vendredi 5 décembre 2008

L'ILE DE TOM 1ère partie

Chers lecteurs,

Sachez que si ma grande passion reste la musique, je me suis essayé à d'autres genres que l'écriture musicale. j'ai ainsi rédigé il y a quelques années des nouvelles qui restèrent dans mes cartons. Leur lecture ne dépassa pas un cercle d'amis proches, et je ne sus trop quoi faire de ces récits. Je tentai vaguement de les faire publier, sans grand résultat ni acharnement.

Aussi, j'ai décidé de vous faire partager ces écrits, restés longtemps inédits. Je les laisse à votre appréciation, en espérant que cela vous plaise. Ils feront l'objet d'une nouvelle rubrique : "Nouvelles et autres récits".
Bonne lecture.

L'ILE DE TOM

Le lourd bombardier ballote dans le ciel. Les vagues du Pacifique se déchaînent en rouleaux sous le ciel noir.
Des éclairs déchirent la nuit, faisant craindre le pire à l’équipage. Gavés de Crystal Meth, une amphétamine qui permet aux pilotes de voler toute la nuit sans s’endormir, les hommes transpirent à grosses gouttes, les yeux exorbités par l’acide et la peur.
Arriveront-ils jusqu’à cette maudite île couverte de bases japonaises, leur objectif ? Tom aurait préféré partir la nuit suivante, mais les Zéros ne se méfient guère par gros temps : trop risqué.
Ca, Tom l’a compris, et effectivement ils ne risquent pas grand chose tant le B-52 vogue entre les trous d’air, chassé par les coups de vent comme une botte de paille dans une tornade. La visibilité est nulle, la pluie s’abat sur les vitres, formant une pellicule d’eau qui rend l’horizon flou.
Seules les vagues de l’océan se distinguent à perte de vue sous la carlingue. Rien de bien rassurant en somme, d’autant plus que l’avion devient incontrôlable. Les à-coups se succèdent dans le manche, obligeant les pilotes à des efforts de plus en plus inhumains.
L’un des moteurs prend alors feu, et une rafale de vent dévie l’avion vers les limbes noires de l’océan. Le bombardier perd de l’altitude. L’équipage s’affole, il faut remonter. Tom ne perd pas courage, mais l’altimètre défile. L’avion pique du nez, trop lourdement chargé de bombes.
Les deux pilotes s’accrochent au manche pour redresser, mais l’avion ne répond plus.
La mer noire se rapproche, les hommes hurlent. Impossible de sortir avec les parachutes, il est trop tard, ils sont trop bas, et le temps est trop mauvais.
Le crash est énorme, les vitres explosent au contact de l’eau salée, la carlingue se déchire. Tom et ses compagnons sont propulsés vers l’arrière sous le choc, les ceintures se déchirent, et le chargement se ballade à travers le cockpit.
Une explosion assourdissante perce les tympans, la carlingue coule dans un glougloutement effroyable. Puis c’est le silence. Seules les vagues et le vent continuent de rugir au-dehors.
La tour de contrôle a perdu la trace du B-52.
Les vagues lèchent la plage dans un clapotis régulier. Tom ouvre les yeux. Il tente de bouger ses membres engourdis. Tous répondent, même si de violentes douleurs lui déchirent les épaules et les jambes.
Le sel lui brûle le front : du sang coule sur son visage. Tom tente de se lever : au bout de la troisième tentative, il se met sur ses deux jambes. Sa combinaison est déchirée, en lambeaux. Sous son maillot de corps, les traces des sangles apparaissent en un violet sombre. Tom vomit une première fois. Un mélange d’eau de mer, d’algues et de sang sort de sa bouche.
Ses genoux sont couverts de bleus. Son pas est difficile, il boîte comme jamais, ses jambes sont en coton. Il retombe sur ses genoux, hurlant de douleur.
Sur la plage, des débris de carlingue s’échouent. Il est le seul survivant, et il ne sait comment.
Tom découvre alors l’île : une île du Pacifique, avec sa plage bordée de palmiers derrière lesquels se cache une forêt épaisse et hostile.
Est-il en territoire Jap ? Il ne le croit pas, ils n’ont pas eu le temps de franchir la limite militaire. Mais le doute reste entier. Peut-être est-il observé ?
Qu’importe ! Que peut-il faire ? Sans poste radio, il ne peut établir de contact, appeler à l’aide. L’Etat-Major s’est sans doute déjà résigné à ce qu’il n’y ait aucun survivant. La guerre ne va pas s’embarrasser d’un pilote blessé à récupérer. La zone est trop dangereuse.
Tom vomit une seconde fois : le sel lui arrache la gorge. Il aimerait boire de l’eau douce, bien fraîche, pour calmer la douleur, celle de sa gorge et de ses membres meurtris.
Et dire que des milliers d’Américains rêvent de ces plages ensoleillées et sauvages, lui en premier ! Quelle merde ! A se demander si il n’aurait pas mieux fallu mourir avec les autres ! De toute façon, l’Etat-Major annoncera à sa famille et à sa petite qu’il est mort au combat.
Et va savoir si Nikki ne l’a pas déjà oublié dans les bras d’un autre, depuis le temps ! Tom avait bien besoin de ça : le voilà seul sur une île inconnue, complètement meurtri, c’est bien le moment de faire le point sur sa vie de citoyen occidental ! Un peu comme lorsque l’on va mourir, et que notre vie défile devant nos yeux.
Il se remémore l’accident, et constate que rien n’a défilé au moment du crash. Etrange. Comme si il était écrit qu’il allait survivre.
Tom s’avance vers la forêt, à l’écoute du moindre bruit. Marchant prudemment dans la jungle, le bruit des vagues se fait plus lointain. Le vent souffle dans les feuillages. Les cris des animaux retentissent au loin. Tom s’arrête à plusieurs reprises, toujours à l’affût.
Un singe saute de cime en cime en criant, des oiseaux s’envolent. De beaux oiseaux multicolores, comme Tom n’en a jamais vu, même au zoo de Los Angeles.
S’enfonçant encore dans l’épaisse végétation, Tom semble entendre une voix. « On est perdu bonhomme ? Américain ? ». Il se retourne nerveusement : rien à l’horizon que les lianes et les fougères épaisses. Les rayons du Soleil percent la verdure en traits fins.
« ‘Y a pas de Zéros ici, mec ! T’affole pas ! ». Tom se retourne encore brusquement. Des sueurs froides lui courent sur le front.
« Eh ! Tête de mort ! Je te parle ! Ark ! Ark ! ». Tom redresse la tête : un perroquet est au-dessus de lui, et le regarde. « C’est moi qui te parle Ducon ! ‘Y t’as fallu le temps ! Eh Ducon, t’as l’air d’en chier. Bouba !!! BOUBA !!!! Il est où ce con ? Putain de macaque, tiens ! Suis-moi, Ducon ! Je te montre pour boire. » Le perroquet s’envole. Eberlué, Tom le suit.
Il boitille difficilement à travers les broussailles, et son interlocuteur s’arrête parfois sur une branche pour l’attendre. D’un ton autoritaire, il lui dit parfois : « Bon, on va pas y passer la nuit ! Tu te magnes ou tu crèves sur place ! ».
Il tente de presser le pas comme un bon soldat, sauf que c’est un perroquet qui lui donne des ordres ! Rien de bien différent de l’armée finalement.
Il entend alors au loin de l’eau couler : une jolie cascade se dessine devant lui. Les rochers sont couverts d’une mousse verte foncée illuminée par l’eau claire et les rayons du Soleil.
(A suivre)
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