injustice. L’homme réapparaîtra avec le groupe Paris avec le bassiste Glenn McCormick (ex-Jethro Tull et Wild Turkey), puis en solo, mais jamais l’homme ne connaîtra un succès à la hauteur de son talent. Personnellement, le premier album de Paris est un must, mais nous en reparlerons.
Et malgré les mélodies et les disques de platine, rien ne semble pouvoir enterrer cet incontestable originalité, ce feeling incroyable entre rock américain et anglais qui se perdit dans les limbes des charts. Welch devint le grand perdant de cette ère perdue. Et à l’écoute de cet album, votre âme saura vous dire combien il vous manque quelque chose en vous.

Les extraits live de cette époque sont rares, car le succès anglais du groupe étant proche du néant, et les ventes aux USA, loin d'être ridicules, n'approchant pa susffisamment les cimes pour intéresser le plus grand nombre. néanmoins, quelques excellentes émissions de télévision américaines offrent des pépites. Il s'agit là du Don Kirshner Rock Concert. Nous sommes en 1974, et il s'agit ici d'un extrait live de "Bermuda Triangle", de l'album "Heroes Are Hard To Find" de 1974. Weston est parti, mais Welch est encore là. C'est son dernier disque avec le groupe. cette version est formidable, et vous permettra de vous faire une petite idée du talent de ce superbe musicien : http://fr.youtube.com/watch?v=w_ktCFb6ZZc
tous droits réservés

6 commentaires:

Anonyme a dit…

sympa ton nouveau logo et merci pour le lien.fleetwood mac c'est ma tite femme qui m'a initie a ce groupe tres tres bon. pour info ils vont reediter en cd le tout premier doc holliday courant mars.A+ REBELTRAIN

Anonyme a dit…

Merci l'ami pour l'info. A bientôt.

Anonyme a dit…

yes! Fleetwood Mac avec Bob Welch c'est vraiment ma période fétiche du groupe.
bizarre que ce grand guitariste, chanteur, auteur, compositeur ne soit pas plus reconnu que ça! même les 2 albums de Paris (j'aime autant les deux) et ses albums solo (plutôt bien foutus et sans prétention) sont passés relativement inaperçu (c'est un euphémisme!).

Anonyme a dit…

"Mystery to me" est un bijou qui mérite d'être extirpé des oubliettes. "Rumours" et ses millions d'exemplaires ne lui arrive pas à la cheville.
Et quelle terrible injustice pour cet immense artiste qu'est Bob Welsh. Il est tout de même l'auteur compositeur de l'une des plus belles chansons pop de tous les temps : "Sentimental lady".

Anonyme a dit…

suis en train de me réecouter à la suite les 5 albums que Welch a sorti avec le Mac plus les albums de Paris et sa disco en solitaire.
le verdict est sans appel:
Mr. Bob Welch est sacré musicien!
et pourtant, il est quasi-inconnu à part pour les afficionados!
faut dire que le Mac (à savoir Mick Fleetwood, John et Christine McVie) ont eu vite fait de l'enterrer, comme si il n'avait jamais fait partie de la formation! (ça aide pas non plus à la notoriété!).
à tous ceux qui ne connaissent pas cette période passée sous silence, écoutez ces 5 albums épatants du Mac. certainement une des périodes les plus intéressante et riche musicalement pour le groupe!

Julien Deléglise a dit…

Merci pour ton commentaire Maxtor. Comme tu pourras le voir, le premier album de Paris fut également chroniqué par mes soins dans ce blog, preuve si il en est que je suis tout à fait d'accord avec toi.
La carrière solo de l'homme est un peu moins intéressante, je trouve, mais quand on a cinq excellents disques avec le Mac et deux avec Paris, on a déjà bien bossé. Beaucoup de groupes ne peuvent pas se vanter d'avoir une discographie de cette qualité.