mardi 22 septembre 2009

LA NAISSANCE DU HARD-ROCK Part I

Mes cher(e)s ami(e)s,

Je voulais vous remercier pour votre fidélité et vos commentaires. Je commence même à en recevoir des désagréables, preuve d'un vrai succès populaire ! Une chose est sûre, vous êtes de plus en plus nombreux, preuve si il en est qu'il n'est pas nécessaire d emettre des photos de cul pour rendre un blog populaire (quoique les filles, n'hésitez à m'en envoyer de vous, ah ! ah! ).
J'ai décidé de vous proposer un article de fond qui a été publié dans Blues Again !. Celui-ci a été raccourci pour des raisons rédactionnelles.
Seulement voilà, la publication papier a disparu, provisoirement pour l'instant, du fait de ventes insuffisantes (eh oui, c'est la crise pour tout le monde). Ne survit donc que la version internet, que je vous conseille d'aller voir sur le site de Blues Again ! dans les liens.
J'ai donc décidé de vous proposer la version originale, plus importante, en espérant que vous apprécierez cette saga qu'est celle des débuts du Hard-Rock ou plus communément appelé aujourd'hui le Metal.

Bonne lecture.

"Au début des années 60, le paysage musical est consternant."

LA NAISSANCE DU HARD-ROCK

Les projecteurs dessinent de pâles ronds de lumière blanche sur la scène. Une chevelure blonde et bouclée apparaît, cachant un visage grimaçant d’où émerge une voix puissante et sauvage. A ses côtés, une frêle silhouette surmontée d’une chevelure noire tient une lourde Les Paul Gibson. Les notes de la guitare et la voix semblent s’entremêler, pour ne faire qu’un. Et puis la rythmique, lourde, vient clore dans un fracas de cymbales et de roulements de caisses un ancien titre des Yardbirds. Led Zeppelin vient d’achever « Dazed And Confused ».
La presse musicale ne s’emballe pas pour autant. Habituée aux sophistications pop des Beatles, et de l’agressivité contenue des Rolling Stones, ces quatre huns ultra-chevelus ne sont qu’un phénomène pour adolescent boutonneux. L’avenir du rock ne passe par eux, c’est clair. Rolling Stone compare la voix de Robert Plant à celle « d’une négresse en chaleur », et se gausse de l’attitude efféminée de Jimmy Page. La presse anglaise n’y voit elle que du bruit, et bien peu de musique. Led Zeppelin n’est pourtant que l’aboutissement d’un processus de mutation du blues noir en heavy-music par une poignée de musiciens blancs.

1/ Le blues et le rock traversent l’Atlantique

Au début des années 60, le paysage musical est consternant. Le rock’n’roll des pionniers américains est vaincu par la morale américaine et le destin. Elvis Presley part faire son service militaire, Chuck Berry est en prison, Jerry Lee Lewis est au ban de la société pour avoir épouser sa cousine de treize ans, Little Richard est rentré dans les ordres, et Buddy Holly et Eddie Cochran sont morts tragiquement.
Il ne reste pour les survivants qu’à traverser l’Atlantique afin de trouver un semblant d’oreille attentive en terre anglo-saxonne. Bill Haley s’exporte, tout comme Gene Vincent. Il trouve là un public friand chez les Teddy Boys, ces garçons issus des milieux ouvriers amateurs de cuirs noirs et de motos anglaises.
Mais une nouvelle menace commerciale apparaît : le twist. Cette version édulcorée et propre sur elle du rock commence à briller en Grande-Bretagne après avoir contaminé les USA. Cliff Richards devient le symbole de ce rock gentil, et bientôt, même de vrais rockers comme Gene Vincent y cède, afin de survivre.
Ces rockers américains font pourtant souffler un vent nouveau chez les jeunes anglais, surtout amateur de skiffle. Ainsi, les Silver Beetles devenus les Beatles deviennent le premier groupe de rock anglais crédible, après les pionniers Johnny Kidd And The Pirates. Ces quatre garçons issus de Liverpool composent déjà, mais joueront jusqu’en 1964 des standards comme « Twist And Shout » ou « Blue Suede Shoes ». Le rock’n’roll trouve ainsi un renouveau en Grande-Bretagne. Mais la plume brillante du duo McCartney-Lennon enfantera également un nouveau genre : la pop. Parallèlement. Le style de leurs premières chansons, et leurs petits costumes inspirent de nombreux ersatzs regroupés sous l’appellation de Merseybeat.
Parallèlement, le blues ne se porte guère mieux. A peine sorti de son ghetto grâce à l’engouement des jeunes blancs américains et au succès de musiciens noirs comme Chuck Berry et Bo Diddley, il y replonge aussitôt. Si ce n’est que les grands maîtres du genre cherchent eux aussi à maintenir leur réputation. Ainsi, Muddy Waters, John Lee Hooker, ou encore Howlin’ Wolf partent en terre d’Albion.
Les hommes noirs trouvent le soutien de musiciens fins connaisseurs qui leur servent parfois de backing-band : Cyril Davis, Alexis Corner, ou encore John Mayall. Mais il faut également citer les Groundhogs de Tony TS McPhee qui accompagna John Lee Hooker sur ces tournées britanniques entre 1962 et 1969.
Ce sont eux qui seront à l’origine du développement du blues en Grande-Bretagne. Ils jouent ainsi dans les clubs spécialisés, attirant une faune d’étudiants en art cherchant un peu d’excitation. C’est par ce biais qu’ils formeront au blues des musiciens plus jeunes aux saveurs du blues noir américain : Mick Jagger, Keith Richards, Dick Taylor, Jack Bruce, Ginger Baker …..
Le blues, lointaine musique d’esclaves noirs américains d’un autre âge, devient alors totalement hype. Parce que comparé au twist transparent, il a une force émotionnelle absolument incomparable.
Bientôt, les Beatles trouvent fort à faire avec un jeune quintet dont le nom est issu d’une chanson de Muddy Waters : The Rolling Stones. Ces gaillards-là ne se contentent pas de rejouer des titres de rock’n’roll, ils complètent leur répertoire avec du blues noir. Leurs cinq premiers albums ne seront ainsi constitués que de reprises de blues et de rock’n’roll. Mais leur approche désinvolte et petit bourgeois donne un sens nouveau à cette musique dont les textes s’adressent maintenant aux jeunes étudiants blancs.

