samedi 20 août 2011

THE SHOES

"Notées que niveau qualité, les pompes italiennes, ‘y a pas à chier, c’est quand même la classe."

THE SHOES : « The Shoes » 2010

Je suis en perpétuelle recherche de l’érection électrique. J’ai parfois touché au but, grâce notamment à certains disques magiques comme « Smokin » de Humble Pie ou le « II » de Led Zeppelin. Mais je continue à chercher le héros moderne, qui, guitare en bandoulière, saura faire éructer l’indicible frustration qui m’envahit régulièrement le cerveau.
Il y eut quelques beaux guerriers durant ces dernières années : Kyuss, Unida, Hermano, High On Fire, Nebula, ou Soundgarden. Mais tous avaient cette envie de lier psychédélisme et une certaine forme de Heavy-Metal issu de Black Sabbath. Ils firent partie de la formidable odyssée du Stoner-Rock, qui malgré une baisse d’intérêt, vit encore.
C’est en musardant parmi quelques noms fort méconnus du genre que je m’arrêtai par hasard sur The Shoes.
Le nom me disait quelque chose, et il me sembla, curieusement, l’avoir lu dans une revue aussi hype que Rock’N’Folk. Rapidement, je m’aperçus qu’il ne s’agissait pas de la même paire de godasses.
Les The Shoes qui circulent dans le petit monde branché est un duo de Reims pratiquant une électro-pop qui se rapproche de ce que la New-Wave du début des années 80 produisit de pire, allié à une forme de Rock héroïque et désabusé entre Portishead et Simple Minds. Néanmoins, il est assez périlleux d’atteindre la classe de ces derniers (nous en reparlerons). Allié à cette substance une image très hype (jeans slim, mèches rebelles bien collées au gel, petites lunettes, et pochettes de disques raclant des symboles un peu kitsch comme l’équipe de foot de Reims en 1978, avec leurs petits shorts et leurs vieilles coupes trop ringaaaardes, mais tellement popu-chic), et vous obtenez un groupe de plus qui bouche l’horizon, cachant derrière lui de bien meilleures formations.

Il y a notamment ces Shoes-là. Et elles sont italiennes. Notées que niveau qualité, les pompes italiennes, ‘y a pas à chier, c’est quand même la classe. Mais de là à ce que la musique des Shoes italiennes soit à ce point excellente …..

Formé en 2005 à Forli en Italie par le guitariste-chanteur Elio Di Menza, le trio complété du bassiste Pierluigi Di Pierro et du batteur Valerio Scollo écume les bars des alentours de Taranto, la ville voisine. Ils sont assez classiquement influencés par Cream et Jimi Hendrix, soit la sainte dualité du Rock. Il y en a comme eux des milliers dans le monde, du Brésil à la Hongrie, plus ou moins doués, mais noyés dans un océan de démos plus ou moins similaires sur MySpace.
Le groupe s’accroche, ou plutôt son guitariste, Di Menza. Après quelques changements de line-ups , le trio se stabilise avec l’arrivée du bassiste Marco Pizzolla et du batteur Andrea Basile.
Mine de rien, The Shoes va devenir un bombardier ahurissant qui va bousiller les oreilles des spectateurs imprudents des bars et festivals Rock italiens. Classe, gouaille, groove, et Rock’N’Roll Attitude, c’est ce que va déverser ces dangereux croquenots.
Le label Go Down Records les signe, et les trois enregistrent ce premier album en 2010 dans un petit appartement transformé en studio à Cesena. Tout cela sent plutôt le Claude Barzotti, les scooters Lambretta, et les jolies brunes italiennes aux décolletés généreux et aux jupes courtes. Rome, Venise, toutes ces conneries.
The Shoes ramènent pourtant tout le monde du côté de Londres, voire même de Birmingham. Car son Rock sent le charbon.
Ce qui prend à la gorge, c’est bien sûr le premier morceau, mais surtout la production. Puissante, lourde, analogique, sentant bon la bande magnétique et les petites trouvailles de musiciens entre deux portes.
Et puis donc, il y a ce premier morceau : « Need To Show It ». Mélange de boogie et de heavy-blues, il rapproche The Shoes non pas de Hendrix et de Cream, mais du Led Zeppelin des deux premiers disques. Mêmes riffs rageurs et blues, puissance du son, rythmique lourde et virtuose, et petites trouvailles sonores permanentes (doublage du solo, petit changement du riff pour le pont, contre-points heavy, grosse caisse galopante…). La voix de Di Menza est aussi excellente, entre gouaille nerveuse et embardées vocales rock typées Ten Years After. L’homme n’est pas un hurleur de heavy-metal, et c’est bien tant mieux. Il n’est pas non plus un geignard sans-voix « au talent unique », terme pour dire que l’homme qui vous pourrit les tympans ne sait certes pas chanter, mais cela fait sa personnalité. Il y en a des wagons, mais ce blog voudrait avoir une courte pensée pour tous nos amis du spectacle qui n’ont aucun travail sous prétexte qu’ils n’ont aucun talent (merci Pierre).

