jeudi 16 décembre 2010

STEVE HILLAGE

"Ce live en est l’extraction la plus magique, la plus organique, un sirop de l’âme qui est une véritable parenthèse dans l’espace-temps."

STEVE HILLAGE : « Live Herald » 1979

Ce soir je n’ai pas peur. Il flotte dans l’air urbain comme un vent salvateur, une fraîcheur bienfaisante. Ce soir Steve Hillage joue en ville. A l’heure du Punk, Hillage n’est pourtant qu’un vulgaire hippie ringard. Après tout, n’est-il pas que le guitariste top-bab franco-britannique Gong ?
Ce collectif musical fut connu pour ses quelques très bons délires cosmico-progressifs, et puis surtout leurs touches d’allumés notoires. Ah ! Se souvient-on de la compagne du leader Daevid Allen, Gilly Smith, dont le rôle était pour les amateurs de musique de massacrer les envolées lyriques d’Hillage et Didier Malherbe par ses délires cosmiques stridents ?
Est-ce cela qui poussa Hillage à se lancer dans un carrière solo ? Toujours est-il que l’homme sort son premier disque en 1974, c’est-à-dire (pour l’époque) cent ans trop tard par rapport à l’apogée du rock progressif. Car en 1974, on fait du glam-rock.
Mais l’homme est malicieux, et son talent sera de créer une musique à la fois progressive, mais totalement novatrice. Un peu à l’instar d’un Robert Fripp au sein de son King Crimson réactivé au débuts des années 80. Steve Hillage propose en effet une étrange mixture de jazz-rock énergique, de musique électronique, et maestria guitaristique. Car il a du talent, Steve. Et sa carrière solo semble enfin lui laisser toute latitude à son expression musicale.
Ainsi, en pleine ère Punk, il offre au monde abasourdi deux disques merveilleux : « Motivation Radio », et « Green ». Ces deux bijoux déroutent. Oui, c’est progressif, vaguement hippie, mais sacrément élaboré et mélodique. En un mot ? Magique.
Steve Hillage créa à ce moment-là une sorte de bulle électrique au-delà du temps qui semblait tout réconcilier : le rock, les nostalgiques de l’école de Canterbury, et puis ces jeunes Punks qui trouvaient cela plutôt bien, et qui aimait secrètement Hawkwind.
Ces deux disques sont en tout cas l’occasion d’assurer deux longues tournées européennes. Hillage enregistre à cette occasion plusieurs concerts, qui permettront la sortie d’un live que voici.
Plus que tout autre, il est une aventure émotionnelle faramineuse. Ecouter ce disque, c’est se plonger dans un grand bain de synthétiseurs cristallins comme de l’eau en percolation, soutenus et défiés par cette guitare à la fois lumineuse et onirique.
L’horizon s’emplit alors de grands arbres centenaires, de fleurs et d’oiseaux multicolores. De beaux animaux sauvages semblent nous tendre la main, et l’air est plus respirable.
Qui d’autre que Steve Hillage peut commencer un concert avec une chanson du nom de « Salmon Song » (la chanson du saumon) en 1978 ? Atypique, à des années lumières (en apparence) des contingences humaines, déroule comme une sorte de pièce de théâtre musicale où les actes s’entrelacent avec les guitares et les synthés.
On constate souvent que les albums emplis de synthétiseurs vintage sont souvent à la limite de l’écoutable. Ce qui impressionne ici, c’est la modernité de l’utilisation. Aérien, liquide, frais, à la fois obsédant et discret, ils n’alourdissent en rien la musique. On doit cela au très bon Basil Brooks et à Miquette Giraudy, compagne de Steve, et ancienne musicienne du Gong de « Shamal » en 1975.
Le rythme est plutôt enlevé, la guitare légère, rêveuse. Hillage plonge dans plusieurs influences, une sorte de mélange entre le Rock Progressif, le Folk, la World Music et le Jazz. Mais il y a ici quelques chose de totalement en avance sur son temps, comme si certaines sonorités n’avaient éclosent que très récemment.
Ce que j’aime chez cette homme, c’est la poésie, la profondeur de sa musique. Toujours songeuse, comme voulant extirper l’auditeur d’une certaine réalité, pour le plonger dans un monde plus ambitieux, moins terre à terre, l’inciter à s’émerveiller de la beauté des choses plutôt que le plonger dans la sordide réalité.

