jeudi 4 juin 2009

THE POLICE

"Il ressort finalement de cet album une sensation de malaise profond. J’ai toujours écouté ce disque dans mes périodes noires. "


THE POLICE « Synchronicity » 1983

Petit costume gris brillant, pantalon bouffant, permanentes de surfeurs californiens, les années 80 sont là. Le monde du Rock plonge dans les synthétiseurs, les basses rigides, et les sons de batteries synthétiques FM claquant comme une espadrille dans une flaque d’eau.
C’est également la fin d’un état d’esprit sauvage et libre, la fin des Led Zeppelin, des Who 70’s, de tout ce rock jouissif et rebelle qui plie devant MTV. Seul le Heavy-Metal résiste encore, mais pliera avec l’avènement du Glam-Metal californien.
Au milieu de cette fange lugubre, The Police est un ovni. Pas vraiment marginal, non, car comme beaucoup de groupes punk énervés de la fin des années 70, ils plongent dans le rock adulte à synthé, à l’instar des Stranglers ou des Clash.
Sauf que The Police a un talent supplémentaire : Sting. L’homme est un compositeur hors-pair. C’est lui qui écrira les plus grands tubes du groupe. C’est aussi lui qui précipitera le groupe à sa perte.
Le succès redoutable du trio, les fans , les tournées monstres, tout cela va détruire la cohésion du combo, et perturber les musiciens, les éloignant progressivement l’un de l’autre. Sting s’enferme dans un cynisme noir, alimenté par les rancoeurs de Andy Summers, le guitariste, et Stewart Copeland, le batteur.
C’est là que The Police atteint sa maturité artistique. J’ai longuement hésité entre « Ghost In The Machine » de 1981, et « Synchronicity ». Mais ce dernier est le plus beau, le plus vénéneux.
En fait, cet album éloigne clairement la guitare de Summers, pour faire place aux claviers, et aux percussions. Les textes de Sting font également un bon en avant supplémentaire. Ils mêlent ici science-fiction, littérature, voyage et noirceur d’esprit.
Dés « Synchronicity », on découvre une musique vengeresse, redoutable de violence froide.
L’aspect world que développera Sting apparaît également ici, avec le magnifique et fantômatique « Walking In Your Footsteps ». Mais les chansons que j’adore personnellement, outre « Synchronicity I » et « II », c’est le sinistre « King Of Pain », ou l’aérien et mélancolique « Tea In Sahara ».
Seul vrai défaut de cet album, en fait, c’est le nullissime titre de Summers, « Mother », Sorte d’essai hurlant et bruitiste au texte abscond. Cette chanson tâche le disque, et ne fait que renforcer le fossé qui se creuse entre le bassiste et le guitariste.
Il y a aussi le titre « Every Breath You Take ». Certes, cette chanson est magnifique, mais sa rotation sur les radios a détruit son impact émotionnel.
Il ressort finalement de cet album une sensation de malaise profond. J’ai toujours écouté ce disque dans mes périodes noires. Parce que c’est un disque d’adulte, qui traduit les interrogations et les doutes des hommes dont la jeunesse s’éloigne, frappés de plein fouet par le quotidien, et ses soucis absorbeurs d’énergie et de sentiments.
On se retrouve dans un voyage émotionnel humain alternant colère, mélancolie et espoir froid. Car ici, il n’y a pas de joie, juste de la survie.
La fin est inéluctable. On le sent ici. Comme un divorce imminent, comme une mort proche. Malgré le courage, malgré le cuir du temps, il reste ces failles.
La fin pour The Police, ce sera une tournée difficile. Les trois musiciens ne peuvent plus se supporter. Stewart Copeland marque sur ces toms « pauvre con », avec une flèche pointée vers Sting. Summers et Sting se battent en coulisses, et chacun arrive avec sa limousine personnelle. De plus le bassiste imposera des choristes et un clavier sur scène.
La fin, ce sera son album solo, qui clôt la fin du groupe, dont les dernières séances d’enregistrement en 1986 ne donneront qu’une nouvelle version poussive de « Don’t Stand So Close To Me ».
La fin, ce sera la perte d’inspiration progressive de Sting, les albums solo hermétiques et inaudibles de Summers, et la légende intacte de The Police. Ce sera aussi l’absence de reconnaissance de sa musique, toujours considéré comme un avatar commercial des 80s, face au talent (mmmhh…) et au non-conformisme bon teint des Clash.
Il reste surtout ce magnifique disque, diamant glacé d’une décennie creuse et libérale, qui ne laissa que peu de place à l’âme.
tous droits réservés

1 commentaire:

Anonyme a dit…

exact! l'abominable Mother de Summers gâche ce très beau 33t et Every Breath You Take est devenu un morceau lassant au fur et à mesure des écoutes répétées. c'est pourquoi je préfère l'incompris (et plus méconnu) "Ghost In The Machine" à "Synchronicity", sur lequel figure aussi une plus grande variété de styles et d'atmosphères (et également de titres moins connus et rabâchés par les radios).