lundi 26 octobre 2009

LA NAISSANCE DU HARD-ROCK Part V

"ils sont le pont hirsute et sans gêne vers un hard-blues moins virtuose et plus saturé, faisant du boogie le rythme à taper du pied pour les gamins de Portobello."


LES GLORIEUX OUBLIES

Voici une courte sélection de trois groupes qu'il m'a paru intéressant de remettre en lumière, que ce soit tant pour la qualité de leur musique que pour leur influence sur le petit monde musical de l'époque.
BAKERLOO

Ce trio fondé à la fin des années 60 n’est à l’origine qu’un groupe de plus dans la constellation du British Blues Boom. Composé de Dave « Clem » Clempson à la guitare, Terry Poole à la basse et au chant, et Keith Baker à la batterie, le trio alors nommé Bakerloo Blues Line est rapidement comparé à Cream. Pourtant, comme souvent, la comparaison fut hâtive et mal à propos. Sa musique finalement que peu avoir avec la pop psychédélique de la bande à Dieu.
Bakerloo pratique en effet dés 1968 un savant mélange de blues rageur, sans fioriture, et de relecture jazzy fulgurante. Le point de convergence est la guitare de Clempson. Virtuose mésestimé, il injecte à la fois le brio de sa technique, et la puissance de son jeu profond et gras. Sa maîtrise du sustain sur sa Les Paul lui permet de faire onduler les notes dans un torrent d’électricité.
Pourtant, bien peu se souviennent de leur seul album, l’éponyme « Bakerloo » paru en 1969. De la slide rugueuse de « Bring It On Home » à l’apocalypse électrique de « Son Of Moonshine », en passant par une revisitation d’une pièce de Bach appelé ici « Drivin’ Bachwards ». Bakerloo défriche.
Et sa musique aura un impact non négligeable. Car il y a aussi les circonstances : leur manager, Jim Simpson, est également celui d’un jeune quatuor de Brimingham du nom de Earth, le futur Black Sabbath. Les deux groupes tournent ensemble en 1968, et le jeu à la fois jazz et bouillonnant, tout en accords hantés, influencera clairement le jeune Tony Iommi, qui, venant de perdre deux phalanges à la main droite dans une presse hydraulique, est à la recherche d’une nouveau jeu pour sa main. L’accordage bas de Clempson sera déterminant.
Et comment ne pas entendre résonner « Son Of Moonshine » dans le « Warning » de Black Sabbath issu de son premier album.
La tournée s’achèvera le 18 octobre 1968 au Marquee, et Bakerloo assurera l’affiche aux côtés d’un quatuor débutant mais fulgurant : Led Zeppelin.
Malgré ces rencontres déterminantes, Bakerloo disparaîtra dans l’oubli. Clempson rejoindra Colosseum, puis Humble Pie, apportant le souffle chaud de sa guitare à celui de la voix de Steve Marriott. Poole rejoindra Mayblitz, et Baker Uriah Heep. Il reste ce disque, parfaitement réussi, et dont et dont l’influence sur l’un des grands maîtres du heavy-metal est indéniable.
ANDROMEDA

