samedi 6 décembre 2008

L'ILE DE TOM 2ème partie

Tom se précipite dans le torrent frais et boit à grandes gorgées. L’eau fraîche coule dans son gosier comme une vague apaisante.
Aspirant l’eau dans ses mains, il entend alors son guide hurler : « Hé ! Les gars, j’ai trouvé une tête de mort ! ». Un concert de voix de casserole hurle alors « Tête de mort ! Tête de mort ! Ark ! Ark ! ».
Son guide se pose à ses côtés : « C’est marrant à dire, tête de mort ! Ark ! Ark ! ». des babouins descendent alors des rochers, et l’entourent, le regardant boire.
L’un d’eux lui tend timidement une mangue : c’est un jeune. Sa mère est derrière : « Donne lui donc ! Il est gentil le monsieur. » Il prend le fruit avec un sourire. Le petit lui sourit en lui montrant ses dents acérés. Il tape dans ses mains en hurlant. Il semble heureux comme un enfant face à un animal inconnu. C’est Tom la bête du zoo.

« D’où viens-tu ? Oui, d’où viens-tu ! Dis d’où tu viens ? Dis tête de mooooorrrrrrtttt !!! » lui demande une chorale de perroquets multicolores chahutant des ailes comme dans une chorégraphie de comédie musicale.
« Je viens de Los Angeles. Je suis pilote de bombardier. » Leur répond-t-il. « Ah ! C’est toi qui nous balance des bombes sur la gueule ? Tête de moooorrrrttttt !!!! ». lui répond la chorale.
Le singes le regardent en penchant la tête sur le côté. L’un d’eux lui caresse le visage avec la patte, puis s’écarte en hurlant. Les autres hurlent aussi . « Bande de débiles ! Qu’y sont cons ces macaques ! Têtes de mmmooooorrrrrrttttt !!!!! » beugle son guide.
« On t’emmerde Calice ! Répond l’un des singes. T’as toujours raison, c’est chiant à la fin ! Fout lui un peu la paix ! Tu vois pas qu’il est crevé ? Hein que t’es crevé ? » Tom acquiesce de la tête.
Calice se picore les ailes en ruminant : « Tête de mmmmooooorrrrrrtttt…. »

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« D’où tu viens, l’homme ? me demande l’un des singes. Un mâle, car il se gratte les testicules.
- Mon nom est Tom. Je viens de Los Angeles, et je suis pilote de bombardier…
- Tu l’as déjà dit ! hurle Calice.
- Ta gueule ! éructent en cœur les singes.
- Je suis tombé en mer pendant la tempête. Mes camarades sont morts en mer. Je suis le seul survivant. Et je pense que je suis ici pour un certain temps…
- T’es pas dans la merde, Coco ! Crie Calice ! Personne ne vient ici ! Même les Japs ne viennent plus dans le coin !
- Mais au fait comment savez-vous parler ?
- L’île fut habitée, le répondit le mâle singe, mais les habitant ont été déportés sur les îles occupées par les Japonais pour travailler, construire des bases, tout ça. Avant, on les entendait parler, c’est comme ça qu’on a appris. Ca nous manque, ils étaient gentils. Ils nous apprenaient des mots. Les perroquets ont été les premiers à les répéter…
- Eh ouais ! Tête de mmmoooorrrrrrttttt !
- Je disais, ils furent les premiers à les apprendre, puis ils les répétèrent à travers la forêt.
- Mais… commnt dire… Tête de mort, c’est pas indigène !
- T’es pas le premier à te paumer ici ! Mais les autres sont morts ! Aucun n’a voulu nous écouter ! »

Merde, tous sont morts sur cette putain d’île ! Personne n’en revient, et c’est un perroquet qui lui annonce ! Il semble à Tom qu’il a trop gobé de Crystal Meth, bon Dieu !
La petite troupe de singes l’emmène avec eux. Ils lui montre leur campement : une petite clairière aux herbes aplaties. Les adultes ont pris soin de dégager les branchages, et ont aménagé des couches avec les branches.

