lundi 25 mai 2015

RAVEN 1981

"Et ils furent un pas majeur vers le Thrash-Metal donc, en même temps que Venom."

RAVEN : « Rock Until You Drop » 1981

Ils sont de retour. Encore une fois. Raven revient en 2015, avec une nouvelle tournée MON-DIALE et un nouvel album. J'ai de l'affection pour ce trio issu de la vénérable et inénarrable New Wave Of British Heavy-Metal du début des années 80. Raven en fut l'un des splendides seconds couteaux, comme Diamond Head ou Angelwitch. Ils furent de ces espoirs déchus malgré des albums solides, une vraie personnalité musicale, et un ratissage en règle des salles de concerts britanniques puis européennes. Raven fut même de ceux qui, rares, eurent la chance de tenter de percer aux USA comme Saxon ou Motorhead, souvent avec le même résultat décevant.
Ils furent aussi de ceux qui, une fois le contrat avec la major du disque tant espéré, vendirent leur âme au Diable pour sortir une série de disques aux forts relents de hard-mélodique commercial, caressant l'espoir de refaire le coup de Def Leppard en terre yankee. Ils friseront l'auto-parodie et l'auto-complaisance, avant de revenir, trop tard, à leur son à eux.
Car il y eut les passages à vide, les albums finissant dans les bacs à soldeur et les salles de concert de plus en plus petites et de plus en plus vides. Malgré tout, ils conservèrent une base de fans solides qui leur permit d'être encore là, quarante ans après leur formation. Le line-up n'a guère bougé depuis 1979, à part le départ du batteur historique Rob « Wacko » Hunter en 1988, remplacé par Joe Hasselvander, celui-là même qui tape les peaux dans Pentagram depuis 1977. Et plus que jamais, on retrouve les frangins Gallagher (pas ceux de Oasis, hein), John à la basse et au chant, et Mark à la guitare.
Et puis il y a toujours ce bon vieux sens de la déconne, et ce bon vieux Hard-Metal bien bourrin, à part les quelques écarts mentionnés plus haut, entre 1985 et 1987 pour être précis. Et encore, le billet vert ne réussit pas à les débarrasser totalement de leur bon vieux Metal torgniole. Car Raven, c'est du Heavy-Metal d'hommes. Du Metal à base de claques dans la gueule. Ils sont en cela les vrais pionniers du Thrash, avec des morceaux à tiroirs, un chant allant de l'hystérie au grognement, des riffs en cascade, et finalement peu de lignes mélodiques réelles. Que du muscle, pas de gras. Ce qu'ils appelleront avec leur sens du crétin assumé : « Athletic Rock ».
La genèse du groupe remonte à 1974, lorsque les deux frères Gallagher fondent un groupe de reprises hard-rock et progressif, de Budgie à UK en passant par Budgie, Black Sabbath, Led Zeppelin ou Rainbow. D'abord quatuor, les deux musiciens additionnels sont sur des sièges éjectables régulièrement, jusqu'à qu'ils adoptent la formule du trio et trouve en 1979 un batteur au moins aussi fêlé qu'eux : Rob « Wacko » Hunter. Raven écume les clubs et les gymnases, en première partie de formations punk ou new-wave (Stranglers, Motors...) totalement dépassées par l'énergie du trio.
Dés 1978, Raven composent ses propres titres, mais il faut attendre 1980 pour une première trace discographique, le décapant simple « Don't Need Your Money ». Rapidement, Raven impose un son réellement nouveau. Il est le premier groupe à réellement balayé les influences Blues et le lyrisme progressif à rallonge du Heavy-Metal initial. Ils vont en particulier mélanger le côté flashy et épique, tout en riffs tendus de Van Halen et Montrose, et le mélange pop-riffs acérés de The Sweet post-1973. Et puis un petit soupçon de riffs boogie à la Status Quo. On ne le dit jamais assez, mais ces groupes créèrent une formule qui inspira énormément dans le Heavy-Metal, et pas seulement le Glam-Metal californien. Raven y injecta un côté urbain et crade typiquement britannique, inspiré des jolis horizons de la riante Newcastle.
Le trio sut faire monter la sauce à coups de concerts ultra-énergiques et de morceaux disséminés sous forme de simples ou sur des compilations cultes de la nouvelle vague Heavy-Metal anglaise. Signé sur Neat Records, le label de Venom entre autres, ils produisirent leur premier album en 1981 : « Rock Until You Drop ».
Je suis un grand amateur de leurs trois premiers albums en particulier, et celui-ci en tout premier lieu. Il a tout : l'énergie, les morceaux aboutis et rôdés sur scène, le côté rugueux du vrai Rock'N'Roll anglais tel qu'il doit toujours être joué. Il a ce côté braillard qui faisait chier vos parents, et laissent vos enfants totalement consternés devant tant de violence gratuite.
J'ai toujours aimé Raven, de manière générale, j'ai cette affection particulière pour ces trois zozos pas sérieux pour un clou, produisant avec la même régularité leurs lots de baffes sonores en s'éclatant comme des gamins attardés. Et ils furent un pas majeur vers le Thrash-Metal donc, en même temps que Venom. Mais là où le trio de l'Enfer cherchait la violence par le bruit et la fureur, Raven fait preuve d'un niveau technique largement supérieur à la moyenne du Rock de l'époque. Et ils ne sont pas dans l'outrancier total non plus.