Ce boogie endiablé se voit suivi de l’immense morceau de ce disque : « Talk With You ». Riff nerveux, batterie puissante et souple, mid-tempo, Di Menza croise sa voix avec celle de Pizzolla. Sur ce tapis d’électricité folle survole des chœurs précis. Les influences se dessinent de plus en plus. Il y a ici un alliage de Who et The Move pour le côté Pop anglaise de la mélodie et des choeurs, de Led Zeppelin (toujours), et puis de Toad, ce fabuleux trio suisse des années 70 dont The Shoes semblent les dignes héritiers. Heavy-Blues et Power-Pop copulent allègrement ici pour produire une musique d’une efficacité hors normes. Incroyable, Di Menza roule les « r » sur le refrain, comme un sale gallois. Il a repéré les gimmicks du Rock, il en est la synthèse. A moins que ce soit son accent italien, mais en fait on s'en tape. Ce titre est un concentré de puissance culminant par ce solo d’une classe folle, calibré au millimètre près.
Nous parlions justement de Led Zeppelin, voici que débarque le puissant et heavy-blues « Across The Street ». Cette épaisse tranche de goudron musicale voit se mêler la musique de Humble Pie et la gouaille des Troggs. C’est simple, redoutable, et jouissif. Tellement bon que « The Cage » reprend la formule avec le même brio.
« Waiting On The Web » démarre comme un titre jazz-acoustique de Black Sabbath. Di Menza prouve ici son talent à la guitare acoustique. Il y est aussi prodigieux dans la composition au côté de Pizzolla. Indiscutablement, ce morceau est le sommet de l’album. Mélodie acoustique baignant dans le folk-blues anglais de la fin des années 60, refrain électrique rappelant la structure de « Ramble On » de Led Zeppelin, et ce double solo électrique-acoustique achevant de prouver que Di Menza est un musicien sur lequel il faut compter dans ce monde absurde.
La seconde moitié du disque est un condensé d’influences heavy-rock des années 70. « The G Man » rappelle Dust. « Kicked In The Ground» ne déparerait par contre pas sur « Physical Graffitis » de Led Zeppelin tant il rappelle « Custard Pie », enfin jusqu’au refrain, parce que après, ça s’emballe sec….
«Rescue Me» est un Funk bourbier rappelant celui de « Zoom Club » de Budgie. Mais jamais l’héritage du trio gallois ne fut à ce point mis en valeur. C’est vachard, bas du front, c’est un morceau tête de con.
« I’m Bored » fait hélas plus office de remplissage, Pizzolla chantant, et plutôt pas très bien. La suite rallume les braises avec « Why Are We Sleeping ? », un heavy-boogie psychédélique implacable qui carbonise l’oreille imprudente.
The Shoes achèvent son disque sur un morceau acoustique délicat rappelant le Folk pourri des Kinks et les pièces acoustiques de Humble Pie avec Greg Ridley au chant, et là, c’est mieux.
Au final, bien que doté de quelques imperfections forcément inévitables vu la durée du disque (12 titres tout de même), la quintessence en occupe au moins les trois-quarts, et cela fait de cet album une bien belle pièce de musique.

Une chose est sûr, ces garçons ont du talent, de la classe et de l'humilité, et il est impératif qu'ils puissent s'exprimer plus largement afin de déboucher un peu l'horizon fadasse du moment. Sans être parfaitement originaux (mais qui l'est vraiment ?, nous sommes tous le fruit de nos influences), ils ont su proposé une musique charnue et honnête, loin des clichés de poseurs. Cet album m'enthousiasme au plus haut point, et cela faisait quelque temps que je n'avais pas ressenti cette sensation.
Il y a peu, j'ai voulu m'intéresser à un groupe un peu tendance et classé comme marginal : les Black Lips. Discours intéressant, attitude plutôt sympa. Et leur dernier disque emballe, même si le nom du producteur (Mark Ronson), m'a fait l'effet d'un glaçon dans le pantalon. J'ai écouté tous leurs albums, et notamment les dits tubes classé comme garage-punk-rock, et j'ai trouvé cela... plat. Pas mauvais, ni franchement grotesque, juste plat. Bourré de plans musicaux et de tics vocaux mille fois entendus. J'ai été déçu. Alors je n'aurais qu'un conseil : privilégiez la qualité italienne.

