lundi 28 juillet 2008

STRAY 1970

STRAY « Stray » 1970
Il faut savoir se battre. Il faut croire en son talent pour rester dix ans dans un groupe sans jamais voir pointer le succès, tout juste un semblant de reconnaissance. Stray est un groupe fantastique, parce qu’il proposa entre 1970 et 1977 une musique fantastique de richesse, et fit preuve d’une évolution musicale hors-pair, sans jamais perdre son identité. Alors cet article pourrait être une saga, disons qu’elle se morcellera sur plusieurs articles, parce qu’il faudrait revenir sur l’ensemble des albums.
Formé à Londres, dans le quartier de Shepherds Bush, comme les Who, en 1966, le groupe formé de Del Bromham à la guitare, Steve Gadd au chant, Richard Cole à la batterie, et Garry Giles à la basse joue au lycée. Les quatre sont copains d’école, et comme les groupes mods, ils jouent un répertoire de reprises soul et rythm’n’blues. Avec l’arrivée de la musique psychédélique, Stray évolue vers la musique psychédélique. Les sons s’alourdissent, et avec l’arrivée du hard-rock naissant, le quatuor trouve sa voie.
Ils signent avec un label de folk, Transatlantic, et enregistrent leur premier album éponyme en 1970. Les quatre ont dix-huit ans. Le paysage hard-rock a déjà bien évolué, avec pas moins de trois groupes très différents à la tête du genre : Led Zeppelin, Deep Purple, et Black Sabbath.
Stray va développer une étrange mixture de sons hard, avec la guitare sauvage et garage-blues de Bromham, et des rythmiques souvent rapides. Le son de Stray est en fait un hard-rock psychédélique, avec des réminiscences de folk-blues et de soul. Les titres permettent de développer l’habileté déjà honnête des musiciens. Mais surtout, Stray sait créer des atmosphères en changeant l’auditeur d’univers au sein même de chaque morceau.
Chaque titre est une cavalcade électrique, une petite odyssée électro-acoustique qui transporte l’auditeur imprudent dans un monde de rêve et de cambouis, un peu comme si Ritchie Blackmore avait intégré Black Sabbath.
« Stray » est pourtant un disque direct, dépouillé, sans fioriture, presque live en studio. Dés « All In Your Mind », repris des années plus tard par Iron Maiden, on se lance à pleine vitesse dans une course folle faite de psychédélisme un peu crasseux et de heavy-blues cradingue et déjanté.
Mais la mélodie n’est jamais vraiment loin, car Stray installe les climats, comme des rêves d’enfant, entre poursuites de petites voitures et grands livres d’aventures. Le superbe « Around The World In Eighty Days », tiré du roman de Jules Vernes, est la preuve flagrante de ces rêveries rock’n’roll, entre mythe et attitude.
Les quatre musiciens ne sont pas des virtuoses, mais la cohésion est telle que les « Time Machine », « Yesterday’s Promises » et autres « In Reverse/Some Day » ne se perdent jamais dans la démonstration gratuite et rébarbative. Pied au plancher, mais toujours avec beaucoup d’imagination, Stray emporte l’auditeur dans un voyage musical vraiment passionnant. Et chaque écoute révèle un recoin musical, un petit riff négligé, une petite trouvaille électrique qui rend l’album captivant.
Par la suite, Stray commencera à enrichir sa musique de claviers et de cuivres, d’influence progressive et soul, mais jamais sans abandonner cette musicalité, et son côté heavy-blues rugueux.
Ce premier disque est le point départ d’une formidable odyssée musicale. Brillant brûlot électrique, brut de décoffrage, sans superflu, « Stray » est un disque fondateur d’un hard-rock 70s riche et sans complexe, où la musique avait vraiment le dernier mot. Cela ne suffit pas à les rendre millionnaires, mais Stray eut au moins la chance de développer sa musique.
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mardi 22 juillet 2008