Par contre comme Venom, ils tournèrent avec Metallica. Ce fut en 1983 le « Kill'Em All For One Tour », du nom des deux albums respectifs de chaque groupe à l'affiche. En attendant, en 1981, Raven se lance dans un ravage en règle de la Grande-Bretagne, puis du reste de l'Europe.
« Rock Until You Drop » fut enregistré en six jours aux studios Impulse avec le producteur Steve Thompson dans des conditions proches du concert en direct. La rythmique syncopée de la batterie de Hunter, les riffs de guitare ouverts ultra-tendus et frénétiques de Mark Gallagher, et le chant possédé de John Gallagher, dopé par une basse ronflant derrière la guitare, rend l'atmosphère de ce disque totalement furieuse. Et ce dés « Hard Ride ». Cet excellent morceau est encore ancré dans le Hard-Metal plutôt classique, Hunter maintenant un tempo binaire très Rock, et Mark Gallagher râclant le bois de sa guitare dans un riff d'inspiration Status Quo. Mais le chant de John Gallagher et le son de la six-cordes, tous deux ultra-agressifs donnent à ce titre une approche nouvelle, plus moderne. On la retrouve également sur « Don't Need Your Money », dans la même veine. Les tempos abrupts sont à chercher du côté des meurtriers « Hell Patrol », « Over The Top » ou « Nobody's Hero ». C'est sur ce genre de morceau que l'on trouve l'ambivalence de Raven. Les morceaux sont à la fois de structure complexe, presque progressive, et d'une rudesse Rock dans l'interprétation et l'approche similaire à un AC/DC. Le dureté de l'acier et la finesse de la lame en somme.
Avec le medley « Hellraiser/Action », Raven rend hommage à l'un de ses héros : The Sweet. D'ailleurs, c'est grâce à cette reprise que j'ai découvert le quatuor glam anglais. Si les versions originales sont moins mordantes que celles du trio de Newcastle, j'ai découvert les origines de ces riffs serrés, sous tension électrique. On sent les trois musiciens comme des petits fous en jouant ces deux morceaux qu'ils semblent connaître par cœur et avoir déformé à leur guise durant de longs mois de tournée et de répétitions.
Cet album comporte un titre éponyme véritable hymne Rock par excellence. Un tempo médium, lourd, et un refrain à chanter en cœur, une bière à la main et le poing levé. La référence au foot américain ne sera pas la dernière. Wacko Hunter revêtira bientôt des équipements de ce sport, en particulier le casque, qui deviendra son symbole. Il l'utilisera notamment pour frapper ses cymbales, nouveau gimmick scénique à ajouter à la furie des concerts de Raven.
« Lambs To The Slaughter » ouvre la voie au speed-metal par son riff rapide et sa batterie entêtante. L'album se termine sur le tout aussi speed « Tyrant Of The Airways ». Ce morceau de plus de sept minutes rappelle une autre influence majeure de Raven : Rush. Si l'on retrouve l'influence du Rock Progressif anglais sur la construction des morceaux, ici les changements d'atmosphère, le jeu de guitare incisif et lyrique rappelle celui d' Alex Lifeson, du trio canadien. En particulier sur la superbe introduction atmosphérique et ses arpèges à la fois aériens et orageux. Les paroles font référence au second conflit mondial, un des thèmes importants de Raven. Ici il est fait référence au conflit aérien, et notamment la Bataille D'Angleterre. Par les modulations de tempos et de riffs, Raven traduit la frénésie du combat. Sur ce terrain Metal Progressif, le trio tient la route, et Mark Gallagher se montre un guitariste inventif et inspiré, sans esbroufe déplacée.
Ajoutées à l'album original sur les rééditions cd, on trouve trois face B de simples tout simplement démoniaques : « Wiped Out », « Inquisitor » et « Crazy World ». Loin d'être du complément pour collectionneur, il s'agit d'excellente musique, trépidante, véritables chevauchée d'adrénaline dans la lignée de cet excellent album. Le 33 tours prouve sans doute davantage qu'outre être un fabuleux groupe de Rock, Raven a de l'envergure et de l'ambition.
« Rock Until You Drop » ouvre la voie à quatre années de magie musicale, la bande des frères Gallagher va aligner trois albums d'excellente facture et un double live enregistré sur leur tournée US de 1983. Ce qui devait leur ouvrir la voie vers le succès commercial notamment en terre américaine, plus ouverte au Metal en ce milieu des années 80, sera finalement le pinacle du groupe. Rapidement dépassé en brutalité sonore, mais trop hard pour les oreilles du grand public, Raven restera un éclaireur magique mais sous-estimé. Avec ce superbe premier disque, il n'est surtout pas à négliger. Et malgré son aspect débraillé et furibard, il n'est surtout pas à prendre musicalement à la légère.
tous droits réservés