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mercredi 3 août 2011

SAVOY BROWN 1975

" Le choix du groupe ne faisait que confirmer mon statut de blaireau provincial, mais le choix de l’album est une insulte au bon goût."

SAVOY BROWN : « Wire Fire » 1975


J’accélère le pas sur les grands boulevards parisiens. Nous somme jeudi soir, et les fêtards, étudiants pour la plupart, envahissent les bars. Faune caricaturale, tous à l’image des magazines de mode. Cette dernière, en particulier féminine, n’est pas pour me déplaire, mettant en avant la jupe courte et les chaussures à talons. Fétichisme de ma part sans doute, j’ai toujours trouvé ce type de chaussure terriblement féminin et sensuel.
Pour ma part, je ne suis guère du type toy-boy, pas vraiment preppy. Avec mes cheveux courts, ma petite brioche ventrale, mon vieux jean, mes vieilles Adidas et mon tee-shirt uni râpé par le boulot, je ne suis guère le fantasme du moment. Mais plus que tout, je me sens totalement décalé ce soir. Ni vieux, ni ringard, juste pas du tout à ma place. Pourtant, je bois aussi de la bière comme tous. Par contre, je fume toujours la pipe (un petit succès auprès de la gente féminine éméchée) et la musique qu’assènent les baffles des bars me laisse froid. Black Eyed Peas, David Guetta, Pitbull, Lady Gaga, LMFAO et tout le barnum électro-pop-are’ène’bi-rap-dancefloor me donne des spasmes intestinaux assez rapidement. Finalement, cela ne me dérangerait qu’assez peu si tout cela était resté à sa place, c’est-à-dire dans les boîtes de nuit. Mais tout le monde s’y met, histoire de gagner un peu de cash. Les textes sont bien sûr ineptes, parlant de bouger son corps jusqu’au petit matin – vas-y DJ fait nous vibrer – Yo baby t’es super canon, toi aussi je vais te faire vibrer jusqu’au petit matin sur la vibe.
Quand je passe à Paris, j’ai toujours dans ma bouche ce goût amer d’une société artificielle basé sur la fête à tout prix, ce que l’on appelle l’évènementiel. L’embourgeoisement de Paris a fait disparaître le côté populaire de la ville. Il n’y a plus d’ouvriers, de petits commerçants, de cafés, de vie simple. D’ailleurs cet embourgeoisement et ce côté artificiel de la société se traduisent à la télévision, avec ces reportages sur les maisons dans le sud, avec des riches montrant leurs belles cheminées en pierre, leurs salons en cuir, et leur déco simple et design. Ils sont partout, ils achètent tout, font monter les prix et prennent les autochtones pour des personnages de parc Disney. Il est temps pour une révolution.
Tout doit être à la mode, branché, dans le vent. Expositions, galeries de peintures, bar-lounge, guinguettes, clubs… Il n’y a plus de vie à Paris, tout y est superficiel. Seuls les cadres qui y travaillent en journée rappelle que Paris est une ville économique, mais l’uniformisation du niveau de vie vers le haut par élimination des plus pauvres est une réalité. Je n’y trouve plus la vie populaire que mon père et moi trouvions dans les petites brasseries il y a vingt ans, là, juste vers les quais de Seine.
Alors, lorsque je traverse Paris et ces banlieues, je n’écoute pas de l’électro, ni du Folk-Rock indé branché. J’écoute Savoy Brown. Et plus précisément l’album « Wire Fire ». Le choix du groupe ne faisait que confirmer mon statut de blaireau provincial, mais le choix de l’album est une insulte au bon goût.
Savoy Brown fut abordé dans ces pages par le superbe « Blue Matter » de 1968, et par le très heavy « Savage Return » de 1978. Il faut d’abord que les choses soient bien claires : tout ce qu’a sorti Savoy Brown entre 1967 et 1978 ne souffre de quasiment aucune critique, hormis quelques chansons moins originales par ci par là. Précisons que le groupe distille un Blues-Rock fin, parti du Blues Noir américain pour arriver à un alliage de boogie-heavy-rock teinté de funk et de jazz.