GRAND FUNK RAILROAD

GRAND FUNK RAILROAD « E Pluribus Funk » 1972
Grand Funk Railroad est un avatar américain. Pur montage d’un producteur malin, terry knight, Grand Funk va développer une formule musicale à son paroxysme. Prenez un power-trio type Cream (qui vient de casser sa pipe en novembre 1968), prenez l’énergie contestataire de la scène de Detroit (dont est également originaire Knight et Grand Funk), et pulvérisez tout cela à grands coups d’amplis surchauffés type course à l’armement, vous obtenez le groupe le plus populaire aux States en 1970-1971.
Car ce que veut avant tout le public américain en cette période de Vietnam post-désillusion hippie, c’est s’abrutir à grandes lampées de sirop de codéine sur fond d’apocalypse heavy. C’est l’âge d’or de Led Zeppelin, Black Sabbath, Deep Purple, Grand Funk Railroad, Cactus, Humble Pie et autres bombardiers soniques.
Grand Funk est le plus extrêmes dans sa démarche : jouant à la limite de la douleur auditive un heavy-blues overdosé, le groupe axe sa prestation scénique sur le défoulement. Un batteur survolté tapant comme une brute (Don Brewer), un bassiste (Mel Schacher) dont le son hautement trafiqué donne l’impression que les tweeters vont vous sauter à la gueule, et un guitariste (Mark Farner) beau gosse à la voix puissante et au jeu tout en esbroufe.
En 1972, Grand Funk a déjà sorti quatre albums studio et un live en deux ans. Or, si ces disques sont de très bonne facture, aucun ne peut prétendre au titre de chef d’œuvre. En fait, le vrai souci c’est qu’aucun n’est impeccable de bout en bout. Seul le live, gavé de l’énergie de la scène, réussi ce pari, car formant un best-of de ces disques.
Aussi, lorsqu’il faut retourner en studio, il s’agit de faire mieux que le dit live. Boosté, mais aussi lessivé, par un rythme de tournées sans relâche, le groupe se lance dans l’écriture. Il en sort ceci. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il s’agit là d’un vrai classique. Car sur « E Pluribus Funk », tout est bon. De l’excellent boogie « Footstompin’ Music » au désespéré « Loneliness », en passant par les monstrueuses bombes à fragmentation que sont « Upsetter », « Save The Land », « No Lies » ou le terrible proto heavy-funk « I Come Tumblin’ » et son pont basse-batterie à raser un immeuble de vingt étage, Grand Funk est animé de cette rage, et de la puissance de la scène qui lui manquait en studio. Pour la première fois aussi, farner prend position sur le Vietnam dans « People, Let’s Stop The War » et « Save The Land ». Le trio, qui se voulait un entertainer avant tout, devient concerné par les problèmes de la société. Cela ne lui arrivera plus par la suite.
Soli overdrivé de guitare grasse en fusion, rythmique à sa place (ici pas de pseudo-duel à la Cream), le groupe fait preuve d’une vraie unité. Du trio de bourrins originel, on entrevoit alors des jours meilleurs au niveau de la considération artistique.
Mais cela ne durera pas. Dernier album de l’ère Terry Knight, Grand Funk Railroad se sépare de son manager historique (certes escroc, mais sacrément rusé), et se renomme Grand Funk. Vont s’en suivre des disques beaucoup plus calmes avec l’ajout d’un clavier, jusqu’en 1976. Pendant ce temps-là, Farner plonge dans une religiosité qui transpirera dans tous ses textes devenus ineptes. Le groupe connaîtra un succès toujours important aux USA, mais l’intérêt musical sera bien moindre.
Aujourd’hui, Farner tourne en solo dans les gigantesques réunions chrétiennes, tandis que Schacher et Brewer maintiennent un Grand Funk grotesque, genre american band de beaufs amateurs de coca-hamburgers dans un pliant.
Alors souvenons-nous mes Frères qu’avant cette déconfiture, Grand Funk fut un des artisans du heavy wall of sound du Heavy-Metal mondial. Et que tout cela n’était pas très chrétien.
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mardi 15 juillet 2008