2/ Le rythm’n’blues entre en scène

Vers 1964, un tournant se dessine. Un nouveau courant surgit dans les écoles des Beaux-Arts : les Mods. Ce courant, influencé par la Soul de Tamla-Motown et Stax, dessine de jouer des standards de rythm’n’blues en remplaçant les cuivres et les arrangements par de la guitare. L’avantage est que l’aspect répétitif des mélodies évite de posséder une technique instrumentale trop importante. Par contre, elle fait la part belle à la rythmique et à la voix, qui se doivent d’être puissantes .
Ces jeunes gens issus des classes moyennes s’opposent bientôt aux Teddy Boys. Les motos anglaises contre les scooters italiens. Le cuir noir contre les fringues italiennes. Tout ce petit monde s’affronte sur les plages de Brighton, à coups de lattes.
Rapidement, deux chefs de file s’imposent : les Who, et les Small Faces de Steve Marriott. Les deux groupes ont en commun une technique instrumentale rudimentaire, mais une rage juvénile qui surpasse celle des Stones et des Beatles.
Des Who l’on retiendra les titres percutants et des prestations scéniques survoltées finissant par le massacre des instruments. Mais ce serait oublier la rythmique ahurissante de Keith Moon et John Entwistle, et les riffs, base du hard-rock, de Pete Townshend. Chez les Small Faces, il y a bien sûr les chansons, mais il y a surtout la voix de loup enragé de Marriott, mêlant pirouettes vocales soul et violence typiquement rock et blanche.
Ces deux groupes mettent en place certains critères du futur hard-rock, à savoir la surexcitation et la violence du propos. Ils sont précédés par les Kinks, qui, en 1964, dégainent deux chansons-clés : « You Really Got Me », et « All Day And All Of The Night ». Basé sur le même riff, elles imposent un style simple et puissant, dépouillé de toute référence blues.
Ce « Maximum Rythm’N’Blues » vient apporter un élément fondamental : il n’est pas nécessaire de bien jouer pour s’imposer. Cette approche définira certains standards du punk, mais aussi du heavy-metal.
(à suivre)
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mardi 8 septembre 2009

THE WHO 1968

"Alors, il faut franchir un cap : soit plonger dans le psychédélisme, soit virer heavy."