En 1975, Kim Simmonds, guitariste-compositeur-leader de Savoy Brown, se retrouve à nouveau seul pour la seconde fois de sa carrière. En 1974, il accepte un alliage furieux avec deux fine lames du British Blues-Boom : Stan Webb de Chicken Shack et Miller Anderson du Keef Hartley Band . Néanmoins, vue l’époque plus portée sur le Glam et le Progressif, il était à parier que Blues-Rock fut peu porteur.
Les Etats-Unis, pourtant toujours réceptif à ce type de musique, leur permirent d’assurer une longue et glorieuse tournée qui se finalisa au Madison Square Garden de New York. Rappelons que Humble Pie, Led Zeppelin, Lynyrd Skynyrd, Aerosmith, Deep Purple et Black Sabbath étaient de grosses ventes dans le pays. La collaboration des trois virtuoses échoua pourtant rapidement. D’abord parce que le groupe fut renommé Savoy Brown par la force des choses, puisque seul ce patronyme était populaire aux USA. Ensuite parce que le disque, hormis trois chansons, n’est pas vraiment enthousiasmant, l’union des trois n’ayant pas fait de miracles, dont le prodigieux « Highway Blues » ouvrant le disque.
Passé la dissolution des Boogie Brothers, Kim Simmonds remonte un Savoy Brown de toute pièce. Il rappelle son clavier fétiche du moment, Paul Raymond, et le batteur Dave Bidwell tous deux anciens Chicken Shack et compagnons de Simmonds sur « Street Croner Talking », « Hellbound Train » et « Lion’s Share », trois albums à succès du Brown. Les problèmes de dope et d’alcool de Bidwell finiront par conduire ce dernier six pieds sous terre mi-1975 après avoir quitté le groupe durant les premières sessions d’enregistrement. Il est remplacé par Tommy Farnell, et Andy Rae prend la basse et le chant.
L’introduction se veut pop et enjouer avec « Put Your Hands Together ». Simple, efficace, cela aurait pu faire un tube. Il dévoile en tout cas une approche du Blues-Rock plus Pop, plus mainstream. C’est ce qui a sans doute déçu les fans, découvrant un Savoy Brown semblant répondre aux sirène du music-business, mais ne trouvant pas de la guitare fumante comme le suggère la pochette.
C’est pourtant une erreur fatale. Car « Wire Fire » est un disque superbe, alliant des chansons originales et redoutables alliées à des parties de guitare magiques, d’une plus grande subtilité qu’il n’y paraît. Et cette vraie personnalité se dévoile dés « Stranger Blues ». Aux atours classiques, typiques du Blues-Rock qui râcle le fond des clubs américains sans grand succès, il se révèle être en fait terriblement contagieux. La voix de Rae, simple, sans rugissement inutile, parfois jouant avec des intonations croonantes, fait des merveilles. Il y aussi les claviers, à la fois discrets et très présents, apportant une ampleur mélancolique infinie à ce titre. Simmonds décoche de petits chorus, avant d’écraser sa wah-wah pour le solo, concis. On se dit que ce Blues-là est vicieux, qu’il s’injecte comme une drogue dans les veines. « Stranger Blues » a ce spleen des fins de soirées solitaires.
« Here Comes The Music » accélère le tempo et la slide magique de Simmonds décoche le riff. Sous son aspect heroic-song, elle fleure pourtant bon la route. C’est la chanson à écouter à fond sur l’autoroute, où que vous soyez. Que ce soit vers les cieux grisonnants du Nord de l’Europe où vers le Soleil brûlant de l’Espagne, la slide de Kim Simmonds vous hurlera dans les tripes. « Here Comes The Music », c’est celle qui vous court dans le bide quand on est au volant, face à son existence, avec ce curieux plaisir d’évasion lié à la bande blanche.
« Ooh What A Feeling » est une funk-rock song. On s’attend au pire, un mauvais pastiche de Stevie Wonder. C’est pourtant encore une chanson de route, faussement enjouée. Là, encore, vos tripes ne seront pas épargnées. Car comme toute road-song, elle va emmener vos pensées très loin. Tranquillement, au rythme de ce sax discret, du piano électrique de Raymond, et des riffs de la Stratocaster de Simmonds. La paire Rae-Farnell est redoutable, puissante, soutien parfait aux mélodies lumineuses de la paire Simmonds-Raymond. Au fil du pont final, vous repenserez à cette jolie brune sur la plage qui vous a adressé la parole pendant que votre femme est partie se baigner avec les enfants. Simplement, vous avez échangé quelques mots, et puis ces regards et ces sourires. Et ses yeux bleus restent dans votre cortex depuis, le trentenaire bedonnant étant devenu d’un coup un peu plus attirant quelque part dans sa tête.