JEFF BECK GROUP

JEFF BECK GROUP « Beck Ola » 1969

Souvent décrié, jamais égalé, cet album du Jeff Beck Group reste son album majeur, hard-rockement parlant. Pierre angulaire d'une heavy-music en pleine mutation, avec l'arrivée notamment du premier album de Led Zeppelin, ce disque fut aussi l'espoir déchu d'un groupe capable de faire jeu égal avec le quatuor du rival Jimmy Page.
Le premier album, « Truth », envoyé en éclaireur en 1968 du hard-rock à guitare virtuose, est une incontestable réussite. Jeff Beck, en rupture de Yardbirds après l'arrivée en 1967 de.... Jimmy Page à la seconde guitare, fonde un quatuor de blues électrique avec un certain Rod Stewart au chant, Ron Wood, ancien guitariste des Birds londoniens, à la basse, et Aynsley Dunbar puis Mick Waller à la batterie.
« Truth » est un superbe disque, mais encore très ancré dans le blues anglais du British Blues-Boom. Seule la guitare suramplifiée de Beck fait la différence, orientant ce fameux blues vers des horizons électriques sauvages.
Exit Mick Waller, et Tony Newman prend les baguettes, et Nicky Hopkins le piano. Le Jeff Beck Group monte encore le son, et sort « Beck-Ola ». Galette de heavy-blues en fusion, ce disque impose une musique plus aventureuse que celle du premier album du Zep. Il y eut entretemps la fameuse histoire de la reprise de « You Shook Me » entre Page et Beck. Le Jeff Beck Group en fit une première version, et Page débarqua avec SA version sur le premier Zep, dépassant en rage et en sauvagerie celle de Beck, faisant passer ce dernier pour un petit joueur. Et c'est un Jeff en larmes qui s'expliquera devant un Page silencieux et narquois.
Ce coup-ci, Beck prend sa revanche et débarque après Page. La critique facile est de dire que la moitié des chansons ne sont que des reprises. Le premier Zep aussi, même si Page mettra 30 ans pour le reconnaître.
Ici, « All Shook Up » de Presley prend un atour puissant comme un trente-huit tonnes lancé à pleine charge. Le côté lourd prend une autre dimension avec « Spanish Boots », où Beck impose les contrepoints bombardiers, typiques du blues puis du heavy-metal.
Mais si la plupart des titres représentent une musique somme toute classique, bien que la virtuosité de Beck soit ici incroyable d'inventivité et de classe, on y découvre des pièces autrement plus captivantes.
Il y a déjà « Plynth » et sa cavalcade héroïque, dans laquelle Beck rentre tête baissée, le manche en avant, à grands coups de chorus survitaminés et sauvages. Et il y a aussi le long et malsain « Rice Pudding », fantastique pièce de musique incandescente. Débuté à grands coups de riffs, Beck fait retomber un peu la pression avant de retendre progressivement l'atomsphère par petites touches de notes fantaisistes, tantôt folk, tantôt hard-heavy.
Ce disque, à l'apparence bancale, offre ici des atours très aventureux, et peut-être un manque d'homogénéité qui le distingue de Led Zeppelin. « Beck-Ola » connaîtra la gloire, mais le caractère versatile et coléreux de Beck détruit son groupe.
Le Jeff Beck Group annule sa participation à Woodstock, puis Stewart et Wood partent rejoindre les Faces. Beck tente de fonder un power-trio avec Carmine Appice et Tim Bogert de Vanilla Fudge, mais il est victime d'un grave accident de voiture en 1970 qui le clout hors du champ musical pendant un an.
A son retour, Beck forme un nouveau Jeff Beck Group, mais la musique a profondément changé. Dépassé par les évènements malgré des disques de très grande qualité, il se réfugiera finalement dans la musique jazz-rock instrumentale, abandonnant pour toujours le heavy-blues, et le vedettariat pour une expression musicale ouverte et libre, qui fera de lui, et à jamais une sorte d'ovni de la guitare, comme son jeu, inégalable.

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mercredi 9 juillet 2008

ERIC CLAPTON

ERIC CLAPTON « Derek And The Dominos Live At The Fillmore » 1971 + « Rainbow Concert » 1973