samedi 16 mai 2015

CACTUS 1971

"Cactus, c'est la bonne adresse que l'on se refile entre camés de la musique heavy, et ce depuis les années 70."
CACTUS : « Restrictions » 1971

Appel au calme, tolérance, le vivre ensemble, le respect.... les hommes politiques et les médias n'ont que cela à nous rabâcher, avec leurs tronches de premier de la classe. Et puis ces phrases philosophiques à deux balles que l'on se refile sur les réseaux sociaux, maximes de moralité de supermarché qui fleurent bon la démagogie mais bien peu le bon sens. Et pendant ce temps-là, continuent la guerre au Moyen-Orient, le terrorisme, et la violence que l'on ne voit pas, sociale, qui exploite, qui délaisse des millions de gens en France et dans le monde, pour une poignée de connards plein aux as et qui n'en ont jamais assez. Vous savez, les mêmes qui appellent à la tolérance et au respect de la liberté. Ras le bol de cette moralité de merde, deux coups de poing dans la gueule oui !
Ca se réglait comme ça dans les manifs, entre communistes et fachos, ou dans les bars du Sud de la Floride ou du Texas. Deux claques et le débat était réglé. Il semble que certains fins limiers de la bonne parole en mériteraient, des coups de latte, ça permettrait de remettre les choses en place.
Mais comment peut-on tenir un discours aussi radical, aussi violent ? La parole et la discussion avant tout ! Le débat ! La violence ne résout rien ! Ben si, disons que parfois un rapport de force s'impose. L'homme est ainsi fait, des bonnes paroles plein la bouche, et pas un sou de moral en poche.
En 1971, dans le milieu du Rock, le respect de la parole donnée était le ciment essentiel de tout accord, la plupart verbaux. Peu de contrats écrits, une poignée de main suffisait. Et le promoteur qui avait le malheur de se tirer avec la caisse et de se faire rattraper en prenait deux sur le coin de la pomme. Pareil pour les vols de guitares. Toujours un fan pour balancer le voleur, les roadies se chargeaient du reste. Tim Bogert et Carmine Appice connaissaient bien cela, eux qui venaient de New York, et dont le groupe, Vanilla Fudge, était en fait managé par la mafia locale. Le quatuor bénéficiait ainsi par magie de matériel neuf, de contrats et de tournées de prestige avec les plus grands, eux qui étaient totalement inconnus en 1967 à leurs débuts.
Tim Bogert et Carmine Appice étaient la section rythmique la plus redoutable de la fin des années 60, les terrifiants rivaux des Keith Moon-John Entwistle des Who et John Bonham-John Paul Jones de Led Zeppelin. Il fut un temps pressenti que le nouveau Jeff Beck Group serait monté avec eux, mais Beck, fan de vitesse, s'écrasa contre un arbre avec sa voiture de sport en 1970, l'écartant de la scène pour une année particulièrement cruciale pour la musique. Le futur Group ne vit donc pas le jour,et Bogert et Appice prospectèrent des musiciens pour former un gang de Heavy-Blues. New York s'allia alors avec la redoutable Detroit, Motor-City. Jim MacCarty, guitariste des Detroit Wheels de Mitch Ryder, et Rusty Day, chanteur des Amboy Dukes de Ted Nugent, rejoignirent la brutale paire de Long Island.