Ce trio, fondé en 1967, est d’abord le fief du guitariste John DuCann et du bassiste Mick Hawksworth. Les deux sont des virtuoses de leurs instruments respectifs, mais cela, ils ne le savent pas encore. Une chose est sûre, DuCann est une sorte de visionnaire, dont les idées seront reprises la plupart du temps avec succès. Il y a d’abord ce premier groupe, The Attack, dont le premier simple « Hi Ho Silver Lining » sera repris trois semaines plus tard par Jeff Beck avec les Yardbirds, avec un succès commercial retentissant.
En 1967, DuCann forme un trio avec Mick Hawksworth, qui se veut un mélange de blues-rock et de musique psychédélique. Il s’appelle The Five Day Week Straw People » avec le batteur Jack Collins, et un premier album paraît sous ce nom. C’est un concept-album. Il est en fait le premier avant « SF Sorrow » des Pretty Things et « Tommy » des Who. Rien que cela.
Continuant sur une volonté de maintenir une ligne directrice à ses projets studios, DuCann mute le trio en Andromeda, et décide de durcir son approche vers des horizons plus blues progressif.
Le groupe a un succès tel que John Peel lui-même les invite à jouer à ses sessions, et ce alors qu’il n’a pas sorti le moindre enregistrement. En 1969 sort le premier disque éponyme. Et il n’est pas anodin. Il est un concentré de trouvailles mélodiques, rythmiques et guitaristiques qui servira de vivier à une bonne partie des formations de hard-rock de 1969 à … 1981. Notamment un certain Jimmy Page, et ce dés 1968. L’admiration est telle qu’il va opter pour une Telecaster Fender jaune avec une plaque de protection métal, soit la même que … John DuCann à la même époque. Les deux hommes se côtoient à l’époque en tournée avec leurs groupes respectifs, et notamment à la Roundhouse de Londres.
Le mimétisme ne se limite pas au matériel. L’approche du vibrato main gauche de DuCann laissera des traces. Loin de celui de Paul Kossoff ou Eric Clapton, il réussit à définir des phrases mélodiques avec ce même vibrato, tirant des atmosphères angoissantes et expressives. C’est ce que fera Jimmy Page avec « Dazed And Confused ». Une grande partie des improvisations de Led Zeppelin sont influencées par celles d’Andromeda. Il faut alors écouté le mélange entre pop psychédélique, blues électrique, phrasé jazz, et lourdeur sonore, fruit conjoint de la guitare de DuCann et Hawksworth.
Lorsque Led Zeppelin explose en 1969, Andromeda reste au stade de groupe underground, bien que professionnel. Ils continuent à tourner jusqu’en 1970. A l’époque, ils tournent avec une autre légende du hard-rock, Black Sabbath. Là encore, l’approche progressive et heavy de DuCann dans les compositions, les rythmiques lourdes appuyant les différents thèmes de chaque titre sera une influence non négligeable sur « Paranoid », le second disque du Sab. On entend ainsi dans « War Pigs » ou « Iron Man » des réminiscences de « The Reason » et « Return To Sanity » d’Andromeda.
Le trio se disloque finalement en 1970, et DuCann rejoint Atomic Rooster le temps d’un disque fabuleux, « Death Walks Behind You ». Par la suite, il fonde un quatuor du nom de Daemon, qui deviendra un trio du nom de Hard Stuff en 1972, et publiera deux disques sur le label de … Deep Purple. Le premier, « Bullet Proof », paru en 1972, mais enregistré en 1971, est à mettre en lumière. Théâtre d’un hard-rock boogie puissant et sauvage, sans concession, il sera à la fois une source d’inspiration pour les copains Status Quo sur « Piledriver » et Deep Purple, avec « Machine Head », tous deux parus en 1972. La preuve ? Dites-moi voir si l’on ne retrouve pas un peu de « Highway Star » dans « Sinister Minister », et un peu de « Smoke On The Water » dans « Time Gambler » ? Et ce « Waste My Time » du Quo, il ne rappelle pas « Taken Alive » ?
A force de jouer avec tous, DuCann fut un musicien brillant, source plus ou moins directe des meilleurs chansons des plus grands. A cela une seule raison : le brio effarant de DuCann, qui mérite indiscutablement une réhabilitation urgente.
Et Mick Hawksworth me direz-vous ? L’homme à la basse de plomb fonda Fuzzy Duck en 1972 pour un disque éponyme brillant, puis fut aux côtés d’Alvin Lee au sein de Ten Years Later en 1978.
Depuis, les deux hommes se font discrets, sans doute encore groggy par leur propre bruit blanc.
THE PINK FAIRIES

