mardi 12 avril 2011

JETHRO TULL

" Tout cela m’échappa pourtant de longues années, trop obsédés par le flash d’adrénaline immédiat du Heavy-Metal estampillé 1975-1985."

JETHRO TULL : « Bursting Out ! » 1978

En ces années d’ineptie musicale, il n’est pas un groupe des années 70-80 qui n’ait pas été réhabilité par la presse ou les “artistes” d’aujourd’hui. Queen, Led Zeppelin, Who, Deep Purple, Pink Floyd, Black Sabbath, Ozzy Osbourne, Lynyrd Skynyrd, Stooges, Status Quo, Big Star, ou Motorhead sont désormais, bien que je haïsse le terme pompeux, des institutions de la musique, de ce que l’on appelle chez nos amis anglo-saxons, le Classic Rock. Eux qui firent de la musique pour en venir à bout, ils en sont donc devenus, des institutions, des monuments de marbre, figés dans le temps, tentant par de vains efforts de remise en forme, de maintenir le niveau musicale de leurs jeunes années. Mais avec la disparition de nombreux musiciens, souvent capitaux (les premiers disparus étaient souvent les plus têtes-brûlés, donc les plus créatifs), le feu sacré n’y est que rarement, malgré un répertoire pourtant irréprochable. Devenir une machine à cash n’est plus une honte, c’est de la résistance. J’ai toujours eu plus de respect pour les grands anciens qui continuent, bon an, mal an, à produire de la musique nouvelle. Souvent plus mature, moins évidente, parfois un peu redondante, elle démontre une volonté de continuer à créer malgré le temps, malgré des albums dits classiques qui encombrent les set-lists de concerts à plus de 75%. Et bien que le résultat ne soit pas toujours exceptionnel, la démarche est parfaitement louable. C’est le cas pour Heaven & Hell (ou Black Sabbath, si vous préférez), Motorhead, Deep Purple ou Van Der Graaf Generator. Il existe malgré tout de grands Anciens qui n’ont toujours pas été réhabilités, et qui continuent pourtant à exister. L’un d’eux a pour nom Jethro Tull. Ce groupe fut pourtant l’un des plus grands vendeurs de disques au monde entre 1969 et 1993. Oui, chers amis. Vous me croirez si vous voulez, mais en 1988, Jethro Tull reçut le Grammy Award du meilleur album de Hard-Rock avec « Crest Of A Knave » devant… « And Justice For All » de Metallica. Au-delà de cette anecdote cocasse, le groupe publia l’une des plus irréprochables discographies des années 70, alignant un sans-faute de 13 albums formidables entre 1968 et 1979. Formé par le chanteur-flûtiste Ian Anderson en 1967 avec le guitariste de Blues Mick Abrahams, il devint, avec le départ de ce dernier en 1969 et l’arrivée de Martin Barre (seul musicien toujours présent avec Anderson), le leader-créateur de Jethro Tull. Sa force créatrice. Ce qui fut d’ailleurs à double tranchant, car malgré la rotation intensive de prestigieux musiciens, Jethro Tull finit par s’essouffler aux débuts des années 80. Pour être tout à fait franc, je me suis mis à Jethro Tull sur le tard. J’ai toujours eu du mal à appréhender sa musique et son univers. C’est sans doute cette complexité qui a fait de ce groupe formidable un des grands oubliés des années 70. Trop complexe, trop subtil. Il faut dire que Jethro Tull est un alliage fantasmagorique de Blues typé British Blues-Boom, de Folk anglais celtique entre Pentangle et Fairport Convention, de Heavy-Rock à la Spooky Tooth ou Mott The Hoople, et de Rock Progressif comme seul King Crimson pouvait en créer. Cette hallucinante potion se révéla rapidement inépuisable de créativité, surtout entre les mains d’un fou furieux comme Ian Anderson. Les ventes de disques furent au rendez-vous, et ce dés le premier disque, « This Was », en 1968. Est-ce dû à la prestation du groupe au « Rock’N’Roll Circus » des Rolling Stones, qui ne fut pourtant jamais diffusé à l’époque ? Impossible, bien qu’à la légende de cette prestation s’ajouta celle de la présence d’un certain Tony Iommi à la guitare en remplacement d’urgence de Mick Abrahams, alors en partance. Plusieurs disques s’inscrirent dans les références musicales de l’époque : les superbes « Stand Up » en 1969, « Benefit » en 1970, et le fabuleux « Aqualung » en 1971, qui est le pinacle du premier line-up classique du Tull : Ian Anderson, Martin Barre à la guitare, Clive Bunker à la batterie et Glenn Cormick à la basse. La suite offrira de superbes chef d’œuvre de Rock Progressif à la fois hargneux, subtil et novateur : « Thick As A Brick » en 1972, Passion Play » en 1973, « War Child » en 1974 (le disque préféré de Ritchie Blackmore) ou le somptueux « Minstrel In The Gallery » en 1975. Tous ont cette faculté d’allier les riffs lourds et puissants de Barre (qui défriche souvent ce qui deviendra le Doom ), les ambiances celtiques, les textes revendicatifs, la folie vocale d’Anderson, et les ruptures de rythmes obsédantes du Rock Progressif le plus pointu. Tout cela n’a évidemment aucun sens pour le kid qui écoute Black Eyed Peas ou Katy Perry. Dés lors, comment un seul disque pourrait résumer tout cela à la fois ? C’est pourtant ce que va réussir le prodigieux double live « Bursting Out ! » paru en 1978. Compilation magique de ce qu’a produit de plus génial Jethro Tull depuis dix ans, ce double album en public offre des versions à la fois précises et gorgées de la puissance scénique dont faisait preuve Jethro Tull en ces années glorieuses. Et l’introduction est on ne peut plus massive, avec la succession sans temps mort de « No Lullaby » et « Sweet Dream ». La qualité des musiciens est franchement impressionnante : outre Anderson et Barre, on retrouve John Evan aux claviers, Barriemore Barlow à la batterie, David Palmer aux claviers, et John Glascock à la basse (ancien membre de Chicken Shack période « Imagination Lady »). Le côté Folk revient à la suite, alternant les ambiances, pour culminer avec une très bonne version de « Thick As A Brick ». Le second disque se fait plus électrique, avec notamment « Minstrel In The Gallery » et plusieurs extraits du grand œuvre du Tull : « Aqualung ». on retrouve donc ici « Cross-Eyed Mary », « Aqualung » et le mythique « Locomotive Breath ». Les interprétations sont carrées et inspirées, et surtout concises. Les divagations solisantes se font plus rares hormis un petit solo de flûte du maître. Il faut dire qu’il était guère permis de douter de la capacité musicale de Jethro Tull à cette époque, la formation ayant produit deux superbes albums coup sur coup : « Songs From The Wood » en 1977 et « Heavy Horses » en 1978. Suivra, « Stormwatch » en 1979, également très bon, mais entaché de la mort de Glascock à cause d’une santé fragile, déjà bien maltraitée par la route et quelques excès. J’aime surtout ces superbes alternances de paysages, allant de la tempête électrique la plus furieuse à la mélancolie médiévale la plus lumineuse. Tout cela m’échappa pourtant de longues années, trop obsédés par le flash d’adrénaline immédiat du Heavy-Metal estampillé 1975-1985. J’ai redécouvert Jethro Tull avec « Bursting Out ! ». Si parfois j’ai du mal à me plonger dans un de leurs albums, ce disque en public m’apporte la magie du groupe dans sa spontanéité et son entièreté en 19 chansons toute plus belles les unes que les autres. Il m’a en tout cas réconcilié avec une partie de ma vie, par la multitude de ces facettes et sa philosophie de la vie. Et c’est sans aucun doute cela qui fait de Jethro Tull un groupe trop difficile à appréhender de nos jours, dans cet univers d’immédiateté et de consommation frénétique. Prendre le temps de réfléchir et d’écouter est désormais un luxe. tous droits réservés