Mais qu’est-ce que l’on peut bien trouver à Eric Clapton ? Voilà en effet un bonhomme dont la musique est largement en-dessous de sa réputation de guitariste. Car finalement, que reste-t-il comme albums légendaires de Clapton ?
Pas grand chose en fait. Ses albums solo avec Phil Collins ? Ceux des années 70 période bibine ? Cream ?
Ah oui, peut-être Cream. Parce que le power-trio réussit à faire (un peu) la nique au Jimi Hendrix Experience, et imposa son heavy-blues comme les bases du hard-rock à venir. Mias en studio ? Parce que Cream en studio… Il y a bien « Disreali Gears » en 1967, mais ce sont surtout les enregistrements live qui percutent. C’est là que le talent des trois, et surtout de Clapton, explosa.
Il y a également ce disque avec John Mayall And The Bluesbreakers, sur lequel Clapton gagna ses galons de « God ». mais à part ça ?
Car finalement, il semble que c’est poussé par un groupe qu’il semble s’exprimer le mieux. Un peu comme Jimmy Page. Et c’est aussi son malheur. Souvenez-vous de Phil Collins, encore…
Finalement, si on cherche bien, Clapton n’est qu’un guest de luxe. Ou presque.
Clapton est aussi un homme sensible, dont les émotions ont souvent permis à sa musique de décoller haut.
1969. Cream s’est dissous en novembre 1968. Clapton veut fuir le vedettariat, et se mue en guest de luxe avec Georges Harrison ou dans le groupe de soul-blues Delaney And Bonnie. Il s’y ennuie ferme, et lorsqu’il décide finalement de se remettre à composer, le duo lui signifie un droit de non-recevoir catégorique. Les trois se brouillent, et Eric part former un groupe à lui, dans lequel il serait libre musicalement.
Pour commencer, il attire autour de lui une bande de copains : Carl Radle à la basse, Jim Gordon à la batterie, et Bobby Withlock au piano. Bien évidemment, les trois ne sont pas des débutants. Le quatuor traîne ensuite ses guêtres avec différents musiciens, dont Jimi Hendrix et Duane Allman des Allman Brothers Band, tous deux de proches amis de Clapton.
Psychologiquement parlant, Eric est un homme dévasté. Outre la confusion qui règne dans son esprit concernant sa direction musicale, il est également rongé par un amour impossible. Tombé fou amoureux de Pattie Harrison, la femme de son meilleur ami Georges, il comprend que celle-ci s’est servie de lui pour provoquer une brouille entre elle et son mari. Trompé, meurtri, Clapton plonge dans l’héroïne.
En 1970, le quatuor devenu Derek And The Dominos, enregistre son premier album. Le groupe s’appelle ainsi afin que Clapton reste dans l’anonymat, et que le public apprécie sa musique non grâce à son nom propre, mais grâce à sa qualité. Et « Layla And Other Assorted Love Songs » est un disque brillant. Certes, le studio n’a jamais été le théâtre de prédilection de Clapton, mais les chansons sont d’une grande qualité, notamment le monument « Layla », dédié à Pattie.
La suite, ce sera une tournée monumentale, ballottée entre l’échec commercial de l’album et la mort d’amis proche. A commencer par Jimi Hendrix, la veille où Eric allait lui offrir sa première guitare de gaucher.
Le concert du Fillmore est enregistré les 23 et 24 octobre 1970, soit un mois après la mort d’Hendrix. Clapton, barbu, carbonisé, out of control, prend possession de la scène. Et sa musique est bien loin de Clapton. Soutenu par un groupe souple, totalement à son service, il envoie dans les étoiles des soli magiques. Le son de la Stratocaster est rugueux. Ce soir-là, Clapton malaxe une lave sonique, tout comme Hendrix. Chaque mouvement de ses doigts sur le manche hérisse les épines des roses de son cœur. C’est le sang de son âme qui coule sur la scène. La voix râpeuse, il chante magnifiquement ses chansons d’amour, que ce soit pour Pattie ou pour sa « Bottle Of Red Wine ». Le sommet de ce disque est assurément « Why Does Love Got To Be So Sad ? », magnifique épopée romantique de près de 15 minutes sur laquelle Clapton dresse comme des étendards ses souffrances et ses démons intérieurs pour toucher la Lune.
Il y a bien évidemment plusieurs classiques de ses concerts comme « Key To The Highway », ou « Blues Power », et une reprise funky de « Crossroads ». Mais ce qui ressort surtout de ce double live, c’est la puissance émotionnelle de la musique, soutenue en permanence par un groupe dont Clapton dira qu’ils l’ont littéralement poussé au-delà de ses limites musicales.
La suite, ce sera la dissolution de Derek And The Dominos, suite à différentes frictions entre les musiciens, et le bide commercial de l’album.
Pour couronner le tout, Duane Allman meurt en 1971 dans un accident de moto. Clapton se noie un peu plus dans l’héroïne jusqu’à cette prestation pitoyable au Concert For Bengladesh organisé par Harrison, sur laquelle Eric, non accordé, gratouille quelques notes brouillonnes.
Il disparaît alors deux ans durant dans sa villa en compagnie de sa copine héroïnomane pour construire des maquettes d’avion.
C’est Pete Townshend, des Who, qui le sort de la panade en organisant ce concert au Rainobw Theater en 1973. Clapton, barbu, apparaît en compagnie de Townshend, Jim Capaldi, Steve Winwood, Rick Grech, Ron Wood, et Reebop Kwaaku Baah.
C’est sur un tapis de guitares lourdes et pâteuses comme sa bouche que Clapton joue ce soir. L’ambiance est heavy, épaisse, embrumé. « Layla » sonne comme une gueule de bois. Et la reprise de JJ Cale, « After Midnight » résume à lui seul le concert. Un peu en roue libre, boueux, mais finalement en parfait contrôle, soutenu par une rythmique impeccable, souple, soul, celle de Grech et Capaldi.
Ce grand concert et le premier avant une cure de désintoxication qui le remet sur pied en 1974. Il enregistre dans la foulée le classique « 461, Ocean Boulevard ». Classique, ce disque n’en a que le nom. Car si il y a des tubes, comme le dira Clapton, il est avant tout la réunion des titres mineurs que le groupe répétait en jam. Et le contenu est effectivement relax, mais parfaitement anecdotique. Ce sera d’ailleurs une constante de tous les disques de Clapton : pas désagréable, mais sans grand intérêt. Là où son âme brille, c’est lorsque la guitare rugit, et ce sera hélas de plus en plus rare.
Alors Clapton serait-il finalement au top musicalement lorsque son esprit est au plus bas ? Oui, car c’est là que le cœur parle instinctivement. Et c’est là le meilleur de l’homme.