La nuit tomba. Le repas fut frugal : composé de fruits, ils mangent à tour de rôle. Toute la nuit, les mâles se relaieront pour le tour de garde, comme une vraie base militaire. Seules les femelles et les petits ont le droit à un repos continu.
Les oiseaux sont de fiers éclaireurs, alertant les mammifères au sol de tout danger. Une véritable organisation s’est crée entre ces animaux si différents, parfois prédateurs et proies entre eux, mais qui, face à la menace de l’homme, se sont unis pour leur survie.
L’instinct animal n’est sans doute plus aussi anarchique et spontané que l’on pourrait le penser. Pour Tom en tout cas, ils ne sont plus vraiment des animaux, mais des êtres vivants doués d’une intelligence qui le dépasse, qui nous dépasse.

A l’aube, le plus gros mâle le réveille à grand coups de pattes dans les côtes. Sa mine patibulaire le surprend au réveil. « Suis-moi, homme.
- Tom, moi c’est Tom. Pourquoi donc ?
- Suis-moi. »

Il suit alors mon nouveau guide. Par sa dégaine nonchalante et peu engageante, Tom le surnomme Harry. Il l’emmène à travers les bois, l’agrippant parfois au col pour marcher plus vite, et écrasant les épais branchages d’un revers de patte pour lui dégager le passage.
Puis Harry se met à grimper un palétuvier, progressant souplement parmi les lianes et les branches. Tom est au sol, il le regarde émerveillé. Mais il ne peut le suivre. « Tu viens ?
- Je ne peux pas… Harry, ça te plaît Harry ?
- Ouais, Harry… Ouais, c’est viril, grompf.
- Je ne peux pas te suivre…Je … Je ne sais pas monter comme toi.
- Grompf… »

Harry redescend et le prend d’un geste vif sur son épaule. Il grimpe alors d’une seule main et avec ses pieds l’arbre, le portant comme un baluchon.
Sa force et son assurance ahurisse Tom. Tous ses gestes sont d’une vivacité et d’une précision incroyable.

Ils parviennent à la cime. Harry le dépose sur les grosses branches : Tom s’accroche et se retourne. Il lui montre du doigt l’horizon. Tom suit son bras et voit l’île voisine : une vaste base aérienne japonaise s’étale à l’horizon.
Des hommes torse nu, au visage océanien, travaillent. Ils s’agitent dans tous les sens, portant de lourds chargements sur leurs épaules : matériel, bidons d’essence, caisses de munitions…
Leurs femmes travaillent aux cuisines, les enfants à leurs côtés. Les Japs les surveillent, armes en main. Parfois, une main s’égare dans la poitrine d’une des femmes. Elles se laissent faire, apeurées. Le mythe du Samouraï en prend un coup. Décidément les soldats sont bien tous les mêmes.
« Voilà ce qu’ils sont devenus, petit blanc, les humains de l’île : des esclaves.
- C’est cette base que je devais bombarder.
- Et peut-être allais-tu les tuer aussi.
- La guerre ne fait pas grand cas des civils, tu sais.
- Ni de nous, car les bombes, on les prend aussi sur la gueule. »

Ils redescendirent, puis Tom se dirigea vers la plage. Son esprit s’était embrouillé entre la volonté de sauver ces gens avec les moyens militaires habituels, et
sa conscience nouvelle sur les dégâts causés par nos armes. Dans sa tête, l’Amérique défendait la liberté, avec tact et humanisme. Il réalisa que l’Armée Américaine n’était qu’une machine à tuer de plus, défendant des intérêts politiques et économiques, au prix de vies humaines innocentes.
Certes, Tom savait que la guerre ne faisait pas de détails, mais sa vie ne dépendait plus que de celles de ces êtres fragiles, soumis de force à la dictature des armes.

Il s’éloigna soudain en courant vers la forêt : des avions japonais passèrent au-dessus de sa tête en escadrille, partant en mission contre les forces de mon armée. Et il était impuissant, considéré comme mort.
(A suivre)
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