mercredi 28 janvier 2009

JOHN LEE HOOKER

"Tout est là. "

John Lee Hooker : « Alternative Boogie : Early Studio Recordings, 1948-1952 »

C’est là que tout a commencé. La poussière vole dans les rues sales de Clarksdale, Mississippi. Berceau du blues moderne, quelques ouvriers noirs des plantations locales jouent de la guitare, et cette musique venue du fond des âges, mélange de réminiscences africaines et de chants religieux, le gospel. Ils s’appellent Muddy Waters, Howlin’ Wolf, Sonny Boy Williamson, Bukka White ou encore John Lee Hooker.
Ce dernier restera sans aucun doute dans l’histoire non pour ses duos avec Eric Clapton et Carlos Santana, mais pour avoir inventé un blues tribal et incantatoire, respirant autant les lointaines terres des ancêtres que la crasse des grandes villes industrielles. Ce rythme, ce sera le boogie, terreau de base à des centaines de groupes blancs des années 60 et 70, des Rolling Stones à Status Quo.
Le seul souci dans la pléthorique discographie du bonhomme, c’est de s’y retrouver. On peut aisément mettre la main sur les derniers disques, pas mauvais, mais on est loin de la spontanéité des premiers enregistrements.
Capitol, dans sa série Blues Collection, a fait paraître un triple album du nom de « Alternative Boogie : Early Studio Recordings, 1948-1952 », regroupant, comme son nom l’indique, les premiers enregistrements de John Lee.
Tout est là. Seul à la guitare, tapant le rythme du pied, rugissant de sa voix grave des histoires de la vie quotidienne plaquées sur des accords lourds, Hooker pose ici l’archétype du Blues du Mississippi.
En boogie rapide, il décoiffe, en blues lent, il arrache le cœur. L’un des plus beaux est sans doute ce « Turnin’ Gray Blues », poisseux et sombre. John Lee supplie, hulule.
Il y a tant d’exemples ici, tant de pépites… C’est un voyage dans la misère, dans la condition humaine. Comme une fleur qui éclot sur un tas d’ordures. De la fange émergea l’un des plus sons du 20ème siècle.
On est loin de tout cela de nos jours. Les plus pauvres ne travaillent pas et rapinent ou dealent. Les classes moyennes triment et pestent contre les plus pauvres et les plus riches. Mais aucun ne chante. Ou mal. Aucun n’est capable de faire ressortir en chansons la douleur de tous les jours. La violence verbale, la haine et la culture de masse ont eu raison de la poésie et de la créativité.
Le blues aujourd’hui a subi le même sort que le jazz : une musique pour bourgeois et festivals snobinards. Les artistes ressassent le Old Deep South, alors que les histoires de Muddy, Bukka ou John Lee n’ont jamais été aussi actuelles, que ce soit à Detroit, Londres ou Berlin.
Il est urgent de revenir à tout cela, à ces blues séminaux, et les considérer non comme un document historique, mais comme un retour aux sources, pour comprendre, et retrouver l’esprit original du Rock. Ou tout simplement pour s’extasier encore sur ces merveilles musicales.
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