Est-ce suite à cette délicieuse sensation que Savoy Brown enchaîne avec le terrifiant « Hero To Zero » ? Superbe Blues mid-tempo, Kim Simmonds y fait des miracles, soutenu par une très efficace section de cuivres. Passé du statut de héros à zéro. Et puis encore la route, ou plutôt ce train qui arrive en gare, que l’on prend pour fuir, pour espérer trouver des jours meilleurs, loin de l’enfer. La plage, le sable chaud, les bars sur le port, tout cela est bien loin. Les sourires, les regards, les jolies filles, les rêves d’une évasion possible s’envolent. Le quotidien, la routine, le boulot, les embouteillages, les courses au supermarché, tout cela revient comme un camion fou sur une autoroute en contre-sens. La Ford Mustang du héros laisse place à la Clio à crédit des petits matins gris.
« Deep Water » ne fera que confirmer cet état de fait. Nouvelle chanson de la loose, Blues pur, il s’aborde comme un de ces titres téléphonés du genre. Sauf que la mélodie au piano électrique, le refrain sombre, et ces chorus de guitare en forme de cris d’agonie vous partage entre l’envie de reprendre la route pour retrouver utopiquement la belle brune sur cette plage en plein mois de septembre, et rejoindre votre trente mètre-carré en banlieue avec les gosses qui crient, et votre femme qui ce soir, et particulièrement ce soir, vous exaspère de questions aussi creuses que « T’as pris rendez-vous au garage pour le Scénic ? », « Tu as fait les papiers de garde de la petite ? », et « T’as payé la facture EDF-GDF-Suez-Bouygues ? », ponctué d’un « J’ai vraiment l’impression qu’il y a que moi qui tient cette baraque ! ». Il n’est pas improbable que le « Ecoute connasse, tu commences à me gonfler avec tes merdes. Si t’es pas contente, t’as qu’à faire ta valise et te barrer, ça me fera de l’air. » soit au bout de vos lèvres.
Et cela tombe bien, car « Can’t Get On » est cette fameuse réponse. Basé subtilement sur « How Many More Times » de Led Zeppelin, lui-même reprise de « How Many More Years » de Howlin Wolf, Il est un boogie plombé où la wah-wah de Simmonds fait des miracles, rendant ce titre boueux et menaçant à souhait. Il sent pourtant la mort, parce que l’homme cherche ici de l’aide, qu’il ne trouvera pas. Plombé, noir, violent, « Can’t Get On » ne fait pas de quartier. C’est une superbe chanson sur la rage intérieure. Le piano, la slide, la wah-wah, la voix de Rae, la batterie de Farnell, tout est de plomb.
Un vrai bon disque de Blues ne peut pas se finir en happy end. « Born Into Pain » annonce bien la couleur. Terrifiant morceau gorgé de wah-wah, il n’est que douleur contrie. Les rêves, les espoirs, l'amour, tout s’envole. Vous êtes à nouveau sur la route, pour le travail sans aucun doute. Vous regardez sur le bord de l’A6 et l’A7 ces garrigues, ces paysages calcaires, ces vignes, ces bastides. Le solo de Simmonds semble calmer le jeu. C’est presque jazzy. On relativise les choses. Les cuivres vrombissent. Le piano électrique et l’Hammond de Raymond souffle ce rythme chaud sous ce riff noir. La guitare n’est que chorus discrets, hululements, encore, comme une plainte. Simmonds rivalise sur ce disque avec ce que fit de meilleur Peter Green avec Fleetwood Mac période 69-70, celle de « Then Play On », voire « The End Of The Game ». Mais Kim va au-delà. La route, encore. Et les yeux bleus de cette belle brune, son sourire coquin.
Et puis le titre se termine lorsque vous garez votre Megane sur le parking du bureau. Et une nouvelle journée de travail en banlieue démarre. Vivement 18h que l’on se remette « Born Into Pain ».
PS : cet article n’est pas sponsorisé par Renault.
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