samedi 20 décembre 2008

JUDAS PRIEST

"Guitares en embuscade, chant presque lyrique, Judas Priest construit ici une symphonie heavy-metal."

JUDAS PRIEST « Stained Class » 1978

La route vers le succès est longue. Bon Scott d’AC/DC le chanta, et le vécut aussi. Judas Priest peut dire de même. Entre les prémices du groupe vers 1970, lorsque le bassiste Ian Hill et le guitariste Ken KK Downing décide d’unir leurs forces, et les premiers succès commerciaux du groupe en 1979, il aura fallu attendre presque dix ans.
10 ans de galère, mais aussi dix ans de rock’n’roll. Fondé à Birmingham, la ville de l’acier britannique avec Sheffield, le cœur du Priest battit au rythme des emboutisseurs de tôles. Acier en fusion, acier brûlant, puis froid et rigide comme la mort.
Ces dix années de routes furent sans doute la chaîne de production de l’acier musical du Priest. Au départ, le groupe est avant tout la réunion de fans de d’Hendrix et Cream, avec une touche de Dylan (dont le nom Judas Priest est issu d’une de ses chansons).
Le groupe écume les clubs du Nord de l’île, affiant son style. Ils trouveront en chemin un chanteur à la voix unique, un certain Robert Halford. Il a la voix aigue et puissante d’un Ian Gillan, mais ce quelque chose de maîtrise en plus.
La fine équipe se complète en 1973 avec l’arrivée de Glenn Tipton, juste avant l’enregistrement du premier album, « Rock’A’Rolla », sur un label foireux. Le style musical oscille entre des tendances heavy-blues, et un rock progressif un peu planant. Pourtant, il y a déjà ce quelque chose de terriblement dramatique, cet emphase maladive des gens au bord de la rupture. Le Priest installe son spleen. Le meilleur titre est assurément « One For The Road », et son riff entêtant et malsain.
Il faudra attendre « Sad Wings Of Destiny », en 1976, pour que Judas Priest se lance dans le heavy-metal. Il faut dire que les copains de Birmingham, Black Sabbath, sont devenus des héros, et que le heavy connaît un succès mondial avec Led Zeppelin, Rainbow, Blue Oyster Cult, et le Sab bien sûr.
Le ton se durcit, Halford devient cet oiseau démoniaque qui éructe ses visions nihilistes du monde. Les textes sont parfois un peu puérils, mais ils sont le parfait reflet de l’état d’esprit des gamins des banlieues industrielles, de Birmingham à Detroit.
Peu à peu, Judas Priest, abandonne ses velléités progressives, que l’on retrouve sur « Sin After Sin » en 1977, pour sortir ça.
« Stained Class » est pour moi le meilleur album du Priest. On est encore assez loin des hymnes métal des années 80. Le groupe fait preuve d’un talent d’écriture assez rare, faisant preuve d’audace, ce qui lui arrivera de moins en moins, une fois la bonne formule trouvée.
Mais Judas Priest est aussi un précurseur. Dés « Exciter » qui annonce rien de moins que le speed-metal, on est dans l’ambiance. Vengeur, agressif, le heavy de Judas Priest est une piqûre de serpent. Mais ici, tout n’est pas encore totalement bourrin. Il reste également ici quelques traces de heavy-blues zeppeliniens, comme sur « White Heat, Red Hot » et ses paroles à double-sens, ou sur la reprise de Spooky Tooth « Better By You, better Than Me ».
Il y a aussi et surtout ces pièces épiques, construites autour de riffs heavy en diable. Mais ce qui frappe surtout, c’est le son des guitares. On parle de riffs heavy, mais le son est cristallin, limpide, précis, chirurgical. Ici, pas de gros son lourd, bluesy. Toute la musique du Priest se décompose note à note, avec clarté. C’est peut-être ce qui la rend aussi tranchante.
Toujours est-il qu’écouter « Stained Class », c’est s’assurer un voyage dans les abysses, balloté entre les guitares de Tipton et Downing se répondant par solo interposé. Il y a aussi les « Invader », et bien sûr, le monument « Beyond The Realms Of Death », qui valut au Priest le magnifique procès de Reno en 1986.
Guitares en embuscade, chant presque lyrique, Judas Priest construit ici une symphonie heavy-metal. Par la suite, le groupe se lancera dans les hymnes heavy définitifs, certes efficaces, mais sans ce lyrisme qui brille ici de mille feux.
Le Priest, est alors à la frontière entre deux univers, entre son passé progressif, et sa période metal clouté. Et ce disque en est le diamant noir. tous droits réservés

1 commentaire:

mentalvortex a dit…

Salut et encore super boulot pour ce Stained Class qui restera un album phare du Priest. Cependant, j'aimerai y apporter un petite correction, l'objet du procès de Reno porte sur le morceau Better by you, Better than me sur lequel les 2 ados auraient entendu un message subliminal "Do it" les incitants au suicide... Halford se défendera en argumentant que si le groupe avait voulu insérer un message, il aurait été de l'ordre "achetez plus de disques de Judas Priest" ...

Ce qui m'a toujours étonné, c'est que le morceau Beyond the realm of death traite directement du suicide et qu'à aucun moment il n'est cité dans le procès qui figure sur le documentaire Dream Deceiver de 1991