THE WHO : « Fillmore East, 6 April 1968 » Live 1968

Les bons bootlegs des Who sont relativement rares. C’est curieux mais c’est ainsi. La plupart ont en effet été enregistrés après le décès de Keith Moon, ce qui rend ces enregistrements largement moins intéressants du fait du déclin musicale inexorable du groupe.
Et puis pour les autres, ils datent pour la plupart de la période « tournées des stades » des Who, c’est-à-dire 1973-1976. Loin d’être inintéressants, ils sont souvent mal enregistrés, et ne rendent pas justice à la puissance du groupe.
Ils restent néanmoins quelques pépites, et notamment celle-ci. Cette bande est captivante à plus d’un titre. D’abord, elle est superbement enregistrée, avec des Who dans une forme olympique.
Ensuite et surtout, il s’agit d’une période charnière pour les Who. Le groupe connaît en effet sa plus terrifiante période d’insuccès commercial depuis ses débuts discographiques en 1964. Toujours classés dans la rubrique des groupes à 45T, et ce alors qu’ils viennent de produire deux superbes albums (« A Quick One » en 1966 et « Sell Out » en 1967), ils voient leurs derniers simples s’échouer dans les charts. Et à cette période, cela signifie pas loin de la fin d’un groupe. En effet, les Beatles ont sorti « Sgt Pepper » et le White Album, Cream et le Jimi Hendrix Experience tournent à plein régime, et le psychédélisme est là.
Les Who l’ont traversé sans vraiment y participer. Bien que la pop de Pete Townshend ait évolué aux contacts des nouvelles sonorités, ils restent attachés aux chansons et à la dynamique.
Alors il faut franchir un cap : soit plonger dans le psychédélisme, soit virer heavy. Et c’est la seconde option que choisit Townshend. Au contact d’Hendrix, et surtout Clapton, le rugueux riffeur des Who se lance dans les soli de guitare, lui qui dut en 1965 faire appel à Jimmy Page pour faire le solo de « I Can’t Explain ». Sauf que le style de Townshend restera unique, comme une sorte de mélange de power-chords et de chorus rageurs bourgeonnant du bouillonnement de riffs.
Et puis il y en a deux qui n’attendaient que cela : John Entwistle et Keith Moon. Eux qui après une énième bataille rangée au sein du groupe furent tentés de partir former un groupe avec Jeff Beck et Jimmy Page en 1966 (ce sont eux quatre qui enregistrent le « Beck’s Boogie » originellement attitré aux Yardbirds).
Avec la nouvelle optique de Townshend, et surtout sa main-mise sur les choix musicaux des Who, face à un Roger Daltrey remis à sa place d’excellent frontman et chanteur, les Who poussent le volume, et n’ont d’autre choix pour s’imposer aux USA que de tourner sans relâche.
Car jusqu’en 1968, les Who sont avant tout un groupe anglais que seuls les branchés américains commencent à goûter. Alors ils tournent. Ils ravagent leur matériel au festival de Monterey en 1967, poussant Jimi Hendrix à brûler sa guitare afin de faire mieux qu’eux. Premier point. Et puis il y a ce son heavy-blues qui se dessine dans la pop-music des Who. Leurs chansons s’allongent, les improvisations inondent les power-songs de trois minutes. Pete Townshend, équipé d’une Stratocaster Fender, explore le larsen et le fuzz à sa manière, poussé par les deux terroristes de la section rythmique : Moon et Entwistle.
Ce concert est ahurissant, car il dévoile les Who en pleine possession de leurs moyens, brillants, s’amusant de leur nouvelle liberté musicale.
On est donc sur leur troisième tournée américaine en moins de dix-huit mois. Elle doit promouvoir une compilation de simples parue uniquement au USA sous le nom de « Magic Bus – The Who On Tour ». Et à force de fréquenter Jefferson Airplane, Cream, Jimi Hendrix, le Grateful Dead et Peter Green’s Fleetwood Mac, les Who ont compris la leçon de la jam. Mais avec leurs oreilles de petites frappes de la banlieue londonienne.
Alors ça décape sec, et d’ailleurs, le set commence par une reprise corsée, « Summertime Blues » d’Eddie Cochran. Le ton est donné. Le groupe mods Maximum Rythm’N’Blues, c’est derrière eux. Les Who ont gagné en cohésion musicale, en puissance et en émotion sonore. Même les vieilles chansons ont pris une ampleur invraisemblable. « I Can’t Explain », « My Generation » ou “Substitute” sont devenus de rageurs hymnes de heavy-music.
Et puis il y a aussi les fameuses chansons pop-psyché qui gagnent en rage et en expressivité. Car si leur charme originelle était déjà fabuleux, elles sont propulsées à 100 miles à l’heure à coups de double grosse caisses et de ronflements de basses gras. Townshend explore les chorus, et devient un magicien, soutenant la tension électrique à son maximum. Il faut écouter cette version de « Relax » démoniaque, où les trois se répondent sans cesse, laissant Daltrey seul sur le carreau. Ou encore ce « Little Billy » que personne ne connaît à part les fans absolus, et qui voit les Who lui défoncer les gencives à coups de Strato. Enfin, il y a « Tattoo », petite merveille mélodique dont le pathos mélancolique prend ici une dimension incroyable.
Enfin, il y a les reprises. Il y a bien sûr ce « Summertime Blues » au moins aussi brûlant que celui du « Live At Leeds » deux ans plus tard, mais avec un son plus acéré et coupant. Il y a aussi le « Fortune Teller » des Rolling Stones, dans une relecture à la fois soul et heavy, bien loin des version early seventies. Pour l’anecdote, c’est la seconde fois qu’ils la jouent ensemble ce soir-là. Et puis il y a ce superbe « Shakin’ All Over » de Johnny Kidd And The Pirates, où Pete Townshend n’a jamais été aussi Blues et bavard. Il y est brillant. On sent que la Stratocaster est une guitare exigeante, précise, qui oblige Townshend à l’inventivité sonique. La SG Gibson, plus grasse et plus imprécise dans sa sonorité, lui permettra quelques facilités instrumentales. Et notamment, de surfer sur le sustain permanent dégagé par cette dernière et le volume infernal des amplificateurs.
On est en tout les cas à un moment crucial de la carrière des Who : les délicates chansons pop des Who sont toujours là, mais l’interprétation rageuse et sauvage qui en faite prouve que l’on peut être des terroristes sonores sans plonger dans les jams blues à rallonge. C’est cette rudesse, cette violence froide mais précise qui va constituer le venin des Who de 1968-1970.