Ainsi, même cette belle reprise du « Hurdy Gurdy Man » de Donovan possède totalement son empreinte malgré l’air familier. « Light In The Sky » se veut plus Jazz et Heavy-Rock. Une totale réussite pour celui qui aime la guitare de haute volée.
« Searching For The Spark » empreinte des sentiers arabisants à travers le désert et les médinas, un superbe et délicat sillon de mélancolie.
Mais les grands sommets sont les deux suites de cette réédition cd (la version originale comprenait une face studio aujourd’hui incluse sur la réédition de « L »). « Radiom/Lunar Music Suite/Meditation Of The Dragon » est une plongée magique dans le monde de Steve Hillage de plus de quinze minutes laternant les ambiances Jazz et world toujours illuminé de cette guitare fantasmagorique. Le bouquet final est ce définitif « Solar Musick Suite », crépusculaire à souhait, comme ce soleil pâle que l’on aperçoit au loin sur la lande ardéchoise. L’astre rougeoyant s’éteint lentement à l’horizon, le cerveau se perd en pensée doucement mélancolique, point définitif sur ce qu’il y a de sans doute plus important dans la vie. Comme cette beauté brune envoûtante et mystérieuse que l’on aperçoit au détour d’un chemin, et qui vous sourit furtivement, emplissant votre cœur d’une joie et d’une douceur sans commune mesure.

La musique de Steve Hillage est tout cela et bien au-delà. Elle est finalement si définitive qu’il n’en donnera aucune suite. Se plongeant dans la production d’artistes world et dans la musique électronique, il plongera dans l’ombre des autres, laissant derrière quelques très beaux albums, définitivement intemporels. Ce live en est l’extraction la plus magique, la plus organique, un sirop de l’âme qui est une véritable parenthèse dans l’espace-temps.
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samedi 27 novembre 2010

STRAY 1983

"Et la route défile dans la vitre. "

STRAY : « Live At The Marquee” 1983

Je suis seul face à mon ordinateur dans une petite chambre d’hôtel sans âme. Il m’arrive d’être en déplacement pour mon travail, et inlassablement, je me retrouve dans ces hôtels ni chaleureux, ni gais, juste pratiques, dans ces périphéries de grandes agglomérations. De ma petite fenêtre, j’aperçois des cours d’entreprises de travaux publics, des entrepôts, des cheminées d’usine fumantes, et de grandes immeubles tristes. Parfois, un canal ou un fleuve traverse ce néant humain, apportant par son souffle humide et froid un semblant de nature à la fois réconfortant et effrayant.
Il m’arrive parfois, en prenant l’autoroute pour me rendre sur mon lieu de travail temporaire, de parcourir à nouveau des paysages connus. Ce sont ceux de mes vacances d’enfant, ou du moins ceux qui menaient à mes vacances. Un autoroute m’a toujours marqué, c’est l’A7. Cette voie, passé Lyon, mixe campagne, montagne, fleuve, paysages industriels, et petites maisons nichées dans les collines. Il se dégage de tout cela une grand mélancolie chez moi. Car au fond, bien que l’on se trouve dans ce que l’on peut déjà appeler le Sud, on y distingue les vestiges d’un passé glorieux, riche, mêlé à des ruines industriels symbole du déclin inexorable d’une région dont l’activité se concentre désormais sur les grandes villes environnantes que sont Lyon, Grenoble ou Marseille.
J’ai donc toujours ce même sentiment lorsque je traverse ce coin de France. A la nuit tombante, le soleil rougeoyant au loin. Le tableau de bord de ma voiture illuminé d’un orange brûlant, le compte-tours et le compteur de vitesse s’emballent. Un train sur la voie ferrée parallèle me double. La lumière de ses wagons illumine l’horizon sous forme de rectangles jaunes. Ces derniers sont les cadres de visages perdus dans le quotidien et la fatigue. Comme cette jeune femme blonde, si jolie. C’est le moment pour une bande-son idéale, celle de la route.
Enfant, dans la voiture de mes parents, je chantais ce que je pensais être du Rock. A la suite de l’écoute prolongée des cassettes de ma sœur, les Bruce Springsteen, Dire Straits, Telephone, ou Police, je m’inventais une bande-son idéale à ces images qui défilaient devant mes yeux.
Il me fallait une musique dynamique, galopante. Les accords de guitare se devaient d’être à la fois hargneux et mélancoliques. La voix devait être héroïque et désespérée, comme l’homme solitaire qui n’a plus que la route comme fil de vie. Il cherche du regard un peu de chaleur, celui d’un sourire féminin, qui comme lui se retrouve seule dans ce monde de béton.

