mercredi 4 février 2009

KING CRIMSON

"Imaginez un peu : un power-trio guitare-basse-batterie de rock progressif. "

KING CRIMSON « Red » 1974

Cité de violence noire, la jeunesse des seventies plonge dans la désillusion du monde moderne. Les espoirs nés dans l’ère hippie, puis dans les paillettes du glam ont sombré dans le sirop de codéine, et ce putain de monde urbain qui atteindra son paroxysme ces jours-ci. Bien sûr, il y aura le punk, et son glaviot éructé à la face de l’ultra-libéralisme thatcherien.
Pourtant la décennie avait bien commencé, naviguant entre les volutes électriques de Led Zeppelin et Deep Purple, et le symphonisme progressif de Yes ou ELP. Le funk faisait danser les plus belles paires de fesses noires, et laissait présager, malgré le Vietnam, des jours plutôt sympas.
King Crimson fut un cas à part. Ce combo venu de nulle part accoucha d’un premier disque qui fut un véritable traumatisme en Grande-Bretagne. Pulvérisant Moody Blues, Procol Harum et autres Beatles avec un album dont les audaces musicales allaient bien au-delà des balbutiements des susnommés, « In The Court Of The Crimson King », King Crimson imposa une musique unique, faite de jazz, de musique classique, de folk, et de heavy-metal.
Le vrai défaut du groupe, ce fut son instabilité de line-up, qui changea à chaque disque. La musique, uniquement lié au cerveau prolixe mais complexe de son leader, le guitariste Robert Fripp, fluctua également beaucoup, oscillant entre free-jazz et mélopées symphoniques expérimentales. La musique fut toujours passionnante, de toute façon, mais avec « Red », on atteint une autre dimension.
Car entre le premier album, et celui-ci, il y eut comme un flottement, un manque d’unité, sûrement dû aux problèmes de line-up. En 1973, Fripp trouve en John Wetton à la basse et au chant, et Bill Bruford à la batterie, deux compères fiables. Fripp y ajoute david Cross au violon et au mellotron, et trouve en fin un line-up stable durant deux ans. Sauf qu’encore une fois, King Crimson subit un nouveau changement, le départ de Cross.
Fripp garde alors son trio. Imaginez un peu : un power-trio guitare-basse-batterie de rock progressif. Et ici, pas question de dérive blues, Fripp en étant totalement incapable.
Du haut de sa pochette noire, « Red » est un album redoutable, sombre, violent, furieusement métallique. Ici, pas de digression free. La musique de King Crimson s’est resserrée, ne conservant que cette essence brutale, liquide en fusion.
Sur la basse vrombissante de Wetton et la batterie fracassée et métallique de Bruford, Fripp tisse d’étranges chorus, hululements urbains de fin de règne. La voix de Wetton est particulièrement bien appropriée, profonde, grave, chaude, mais emplie de cette sensibilité à fleur de peau, qui donne la chair de poule justement. Comme une plainte dans la nuit, le chant transporte les mélodies culbutées de Fripp.
Et comme un pied de nez à l’histoire, Ian MacDonald, le saxophoniste du premier album est revenu jouer sur ce disque. Il ne reste que le temps, et une impression de poussière, de cendre chaude, juste après le cataclysme.
King Crimson se séparera à l’issue de la tournée en 1975, non sans avoir laissé en testament le live « USA », autre pépite brutale et ultime complément à « Red ». Puis King Crimson remontra sur scène en 1981, mais quelque chose s’est brisé, carbonisé par cet album définitif. En forme de testament.

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