lundi 11 janvier 2010

ARGENT

Au fait, bonne année, bande de nazes ! Il faut être clair, ce n'est pas moi, ni personne, qui va vous porter chance. Alors, ce sera plutôt bonne chance pour 2010.


"Ce n’est pas le cas du sommet de ce disque : « Schoolgirl ». Rien que le titre a ce quelque chose de vicieux. "

ARGENT : « Argent » 1970

Est-ce parce qu’après les fêtes on en manque cruellement que je vous parle d’Argent ? La blague est fort facile, mais néanmoins, je crois pouvoir dire sans trop me tromper que vous n’aviez pas réellement éprouvé le besoin de le dépenser pour acheter ce disque, votre argent. Et pour cause, Argent est un groupe que bien peu connaisse. Je vais même être d’une violence rare : tout le monde se fout totalement de ce groupe.
Il en est ainsi d’un certain nombre de groupes toutes époques confondues. Ils se caractérisent par des discographies plutôt fournies (j’entends au-delà de trois disques), une carrière plutôt longue (au-delà de cinq ans), et même parfois un mini-hit national totalement oublié depuis. Et pourtant tout le monde s’en fout. Parce qu’ils n’ont laissé aucune marque dans l’histoire de la musique, simples suiveurs ou alors derniers arrivées d’une vague sur le déclin : on peut ainsi citer Savoy Brown, Atomic Rooster ou Krokus, tous plutôt doués, délivrant des disques de qualité, mais que l’histoire n’a jamais retenu parce que moins percutant que le « II » de Led Zeppelin ou « Paranoid » de Black Sabbath. Il faut alors vouloir aller les découvrir, oser piocher dans une discographie totalement inconnue et sans repère, sans jalon musical ou commercial connu.
On trouve pourtant des pépites. Ce premier disque d’Argent en est une. Pour la petite histoire, Argent est le groupe de Rod Argent, ancien clavier et compositeur du groupe The Zombies. Ce dernier laissa à la postérité le psychédélique et pop « Odessey And Oracles » en 1968, jolie pépite que le petit monde musicale branchée découvre … ces derniers temps. Dans Argent, on découvre un batteur plutôt doué du nom de Robert Henrit, et pour cause, puisque c’était l’un des meilleurs amis de … Keith Moon. Encore un ascète, donc.
Et puis surtout, il y a un certain Russ Ballard à la guitare et au chant. Et là, ça se gâte. Parce que le personnage pourrait concentrer ce qu’il y a de pire dans la Rock Music. Il est en effet l’auteur, des années plus tard de quelques tubes bien FM, comme le « Since You Been Gone » et « I Surrender » de Rainbow, ou encore le producteur de l’album solo de la chanteuse blonde de … ABBA, entre autres.
Mais l’on en est pas encore là, et le Rock a encore de la classe à l’époque, du moins un but autre que celui de faire du pognon. Argent arrive pourtant après la guerre, comme le « Odessey And Oracles » des Zombies. C’est-à-dire qu’il loupe le Hard-Rock, le Rock Progressif et le Rock Psychédélique de l’époque. Ne cherchez donc pas ici les échos d’un Led Zeppelin ou d’un Jethro Tull ici.
Argent, c’est donc un groupe qui arrive après la bataille. C’est-à-dire qu’il joue un rock entre pop et psychédélisme débutant, faisant la part belle aux mélodies et aux harmonies vocales. Les voix sont sucrées et liquides, à la limite de l’angoissant, tout comme les claviers de Rod Argent, et cela, c’est son originalité. Ballard n’est pas un guitar-hero, ça se saurait. C’est même un gros branque, même comparé à Tony Iommi à la vue de la presse de l’époque. Ce qui n’est pas peu dire. Ce garçon est-il si détestable ? Non, car il est plutôt doué niveau composition (à l’époque). Généralement classé comme le pourvoyeur de chansons commerciales, c’est juger à priori le bonhomme.
Car l’ensemble du disque est finalement « commercial », c’est-à-dire facile d’approche : un son léger, une instrumentation fine à des années-lumières des soli à rallonges, des morceaux concis.
« Like Honey » commence comme une douceur, presque jazzy. Suit « Liar », chanson de Ballard qui deviendra un tube pour le groupe Three Dog Night au milieu des années 70. Ce titre, dans son approche originale, est presque angoissante. Vaporeuse, juste rythmée par une grosse caisse, des claviers distants et une guitare laid-back, la chanson explose sur le refrain de quelques coups de cymbales et de chœurs criant « Liar ». « Be Free » est, comparé à « Liar », une chanson commerciale. Plus accessible, elle est une douceur, mais n’a rien de miraculeux.
Ce n’est pas le cas du sommet de ce disque : « Schoolgirl ». Rien que le titre a ce quelque chose de vicieux.
Il y a d’abord ces quelques notes de piano électrique liquides, et puis ces clapements de mains lointains sur la batterie. Il y a aussi cette voix suave, presque chuchotée, celle de Russ Ballard. La guitare est inexistante. Tout n’est que piano blafard, électricité maladroite. Ce n’est qu’un fantasme, une indiscrétion. Cette chanson semble n’être que le murmure d’un rêve que l’on n’ose avouer. C’est aussi un constat d’échec, celui du temps qui passe.
On voudrait que certaines choses ne changent jamais, où que l’on puisse revenir en arrière, afin de retrouver la flamme d’avant, lorsque l’on ne se connaissait pas aussi bien. Quand il y avait encore une part de mystère.
Passé ce titre, tout semble plus morne. Et pourtant, il y a quelques jolies pépites, comme ce « Freefall » voyant Ballard se jucher sur des aigus de castrat maladroit qui font de cette chanson tout son caractère. Ca, et ces claviers, liquides encore, et puis les chœurs beatlesiens sur le refrain, majestueux et si intimes.
« Stepping Stone » semble presque un accident. La batterie semble sonner trop fort. Pourtant, cette rock-song sonne trop vicelarde pour être honnête. Les chœurs résonnent, tout le monde s’emballe, mais le caillou n’a que la trajectoire que l’on lui donne.
« Bring Your Joy », qui clôt ce disque, sonne entre piano-bar et soul-blues. Cela pourrait être chiant si il n’y avait pas cette retenue et cette science du silence qui rend ce titre si classieux.

Le disque se savoure comme une petite merveille, un petit paquet de bonbons que l’on achète sur une aire d’autoroute perdue et que l’on savoure sur cette route trop longue. C’est acidulé, frais, mais incroyablement émotionnel. Vous me croirez ou non, mais la suite ne sera pas terrible.

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