Si parfois, un accord, un solo, un pont de chanson de ces fameuses cassettes me paraissait être le temps que quelques dizaines de secondes l’esquisse de ce que j’avais en tête, aucun album ne me parla autant que celui-ci.
Et il est le fruit d’une longue quête. Fan transi et absolu du groupe Stray, je cherchai longtemps ce live, réédité en cd il y a de nombreuses années, et totalement indisponible à la vente depuis. Son prix sur certains sites de vente en ligne est totalement prohibitif, et annihile toute passion musicale. Par ailleurs, il est intéressant de constater comme l’argent détruit souvent tout plaisir, aussi simple soit-il. Mes recherches me menèrent néanmoins à une offre de vente à un prix étonnamment bas qui me confirma que le vendeur semblait n’avoir aucune conscience de son article. Qu’importe.
Stray est un quatuor anglais formé en 1967 par le guitariste Del Bromham, le bassiste Gary Giles, et le chanteur Steve Gadd à Londres. Un batteur du nom de Ritchie Cole rejoignit la joyeuse troupe. Alors âgés de 16 ans, les quatre copains d’école se firent la main sur du John Mayall, Cream ou Jimi Hendrix. Le premier album parut en 1970 et est d’entrée un chef d’œuvre, comme tous les disques de Stray par ailleurs.
Leur musique est un alliage assez indescriptible de Hard-Rock, de Blues, et de Rock Progressif. Jouée avec un talent instrumental et une subtilité bluffant, elle dégage une énergie et une rage incroyable. Elle est le son de la sueur et de la colère. Elle est ce charbon ardent qui alimente les locomotives les plus rapides.
Le groupe jette pourtant l’éponge en 1977 (entretemps, Steve Gadd a été remplacé par Peter Dyers en 1975) après ce qui est sans doute leur meilleur album, à savoir « Hearts Of Fire ». Après avoir assuré les premières parties les plus prestigieuses, de Kiss à Rush, d’avoir écumé la Grande-Bretagne en long et en large, le groupe se décide à prendre un management énergique type Peter Grant. Ils se retrouvent avec un ancien tueur à gage, Charles Cray, certes très rigoureux niveau discipline, mais totalement hors course côté musique. L’anecdote fera même quelques choux gras dans les journaux anglais, bien malgré Stray. Rajouté à cela la vague Punk qui déclare la guerre au Hard-Rock et aux groupes du début des années 70, et vous obtenez la fin programmée d’une formation pourtant exceptionnelle. Ne pouvant obtenir aucun concert, sans réel succès commercial, les quatre garçons se séparent. Pourtant à peine âgés de 26 ans, ils sont déjà de vieux cons.
Del Bromham, le guitariste et principal compositeur, fonde son propre trio. Mais malgré tout son talent, il reste dans l’anonymat. Il est un temps pressenti pour remplacer Brian Robertson au sein de Thin Lizzy en 1978, mais Phil Lynott le juge trop bon compositeur pour pouvoir s’intégrer dans un tel groupe dont il est évidemment le leader.
Un éclair d’espoir déchire bientôt l’horizon lorsque le Punk moribond mute en New Wave, et que le Heavy-Metal reprend le contrôle des charts anglais en 1980 sous la forme de la New Wave Of British Heavy-Metal (NWOBHM). Reformé en 1981, Stray sous la forme Bromham-Cole-Giles-Dyers reprend la route. Mais là encore son Rock trop élaboré, trop subtil, ne trouve pas preneur. Il n’est même plus question d’âge, car Thin Lizzy, Judas Priest ou Budgie retrouvent un nouvel élan au milieu de Iron Maiden, Saxon, Def Leppard, Diamond Head, Praying Mantis, ou Angelwitch.