4 commentaires:

JP a dit…

hmmm, pas terrible pourtant le Crest...
Superbe live en effet, c'est chouette de te voir en parler.
je t'embrasse
JP

sallecroix a dit…

incroyable,un français qui parle de jethro tull.merci a toi.la musique de jt n'est pas tres facile d'acces c'est aussi pour ça que je ne m'en lasse pas depuis si longtemps.je viens de les voir le 19 mars a belfast et ça joue toujours meme si il n'y a plus le meme peps qu'a l'epoque fabuleuse de bursting out logique moi c'est un peu pareil.jt ne font pas semblant d'etre,ils sont simplement des musiciens qui jouent meme si les stades de 100000 personnes ne sont pas pleins.si tu a l'occase ecoute a little light music.a plus.frederic.

rebeltrain a dit…

EN EFFET CE LIVE EST TOUT SIMPLEMENT ENORME JE N'AI QU' UN ALBUM DE JETHRO TULL ET C'EST CELUI LA !!!rebeltrain

Anonyme a dit…

Aaah Jethro Tull!!!
John Bonham disait de Barriemore Barlow qu'il était le plus grand batteur de rock en activité, mais le reste du groupe n'était pas en reste!
le Tull a encore fait quelques excellents disques après 79 ("A" et "Broadsword and the Beast")