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samedi 5 septembre 2009

WITCHFINDER GENERAL

"Ce côté prolo satanique mêlé à cet humour potache me plut immédiatement, autant que la musique. "

WITCHFINDER GENERAL “Death Penalty” 1982

Bordel ! Je me souviens de cette pochette ! Ah ! Ah ! Du haut de mes 17 ans, je ris à la vue de cette pochette montrant 4 couillons vêtus en grand siècle et égorgeant une jeune et jolie blonde dans un cimetière.
A la vue de ce disque, je catégorisai aussitôt parmi les plus grotesques albums de black-metal des années 90. Pourtant, ma puberté me poussa à contempler cette pochette longtemps, et surtout la magnifique blonde à moitié dénudée.
Je ne pus alors me résigner à ne pas me renseigner auprès de mon disquaire favori, qui m’annonça que ce disque datait du début des années 80, que c’était du heavy-metal anglais, et qu’il était fort recherché.
Je lui demandai donc une écoute, et je restai pantois devant cette musique, et devant ma bêtise d’ado boutonneux. Witchfinder General, puisque c’est d’eux qu’il s’agit, était la synthèse parfait du heavy-metal type Black Sabbath, de la NWOBHM et de l’imagerie satanique et cuir noir.
Ce côté prolo satanique mêlé à cet humour potache me plut immédiatement, autant que la musique. J’écoutai cette galette longuement, religieusement, saisi à la gorge par cette vague sonique et crépitante.
Je restai longtemps fixé sur le premier titre, « Invisible Hate », son intro acoustique, puis cette déferlante de guitare grasse, soutenu par une rythmique de plomb, précise et caverneuse. Il faudrait citer les 7 titres de ce disque, alternant tempos lourds, et mid-tempos démoniaques.
Fondé par le guitariste Phil Cope et le chanteur Zeeb Parkes en 1979 en Ecosse, le quatuor, qui changea de batteur et de bassiste à chaque disque, décida d’allier la musique de Black Sabbath à une agressivité héritée du punk et des nouveaux combos de heavy que sont Judas Priest et Motorhead.
Mais c’est surtout l’image qui joue beaucoup. Witchfinder General joue la provoc’ délibérée d’entrée. Là où le Sabbath s’est presque excusé d’avoir joué avec les symboles religieux, Witchfinder General la joue sataniste, films d’horreur et gonzesses à poil.
Deux simples paraissent avant ce disque : « Burning A Sinner » en 1981 et « Soviet Invasion » en 1982.
Le seul hic, qui coulera le groupe, ce sera les concerts. Witchfinder General ne tournera que très peu, la faute à une maison de disque riquiqui, mais aussi à une certaine fainéantise des musiciens, qui n’auront pas le courage d’aller au bout de leur démarche. Il y aura néanmoins un deuxième album, très bon également, et un live sortit récemment, preuve que le groupe avait sans doute compris trop tard tout l’enjeu de la scène.
Reste que « Death Penalty » est un gouffre émotionnel, alternant entre la colère du heavy-metal le plus sombre et la mélancolie adolescente la plus écorchée. Il y a aussi ce côté bancal, live, brut, qui fait définitivement de Witchfinder General un groupe de puceaux frustrés, et le cauchemar des minettes de lycée.
Ce disque resta longtemps un de mes jardins secrets, celui que personne n’aime et que personne ne comprend. A part moi, comme un secret entre cette entité démoniaque et mon âme torturée de kid solitaire.
Mais encore aujourd’hui, « Death Penalty » me parle, parce qu’il est la drogue que l’on prend pour oublier les frustrations quotidiennes.

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