Il ne reste donc que ce live. Enregistré au Marquee de Londres en 1983, il aurait pu être décevant. Réellement. Parce que nombres de groupes des années 70 ont persévéré dans les années 80, et ont sombré dans la daube. La batterie pourrie de réverb, la guitare Métal, la basse qui slappe, les vocaux funky bidon. Même les Rolling Stones et Deep Purple ont sombré dans pareille merde.
En 1983, Stray est sans aucun doute le dernier grand groupe de Rock anglais avec Motorhead. Le son n’a pas changé. Brut, rugueux. Blues. La vraie différence est même cette production minimale, celle d’un certain Gordon Rowley. Il a capté la substantifique moelle de ce groupe exceptionnel qu’est Stray. Chaque instrument, brillant, est mis en valeur, sans effet. Le public est là, sans éclat grotesque. Combien de disques live ont sombré dans le ridicule par ce public rugissant typé stades américains alors que les dites formations ne remplissent pas le moindre théâtre US.
Réaliste, « Live At The Marquee” retranscrit la réalité : un groupe jouant sa musique pour le plus grand plaisir de son public. Aussi petit soit-il. Plus que tout, ce disque est un résumé presque parfait des meilleurs titres de Stray. L’ouverture par le rugueux « Houdini » est un rêve éveillé. Ce morceau, mêlant riff heavy et chœurs californiens faisant un détour par le West End presque parfaits, ouvre l’horizon musical du public émerveillé. La suite n’est autre que le meilleur titre de Stray, à savoir « One Night In Texas ». Ce morceau épique, entretenant sans cesse la tension émotionnelle, avec son texte gorgée de routes et de filles, le tout décrit avec une subtilité rare, est un sommet de musique électrique.
« After The Storm » est un autre sommet. Symbole de ce Blues-Rock à la fois Heavy et Progressif, il est un vivier sans fin de riffs géniaux et de soli majestueux. Cathédrale de guitare unique en son genre, elle retranscrit avec maestria l’énergie incroyable que l’on peut ressentir après une tempête, qu’elle qu’en soit la nature. Ces arpèges, ces accélérations, ces ralentissements heavy rendant opaque l’horizon. Ce triumvirat de rock’n’roll est déjà un panthéon obscur. Celui de la route. Il faut lui ajouter ce « All In Your Mind » sauvage, débridé, sans faille. Trépidant, mêlant psychédélisme et vitesse, il est sans aucun doute la version ultime de ce titre emblématique du Heavy-Rock Underground des années 70. Celui que rejoue pêle-mêle Iron Maiden ou Queens Of The Stone Age.
Del Bromham est au sommet de son art, inventif, percutant. Soutenu par une section rythmique, Gary Giles et Ritchie Cole, qui n’a sans doute jamais joué aussi bien, il envoie sa musique dans les astres, rendant celle-ci totalement hors-mode, intemporel.
Le tout est serti dans un écrin d’humour et de poésie exceptionnel : la pochette, avec son cow-boy moustachu à cheval, fier, sur une vache.