La référence peut être aberrante, mais les Pink Fairies sont primordiaux pour le hard-rock. Il est de bon ton, dans les revues spécialisées branchées, de faire des Pink Fairies des précurseurs du Punk aux côtés d’Hawkwind et les Stooges. A cela une raison, le côté underground de ces formations. Mais les Damned étaient fans des Groundhogs, les Sex Pistols de Stray et de Kiss, donc le débat est clos.
Les Pink Fairies sont importants car en 1969 ils sont le pont hirsute et sans gêne vers un hard-blues moins virtuose et plus saturé, faisant du boogie le rythme à taper du pied pour les gamins de Portobello.
Leur seul tare ? Etre arrivé trop tard sur vinyl. Leur premier album arrivera début 1971, bien après les disques fondateurs du hard-rock que sont « In Rock » de Deep Purple, et les deux premiers Black Sabbath et Led Zeppelin. Pourtant, dés 1969, les Fairies creusent le sillon.
A cette époque, le groupe s’appelle les Deviants. Il est l’un des groupes anarchistes de Londres qui, mené par le journaliste Mick Farren, tente de porter le message du MC5 en Grande-Bretagne. Seulement, Farren est un piètre chanteur. Duncan Sanderson, le bassiste, et Russell Hunter, le batteur, ont déjà viré tout le monde. Il recrute un guitariste canadien, au bras gauche atrophié, et « qui compense son handicap en jouant comme Jimi Hendrix ». Il s’appelle Paul Rudolph. Comme Dave Clempson, il est un génie méconnu de la guitare, pas moins.
Sur le dernier album éponyme des Deviants, il injecte une électricité, et des chorus blues dans la musique progressivo-psyché du groupe. Mais Farren, peu concerné par la musique, bride le groupe. Les trois ont de l’idée. Ils recrutent un second batteur, Twink, fraîchement débarqué des Pretty Things après l’enregistrement et la tournée du génial « SF Sorrow ».
Le quatuor commence à violenter un répertoire fait pêle-mêle de reprises de rock’n’roll et de chansons des Beatles. Le tout est pulvérisé par la guitare de Rudolph et la basse de Sanderson. Imperméables aux affres de la mode musicale, mais totalement perméable aux drogues et à l’esprit biker, ils deviennent les Pink Fairies, du nom d’un club de motard de Portobello du nom de Pink Fairies Motorcycle Club.
En 1970, le groupe dégaine déjà un simple, « The Snake », et se produise à la BBC sous l’impulsion de John Peel, fan du groupe. Le résultat est une session qui décoiffe sérieusement la heavy-music, au point de faire passer les Stooges pour de gentils garçons, pas moins. Car avec ce titre, le groupe invente une forme de heavy-blues speedé, rocailleux, brutal, qui défriche déjà le heavy-metal de la fin des années 80, et notamment celui de Motorhead, des copains.
Paul Rudolph a en fait un talent fulgurant. Il improvise des chorus à la fois gorgé de blues et de colère électrique. Sa guitare n’est, à l’instar de Clempson ou DuCann, qu’un outil pour faire onduler la vibration du moment dans un tonnerre de larsen et de brio météorique.
Le premier disque voit la dualité entre les aspirations pop psychédélique de Twink, et les fulgurances hard-blues de Rudolph. Ils gravent ainsi la version studio d’une jam de speed-boogie en place depuis deux ans, « Uncle Harry’s Last Freakout ». Tout y sature : la folie, les paroles, la rythmique, le vrombissement de la basse, la Les Paul de Rudolph. Twink parti, les Pink Fairies enfin le disque à leur hauteur : « What A Bunch Of Sweeties ». Imprégné du génie de Rudolph, il n’est que jam électrique, et chorus de guitare en fusion. Pourtant, c’est bien en concert que le trio laissa des traces. Jouant dans tous les festivals gratuits et sur le trottoir, les Fairies ne gagnèrent pas d’argent, mais une popularité sulfureuse de guerriers sauvages.
Puis, essoufflé par les drogues et deux partenaires de moins en moins concernés par la musique, il s’en va pour devenir bassiste d’Hawkwind en remplacement de …. Lemmy Kilminster, et travaille également avec Brian Eno. Parallèlement il développe une passion pour le vélo et est aujourd’hui une référence absolue en matière de…. VTT de compétition.
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