mardi 26 août 2008

BLACK SABBATH 1970

"Jamais un disque n'aura dégagé une telle impression de malaise, une telle menace, un tel souffle soufré."

BLACK SABBATH : « Black Sabbath » 1970

Début 1970, les fleurs du Flower Power se sont fânées sous les coups de matraque de la Garde Civile américaine. Depuis 1969, un nouveau son est apparu, plus lourd, issu du British Blues-Boom des années 60, et dont Led Zeppelin, Free ou Spooky Tooth sont les armateurs. Le Blues d’origine est alourdi, hurlé, dramatisé, accentuant l’aspect rebelle et désespéré de la musique.
Il faut de l’agressivité pour évacuer la frustration générée par l’espoir déchue des années 66-68. L’avenir s’est assombri, et à l’optimisme d’un monde meilleur s’est substitué un pessimisme profond et une agressivité générale que vient symboliser le Heavy-Rock naissant.
Les textes restent pourtant relativement neutres, Led Zeppelin ou Free se concentrant sur des thèmes proches de ceux abordés par les Bluesmen noirs : la misère sociale bien sûr, mais aussi et surtout l’Amour et le Sexe sous tous leurs aspects. Des thèmes plus noirs seront abordés plus tard, après EUX.
Eux, ce sont quatre gamins de la banlieue ouvrière de Brimingham : James Michael « Ozzy » Osbourne au chant, Tony Iommi à la guitare, Terry « Geezer » Butler à la basse, et Bill Ward à la batterie. Les quatre jouent ensemble depuis maintenant deux ans. Ils ont commencé par une mixture de Jazz et de Blues-Rock alors très tendance en 1967-68. Jouant de pubs en clubs, ils se sont taillés une jolie réputation, même si ce ne fut pas facile. Iommi avoua ainsi que pour attirer l’attention des buveurs de stout, le groupe se mit à jouer de plus en plus fort, jusqu’à saturation. Tournant dans une petite camionnette sans chauffage, le quatuor survit en gobant des acides. On est loin des plages californiennes.
Entre les concerts, les musiciens ont des jobs. Iommi travaille à l’usine sidérurgique du coin. Black Sabbath est à la veille d’une tournée britannique en compagnie du groupe Andromeda (avec John DuCann, futur Atomic Rooster). Alors qu’il découpe des tôles, le majeur et l’annulaire de sa main droite restent bloqués sous la presse. Les deux doigts sont sectionnés de moitié. Mais Iommi ne désespère pas. Suivant l’exemple de Django Rheinhart, qui continua à jouer malgré sa main brûlée, le guitariste gaucher décide de fabriquer deux prothèses en cuir, et détend l’ensemble des ses cordes afin de pouvoir tirer dessus en bend. Le son Black Sabbath est né : un son lourd, menaçant, profond, celui du Heavy-Metal.
Et lorsque le groupe sort son premier album le vendredi…13 février 1970, le choc est immense. La pochette sombre représente une sorcière au fond d’un bois, et à l’intérieur, une croix sataniste se distingue sur un fond noir. Et la musique impressionne encore davantage : dés le riff plombé de « Black Sabbath », longue incantation païenne finissant dans un tourbillon de guitare dévastateur, on comprend que les utopies n’ont plus lieu d’être. Jamais un disque n’aura dégagé une telle impression de malaise, une telle menace, un tel souffle soufré. La basse matraque, claque comme un fouet derrière les riffs de guitare, pendant que la batterie appuie telle un mammouth le rythme pesant. La voix d’Ozzy n’a plus rien à voir avec les vocalises Soul ou Blues : c’est un fantôme qui déclame des paroles se référant à la magie noire, à la science-fiction de HP Lovecraft (« Beyond The Wall Of Sleep »), ou au Diable (« NIB »).
Pourtant, on est jamais très loin du Blues, car la musique de Black Sabbath en découle réellement : son Heavy-Metal n’est rien d’autre qu’un Blues lourd et pesant, joué de manière rustique et suramplifié.
Pour preuve, la somptueuse reprise de « The Warning », originellement un titre de Aynsley Dunbar Retaliation, est un vrai Blues british, mais traité de manière hallucinatoire. Voguant sur une dizaine de minutes, alternant soli jazzy, et attaque de riffs plombés, le texte racontant une séparation prend une ampleur dramatique, et où l’on se dit que la fille en question va finir brûlée sur un bûcher !
Egalement, les titres « Evil Woman » et « Wicked World », parus à l’origine sur un simple en 1969, sont de vrais titres de Rythm’N’Blues, mais joués avec ce son caractéristique, et par des gamins qui ont définitivement imprimé leur propre personnalité au genre.
Ce disque, un de leurs meilleurs, marque la fin définitive du genre Blues Anglais, et le vrai départ du Heavy-Metal à l’anglaise. Par la suite, les albums du Sab’ seront définitivement Heavy-Metal, plus élaborés, mais toujours d’une grande qualité. Le groupe sera pourtant descendu par la critique, et ce dés le premier disque (« Inaudible » dixit le Melody Maker, « Une musique pour dégénérés mentaux » dixit le NME).
Il faudra attendre les années 90 pour qu’enfin on reconnaisse l’influence du quatuor sur l’ensemble de la production Rock des 30 dernières années. Sans doute parce qu’il est plus facile de jouer le riff de « Paranoid » que les arpèges de « The Rain Song » de Led Zeppelin quand on débute la guitare.
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3 commentaires:

Anonyme a dit…

Descendu par la critique de l'époque car trop facile à jouer! Oui j'avais déjà lu ça quelque part! Et que dire de la critique musicale d'ajourd'hui qui est en extase devant les prouesses guitaristiques du mec de BB Brunes...
Halala fichu punk qui a certes redonné de la pèche au rock, mais qui a complètement discrédité la virtuosité, aujourd'hui ringarde!

Julien Deléglise a dit…

Tout à fait vrai. Mais je crois qu'il ne s'agit pas d'une simple question de virtuosité, mais avant tout d'inspiration. Même avec des moyens limités techniquement parlant, des musiciens comme Black Sabbath ou encore Motorhead pour en citer d'autres, ont réussi à imposer une vraie personnalité musicale. ce qui épate véritablement, c'est la façon de jouer très personnelle de ces musiciens, qui ont un style à eux, purement auto-didacte. Aujourd'hui, il semble que nous soyions globalement dans une phase de feinéantise créative qui consiste à repomper sans imagination ce que font les autres quand cela marche. C'est le cas de BB Brune par exemple.

Anonyme a dit…

completement dac avec vous, tous les plans sont pompes sur les anciens mais sur scene black sabbath ou motor head c' est autre chose que bb brunes a+