Et la route défile dans la vitre. Un autre train dépasse le trafic, indifférent, sûr de sa puissance. Les pins sylvestre, les tuiles canal. Les vieilles épaves de Berliet dans les terrains vagues, les péniches moribondes sur le Rhône, symboles d’un autre temps. Et comme un chien errant. Stray Dog. Et la route défile.
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mardi 2 novembre 2010

STEAMHAMMER

"Mais là…. Ces hommes avaient-ils vu quelque chose ? Un mauvais présage ? "

STEAMHAMMER : « Speech » 1972

Il y a dans une vie d’amateurs quelques disques qui dérangent. Vicieux, obsessionnels, ils ne rentrent dans aucune réelle catégorie, et sont souvent des sortes d’ovni dans des discographies de groupes ou d’artistes reconnus.
Il me vient à l’esprit « Ceremony » de Spooky Tooth avec Pierre Henry, ou « The End Of The Game » de Peter Green. Précisons tout de même que à part le dernier cité, tous les musiciens avaient semble-t-il toute leur tête au moment de l’enregistrement dudit disque, ce qui n’était pas vraiment le cas de Peter Green.
Dans tous les cas, ces albums mystérieux sont le reflet d’une plongée dans l’abysse de l’âme des musiciens. De part les structures choisies, complexes, et les ambiances, souvent oppressantes, angoissantes, on sent que les auteurs sont allés musicalement et spirituellement là où peu ont osé aller.
Steamhammer est un groupe britannique dont le noyau dur sera formé de Martin Pugh à la guitare et Kieran White au chant et à la guitare. Batteur et bassiste changeront à chaque album ou presque. La musique de Steamhammer est d’abord, et fort logiquement, principalement ancré dans le British Blues-Boom, mais fort tardivement, puisque nous sommes déjà en 1969, et Led Zeppelin vient de décocher ses premières salves, mettant à terre ce qu’il reste du mouvement peu de temps après la tornade Cream. Néanmoins, une chanson de ce premier disque ne passera pas inaperçu, puisqu’elle intègre la set-list d’un quatuor anglais qui vient de se mettre au boogie : Status Quo. La chanson en question n’est autre que « Junior’s Wailing ».
La musique du groupe va s’orienter rapidement vers un heavy-blues progressif particulièrement brillant, ce que confirme le second disque, « MK II » en 1969. La voix chaude de White, alliée aux épais chorus brûlants de Pugh trouve sa parfaite synthèse. Le prodigieux batteur Mick Bradley qui vient d’arriver n’y est pas pour rien, et insuffle ainsi un rythme à la fois lourd et jazz. Il trouve son alter-ego à la quatre-cordes en la personne de Steve Davy, et le pinacle du quatuor sera « Mountains » en 1970. Formidable monument à la gloire d’un heavy-blues à la fois rêveur et étrange, sorte d’alliage ésotérique du blues-folk anglais de Pentangle et du heavy-metal noir et gothique du premier Black Sabbath, il est un chef d’œuvre absolu.
Un mystère étrange plane lorsqu’apparaît ce dernier disque du nom de « Speech » en 1972. Le groupe s’est disloqué. Des tensions sont apparues, la faute à des orientations musicales différentes, et mais aussi à cause de l’insuccès commercial de cette pourtant formidable musique.
Restent alors Pugh et Bradley seuls. Ils s’adjoignent le talent d’un bassiste exceptionnel de talent, un certain Louis Cennamo. L’homme est arrivé en 1971 pour remplacer Davy, et tourna quelques temps avec le groupe en Allemagne. Le chanteur Garth Watt-Roy, ancien chanteur de Fuzzy Duck, complète le line-up le temps de l’enregistrement du disque.
Que s’est-il passé exactement durant ces 18 mois, entre « Mountains » et « Speech » ? Difficile à dire, mais il s’agit de quelque chose de terrifiant. Car ce disque est encore plus sombre , plus obscur, plus impénétrable, plus terrifiant que le premier Black Sabbath ou « End Of The Game » de Peter Green, pourtant un mètre-étalon en matière de cauchemar émotionnel. On sut que les gaillards de Black Sabbath eurent la vie dure à leurs débuts, provenant de la sombre Birmingham, Iommi perdant ses phalanges sous une presse hydraulique (une Steam Hammer, du nom du pilon qui découpait les épaisses pièces de métal des fonderies ?), les premiers concerts sous amphétamines afin de survivre dans le van dans la neige. Et puis Green, son mauvais trip au LSD à Munich en 1969, et son naufrage mental jusqu’à son départ de Fleetwood Mac en mai 1970.
Mais là…. Ces hommes avaient-ils vu quelque chose ? Un mauvais présage ? Sans aucun doute, car le 8 février 1972 durant le mixage du disque, Mick Bradley, le batteur, meurt d’une leucémie foudroyante à 25 ans, annihilant Steamhammer de fait. Il n’y aura donc, comme pour tous ces disques malades, aucune tournée qui auraient pu extraire encore plus la quintessence émotionnelle de son contenu. Comme si tout avait été dit en studio, et qu’au-delà, une frontière maudite était franchie de fait. Le Styx en somme.