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samedi 5 juillet 2008

AC/DC 1980

AC/DC « Back In Black » 1980

De la colère émerge les plus belles fleurs. Celles du Mal. Tout a été dit sur ce disque, en particulier le contexte particulièrement douloureux de l’enregistrement. La perte d’un être cher est une déchirure difficile à cicatriser. Et que dire quand il s’agit d’un type comme Bon Scott. Il fut le chanteur des années de galère avant le succès enfin mérité de « Highway To Hell ». Il fut la voix de gargouille magnifique des frères Young, le parolier talentueux et sous-estimé des riffs blues d’AC/DC, mais aussi ce grand frère baroudeur qui à 33 ans a tout connu.
Décapité, AC/DC reste quelques mois dans le vague, entre séparation obligatoire, et furieuse envie d’en découdre avec ce foutu destin qui carbonisa leurs plus beaux espoirs. L’esprit de Bon Scott fut sans doute le plus fort. Angus et Malcolm Young décidèrent de continuer, et rapidement. Moult chanteurs furent pressentis pour remplacer l’irremplaçable : on parla de Rusty Day, le chanteur de Cactus assassiné fin 1980, ou encore Noddy Holder, le chanteur de Slade. Finalement, c’est Brian Johnson, le hurleur d’un obscur groupe écossais, Geordie, qui eut son heure de gloire en 1973. L’homme à la casquette de routier est humble, sympa, et a la voix de l’emploi.
Frénétiquement, les frères Young griffonnent quelques riffs bien gras, empreints de rage et hargne. Le son de « Back In Black », ce n’est d’ailleurs que cela. Pourtant, quelques choses a changé. Comme des gamins qui auraient grandi trop vite, le son AC/DC a muté. Les influences blues et rock’n’roll se sont effacées pour laisser place à un son plus métallique, hurlant, compact.
Et dés « Hell’s Bells », on sent grouiller les flammes noires de l’enfer. Ce qui ne tue pas rend plus fort. Et force est de constater qu’AC/DC est une vraie machine à tuer, sans faille. La voix de Brian Johnson rend encore criant cette sensation. Hurlante, rageuse, rugissante, elle est pourtant pleine de nuances subtiles. Elle perdra peu à peu de son côté heavy-metal furieux et son originalité avec le temps., pour opter pour des intonations plus blues sur « Stiff Uper Lip ».
Les moments les plus forts sont bien évidemment les morceaux dédiés à Bon Scott, le progressif blues « Hell’s Bells », et le claquant et fier « Back In Black ». mais il y a aussi ce furieux blues qu’est « Rock’N’Roll Ain’t Noise Pollution ». La voix de Johnson démarre un peu enfumé, comme ces lendemains de cuite, et puis la vouivre déclenche la foudre. Le reste du disque est bien évidemment très bon, mais plus classique, avec un petit flirt pour des choses plus commercial avec « You Shook Me All Night Long » qui fera la perte d’AC/DC au milieu des années 80. Bon, on est loin des ballades de Bon Jovi quand même, hein.
Tout cela reste fort viril, et on a avant tout à faire à du très bon hard-rock, dont l’approche du riff sera l’école des années 80, avec plus ou moins de bonheur. Car si AC/DC a métallisé son approche de la musique, les fondations restent le blues et le rock’n’roll, c’est ce qui donne cette saveur si particulière, et toute l’authenticité aussi. Car les frère Young ont une légitimité que n’auront jamais d’autres groupes. La suite, ce sera une tournée triomphale, et 8 millions d’albums vendus. La plus grosse vente, ce sera l’album suivant en 1981, « For Those About To Rock… ». Encore très bon, on dénote pourtant une petite baisse de régime qui ne fera que s’aggraver avec le temps. Perdu, à la dérive, AC/DC mettre quelques années avant de revenir à l’os, à l’essence de sa musique. Et comme des vieux frères qui se sont perdus de vue, mais jamais oubliés, ils se retrouveront en 1995. Notamment ce vieux Phil Rudd, le métronome du groupe, qui partira en 1983. et là, ce fut vraiment le début de la fin. Démonstration ? Ecoutez « Back In Black », et “Live At Donington” de 1991. Alors, pigé ?

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