Il me faut pourtant vous dire que ce disque est pour moi une plongée absolue et totale dans le tréfond de mon âme. Il en sera de même pour l’auditeur qui saura y prêter l’oreille, et surtout, faire abstraction de tout schéma musical pré-établi. Il est bien évident que l’ouïe exercée à la musique Rock des années 70 saura trouver plus facilement le chemin dans ces limbes soniques merveilleuses. Car cet album n’a que peu d’équivalent dans l’histoire de la musique Pop, même chez Pink Floyd dans sa période 1968-1972, pourtant extrêmement aventureuse. Il se pourrait même qu’il catalyse tous vos fantasmes les plus inavouables, vos cauchemars les plus noirs. Une catharsis en somme.

Découpé en trois longs titres, chacun d’entre eux est lui-même scindé en chapitres représentant chaque thème du morceau. Le premier est « Penumbra ». Commencé un album par pareil thème en dit long sur l’état d’esprit des musiciens. Un riff semblable à un violoncelle crisse sur vos oreilles, jouant un thème effrayant, au moins aussi réjouissant que de boire le thé dans des ruines médiévales un soir de pleine Lune. Vous sentez sur vos épaules le souffle glacé des âmes sans repos qui errent dans ces lieux. Incantatoire, obsédant, dés ces premiers accords, vous plongez dans un abysse de terreur. Lorsque le premier thème électrique arrive, le son de Steamhammer n’est déjà plus Blues, mais un incroyable heavy-metal chromé, d’une audace et d’une élégance folle. Ce premier thème sera par ailleurs recyclé sur « Buzzard », premier titre de l’unique album d’Armageddon en 1975, un autre classique d’un groupe regroupant Cennamo, Pugh, Keith Relf des Yardbirds et Bobby Caldwell de Johnny Winter et Captain Beyond.
La dextérité des trois musiciens est saisissante. Fins, racés, sûrs de leur force, ils vrillent vos neurones peu à peu, avant que la basse rugissante de Cennamo arrête votre décollage. Watt-Roy chante des textes ésotériques noirs, la musique se fait incantatoire, obsédante, froide. Puis la chanson part dans un décollage entre jazz-rock et psychédélisme où la guitare de Martin Pugh fait des merveilles. Il est une traversée dans la lande, un soir de pleine lune. Les petits buissons rases bruissent sous le vent, et vos pas font craquer les pierres du petit chemin qui semble ne vous mener nulle part. Le vent marin souffle de plus en plus fort, et entre deux nuages, vous apercevez sous la Lune l’écume recouvrir les abruptes rochers de la côte. Vous ne savez pas exactement pourquoi vous êtes là. Vous êtes partagés entre l’angoisse de cette marche, seul dans la nuit, et ce sentiment indescriptible de liberté, comme si plus rien d’autre que les éléments ne pesaient sur vous.
Ces instants où Pugh égraine ses chorus est magique. Il y a sur ces quelques minutes ce que l’on peut faire ressortir de plus merveilleux avec une guitare. Le pinacle est ce final entre soli et guitare-contrebasse qui font mourir peu à peu le thème dans une constellation d’étoiles blanches. La basse rugit à nouveau sous la distorsion, et Watt-Roy rugit lui aussi. « Don’t Know Why… », comme un leitmotive. La guitare se répond en écho, comme un dialogue entre Lucifer et un archange du Bien. A la fois profonde et grondante, et saturée et fuzzée, L’échange semble interminable, comme si le combat ne faisait que commencer. Une fois encore, Pugh se révèle magistral. Soutenu avec brio par Cennamo, il montre le talent incommensurable de ce duo magique. Louis fait preuve de toute sa maîtrise à la quatre-cordes, écrasant le thème final dans un sustain de grondement de basse laissant l’auditeur exsangue.
Le temps de retourner le disque vinyl, vous tombez sur « Telegram ». Effrayant appel à l’aide, il est une synthèse malade du talent pourtant indiscutable et écoeurant de Steamhammer.
Le riff et la rythmique semblent imiter une sorte de machine folle débitant des messages incompréhensibles du commun des mortels. La guitare de Martin Pugh y est inquiétante, décochant un riff à la fois rageur et presque dissonant. La basse de Cennamo est un contre-point grondant qui soutient cette mélodie angoissante sur laquelle Watt-Roy chante d’une voix étrangement calme un texte hanté de folie.
Obsédant jusqu’à la moëlle, ce titre devient une réussite absolue lorsque quelques arpèges minéraux viennent rompre l’angoisse. Mais ce n’est qu’un leurre. La machine se réemballe, et sous des chœurs presques grégoriens, Pugh décoche des chorus bientôt engloutis dans ce chant mystique. Les arpèges plongent bientôt, soutenus par une basse sourde dans une mélodie encore médiévale, appuyée d’une batterie martiale.
La dernière partie offre un décollage granitique dont l’explosion finale n’est autre qu’un merveilleux solo de Martin Pugh sur le riff initial. L’envolée lyrique est à nouveau magistrale, et ces trois-là sont à nouveau touchés par la grâce, laissant imaginer ce que Steamhammer aurait pu devenir sans l’issue tragique de son batteur.
« For Against », troisième pièce de tryptique, débute par des arpèges de basse, avant que la guitare gorgée de fuzz ne s’écrase sur nos oreilles imprudentes. Aussi étrange que cela puisse paraître, la batterie s’emballe dans un rythme exotique, assez proche finalement de celui du thème de « Penumbra ». La guitare décoche un riff gras soutenu par la basse, à la fois terriblement blues et électrique comme le tonnerre. Petite jam entre amis qui laisse place à un long solo de batterie de Mick Bradley. Finalement, rien de très enthousiasmant me direz-vous, les soli de batterie étant un écueil repoussant pour de très nombreux disques des 70’s. Sauf que voilà, le garçon qui joue mourra quelques mois plus tard, et une sorte de danse morbide s’installe lorsque l’on écoute ce solo. Il n’est certes pas le meilleur des batteurs, mais son style, très personnel, et son imagination, rendent l’exercice tout à fait écoutable, et à priori le parfait final à ce disque terrifiant, unique.

Il ne restera pas grand-chose de tout cela. La mort de Bradley stoppera net tout espoir de tournée. Cennamo et Pugh joueront un concert hommage en compagnie d’autres groupes de heavy-rock progressif comme Atomic Rooster, Beggars Opera ou If le 25 mars 1972 au Marquee de Londres. John Lingwood sera embauché à la batterie, et Ian Ellis au chant. Le quatuor deviendra Axis, et tournera quelques mois avant de se disloquer. Cennamo et Pugh fonderont bientôt l’extraordinaire Armageddon en 1974 avec Keith Relf, ancien chanteur des Yardbirds, et de Bobby Caldwell, ancien batteur de Johnny Winter et de Captain Beyond. Et sur le premier titre de leur disque éponyme, « Buzzard », planera un riff entêtant, celui de « Penumbra ». Comme une malédiction. Relf mourra en 1976 peu de temps après le split d’Armageddon.
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jeudi 14 octobre 2010

DAVID CROSBY


"David Crosby, pour sembler être le plus jovial avec sa bonne bouille et sa moustache rigolote, n’en est pas moins l’homme le plus abîmé. "

DAVID CROSBY : « If I Could Only Remember My Name » 1971

J’ai souvent rêvé d’une vie en or. J’ai souvent désir pouvoir consacrer mon temps à l’écriture, à la musique, à de grandes ballades dans les grandes forêts de France et Navarre, à ma passion de l’automobile. J’aurais aimé un jour connaître un jour la reconnaissance du public, celle qui apporte notoriété, respect, mais aussi gloire et fortune. Celle qui donne à vos paroles toutes leur valeur, alors qu’elles n’en ont aucune lorsque le pauvre erre que vous êtes les profère.
J’aurais donc aimé consacré ma vie à ce que j’aimais réellement, vivre sereinement de mes passions, et ne pas perdre mon temps neuf heures par jour à gratter du papier et à supporter les conneries de mes subalternes autant que mes supérieurs.
Le seul avantage de mon travail est sa grande liberté d’action, qui me permettent quelques moments de repos dans cette campagne paisible où le vent résonne dans les grands arbres, jouant avec les feuilles jaunes et vertes de ce début d’automne.
Et puis, il arrive que certains obtiennent tout ce qu’ils veulent, et qu’ils plongent malgré tout dans un abysse humain terrifiant.
David Crosby fait partie de ces garçons géniaux, surdoués même, et qui obtiendra de son génie le succès tant convoité. Il devint ainsi l’auteur des plus mythiques titres psychédéliques des Byrds, défrichant pour les trois années à venir le meilleur de la musique américaine, et ce dés 1966. S’en suit à partir de 1968 l’aventure Crosby, Stills And Nash (CSN), qui deviendra en 1969 Crosby,Stills, Nash And Young (CSNY).
Le trio puis quatuor offrira la quintessence de la musique Rock typée californienne. Majestueuse, aérienne, magique, planante, riche, aux harmonies vocales inégalées, elle sera également le théâtre des plus extraordinaires joutes de guitares de l’histoire du Rock, soit celles entre Stephen Stills et Neil Young. CSNY offrit en deux petites années d’existence une poignée de chansons aussi intemporelles que celles des Beatles à la même période. Ils en sont d’ailleurs devenus l’équivalent aux USA, leur relatif retrait musical vis-à-vis du délire musical psychédélique les rendant plus intemporels que leurs contemporains, à savoir Jefferson Airplane, Grateful Dead ou Quicksilver Messenger Service.
Ainsi, « Wooden Ship », « Guinnevere », « Suite Judy Blue-Eyes », “Southern Man”, “Ohio”, “Woodstock”, ou encore “Carry On” résonne de ce mouvement à la fois idéaliste et contestataire, cherchant la magie de la vie au-delà des frontières de l’existence humaine.
Ce mélange indescriptible de sexe, de drogues, d’alcool, de motos, d’égos, de plages, de désert, de politique et de musique aboutit pourtant sur la séparation du quatuor dans une confusion indescriptible qui ne servit finalement qu’à un seul homme, Neil Young, qui avait largement autre chose à faire.
Mais pour ces camarades, la vie fut plus dure. Chacun sortit son disque solo, à commencer par le premier album éponyme de Stills en 1970, presque parfait. Nash suivit en 1971, mais l’homme n’était pas assez torturé pour être suffisamment intéressant.
Restait le dernier protagoniste à devoir sévir, et ce fut David Crosby. Dire que ce disque fut enregistré dans la douleur est un mot bien faible. Il est même à classer dans la catégorie de ce que j’appelle les albums malades, aux côtés de « The End Of The Game » de Peter Green en 1971, « Mick Taylor » de Mick Taylor en 1979, ou « Ceremony » de Spooky Tooth, en 1969.
David Crosby, pour sembler être le plus jovial avec sa bonne bouille et sa moustache rigolote, n’en est pas moins l’homme le plus abîmé.
Sa séparation d’avec les Byrds fut une première plaie, l’homme se voyant jeter de son propre groupe par Roger MacGuinn et Gene Clark après en avoir écrit les plus belles chansons comme « Eight Miles High ». Il fit également reprendre la chanson « Hey Joe » de Joe South par son groupe, une version qui influença un jeune guitariste noir amateur des Byrds et de la bonne chanson américaine (qui a dit Dylan ?) : Jimi Hendrix. Son caractère épouvantable imbibé de LSD tua tout espoir de compromis, et le fils de cinéaste prit son sac.
Il forma donc le trio Crosby, Stills And Nash, et leur premier disque en 1969 fut un succès terrifiant. Aussi terrifiante fut la mort de la compagne de Crosby dans un accident de voiture, alors qu’elle revenait de la clinique pour une échographie de leur enfant.
Ce choc est sans aucun doute le point de départ d’une déchéance inexorable, mais aussi de la plus fantastique traduction musicale de la mélancolie.
« Guinnevere » fut ainsi son hommage à sa compagne disparu, et son envie d’idéal à la fois politique et personnel finit par se mélanger pour donner des chansons à la fois terriblement poignantes et puissantes. « Wooden Ship », « Almost Cut My Hair » parsème son palmarès des fantastiques chansons Rock de l’Histoire. CSNY fut ainsi le véhicule et le catalyseur de ce talent, mais aussi sa tombe.
Ainsi, la dissolution du quatuor, dont il fut à la fois responsable par sa consommation de stupéfiants stupéfiante, et la victime par la disparition du support énergétique que CSNY constituait, fut le début d’une longue déchéance personnelle alors que l’homme est superstar, touchant le pactole à chaque disque ou collaboration.

Aussi, en ces derniers jours de 1970, sur les cendres du quatuor d’or, Crosby décide d’enregistrer quelques chansons. Vous dire que l’homme est en ruines est bien peu de choses. Malgré les brumes lysergiques et ce profond spleen qui le hante, l’empêchant de savourer à sa juste valeur la reconnaissance artistique qu’il suscite, il est parfaitement lucide. Il est également lucide que les idéaux hippies, qui furent le théâtre de ses convictions politiques les plus profondes, n’étaient plus. Mort à Altamont en décembre 1969 à cause de ces sales gosses anglais qui ne comprenaient finalement rien au psychédélisme, c’est-à-dire les Rolling Stones, le beau rêve d’une société jeune et pacifique, maître de son destin, a été calciné dans le sang et l’horreur. La coup de poignard reçu par ce jeune spectateur noir est celui reçu par les hippies, et dans les lacrymogènes de la Garde Civile, le pacifisme se mut en résignation et en colère sourde.
En 1970, les héros de l’Amérique sont ces jeunes chevelus issus du Blues anglais, ivres de violence et de sexe, faisant renifler au vaste continent ces plus âpres effluves, celles de la guerre du Vietnam, de ces usines automobiles en conflit social, et de cette Guerre Froide qui rend l’air irrespirable. Whisky, acides, bad girls, et Muscle Cars, voilà le rêve américain de la jeunesse en déroute. Et résonne dans les stades Led Zeppelin, Who, Black Sabbath, Rolling Stones, ou Jethro Tull.
David Crosby rassemble ses copains hippies à San Francisco aux Wally Heider Studios. Phil Lesh, Jerry Garcia, Bill Kreutzmann de Grateful Dead, Jorma Kaukonen, Jack Casady, Paul Kantner et Grace Slick de Jefferson Airplane viennent jouer aux côtés de Michael Schrieve et Greg Rollie de Santana, et Neil Young, Graham Nash, Stephen Stills et Joni Mitchell.
Ce qui ressemble à un All-Stars album faisant la part belle aux grandes improvisations acides et au son californien calibré hippie va vite tourner à la psychoses générale. Car David Crosby n’est pas là pour rire. Les quatre ou cinq bribes de chansons sont terrifiantes, lunaires. Et Crosby entraîne tout ce petit monde cocaïné et insouciant dans sa tourmente. Le résultat est ce disque magnifique, minéral.
Minéral car il va à l’essentiel, avec quelques accords soigneusement choisis. Cancéreux, arides, ils ne dispensent pas la joie de vivre, mais l’introspection. Pourtant, on pourrait s’interroger, en lisant le titre de la première chanson. « Music Is Love ». Y a-t-il plus hippie comme titre ? La douze-cordes de Crosby s’entremêle avec la six-corde de Young, les voix tournoient, et Crosby, de sa voix profonde et mélodieuse implore un cantique comme un prêcheur. Les harmonies sont superbes, mais les accords semblent de déliter dans la poussière peu à peu. Un goût amer émerge peu à peu, comme si cette profession de foi devenait une façade pour exprimer un malaise.
Ce malaise, c’est celui de « Cowboy Movie ». Un accord aride, sec, rebondissant sur une grosse basse ronflante, et quelques friselis de cymbales. Le tempo est épais, pâteux. Huit minutes de films de cowboy. Ou plutôt du mec seul qui erre dans le désert, celui de l’âme. Ce qui ressort de ce titre éprouvant, c’est un sentiment de solitude mortel. C’est l’histoire de la dislocation du quatuor CSNY, les conflits d’égos, les coups bas. Le tout, avec l’aide de l’ensemble des protagonistes.
Le petit instrumental « Tamalpais High » est une sorte de petit Jazz-Rock californien à l’apparence légère, mais dont la dissonance semble faire résonner le malaise général.
« Laughing » est à nouveau une sorte de cantique psychédélique. Mais il est incroyablement aride. Constitué de guitares acoustiques, de steel-guitar lointaine, de cymbale légère et d’harmonies vocales angéliques, elle ne fait que renvoyer l’image de l’Homme seul sur ce rocher de granit, seul dans la lande face à son destin. Ou est-ce le désert de Mojave, mais qu’importe, la solitude est le maître-mot, lugubre, sournois. Ce morceau est en tout cas le sommet du disque, majestueux, émouvant.
Mais le pire est à venir : une face totalement instrumentale, sans paroles, ne laissant à l’âme pour seul véhicule que les notes. L’expérience est effrayante. Comme être face à une personne qui ne vous parle plus. Le malaise est insondable, sur ces titres que sont « What Are Their Names », « Traction In The Rain » ou « Song With No Words ». L’expérience est terrifiante. C’est un mélange de CSNY, et de mélopées mortelles, malades. Sous l’apparente décontraction, l’apparente sérénité se cache un sentiment de dépression terrifiant.
A la fin du disque, on reste abasourdi par la violence sourde qui règne tout au long de ce disque. C’est sans doute l’album qui enterra définitivement le rock californien première génération, celui plein d’espoir et de liberté de CSNY, mais aussi celui de Jefferson Airplane, Neil Young And Crazy Horse, Hot Tuna, Grateful Dead, ou Quicksilver Messenger Service. La seconde, ce sera celle de Eagles ou Fleetwood Mac. Celle de la coke, de la déchéance dans les paillettes. Celle dans laquelle se trouve David Crosby en somme. Mais plus que sa propre spirale infernale, c’est celle de nos vies qui rôde ici, comme une bande-son du drame quotidien.

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