Un contrat fut rapidement signé avec Columbia, et Cactus publia deux albums redoutables, réponse américaine à Humble Pie et Led Zeppelin. J'aurais pu commencer par ces deux disques tant ils sont bons, mais mon cœur me dicta de commencer par ce troisième et ultime disque du quatuor original. Et ce pour la présence de deux fantastiques morceaux : « Restrictions », et « Evil » de Howlin' Wolf. Je découvris Cactus via une compilation, il y a bien des années, leurs albums n'étant pas réédités. Et le premier morceau était ce « Evil ». Je fus tellement impressionné par ce morceau qu'il resta en écoute en boucle pendant plusieurs jours. Comme « Whole Lotta Love » de Led Zeppelin. Une claque dans la gueule, une vraie. Moi qui était à la recherche de musique tord-boyaux virile, je fus judicieusement servi.
Cactus, c'est la bonne adresse que l'on se refile entre camés de la musique heavy, et ce depuis les années 70. Avec Johnny Winter, Montrose ou Budgie, ils faisaient partie de ces gangs que l'on conseillait quand les albums de Led Zeppelin et Humble Pie ne suffisaient plus. De ces disques de hard-blues fulgurants, d'une évidente qualité, d'une puissance incommensurable que tous ceux qui vibraient aux sons des guitares qui rugissent et des batteries qui percutent savaient apprécier à leur juste valeur. C'est ce qui réunit Bernie Bonvoisin et Norbert Krief pour former Trust en 1977.
Dans les encyclopédies hard et heavy, les mots pour décrire la qualité de leur hard-blues et l'ampleur de l'injustice de leur insuccès ne se comptent plus. Pour les dandys new-wave et punk branchouilles, par contre, ce sont de bons gros ploucs barbus qui n'ont rien compris à l'essence du Rock engagé et artistique. Mais comme à la vue des premiers, les seconds leur auraient enfoncé la tronche à coups de bottes, on peut comprendre le léger décalage culturel.
Cactus est un fantastique quatuor, composés de quatre musiciens d'exception, et à la hargne décuplée par la haine qu'ils se vouent en cette fin 1971. Car après deux années ensemble, la plupart du temps sur la route ou en studio, les musiciens ne se supportent plus. Et en particulier MacCarty et Bogert. Le guitariste est au bord de la combustion totale. Il n'en peut d'abord plus du jeu du bassiste, qui ne fait pas que suivre la ligne rythmique, mais improvise en permanence, un peu comme Jack Bruce dans Cream. Et il le fait en jouant plus fort que MacCarty. Le guitariste doit donc assurer rythmique et solos sur scène. Afin de l'aider dans cette tâche, un second guitariste, Ron Leejack, est embauché, mais cela ne marche guère, l'égo et le brio de MacCarty ne laissant guère de place à un second bretteur. Il fera une modeste apparition sur ce disque à la slide sur « Token Chokin' ».
Le guitariste ne supporte également plus l'insuccès du groupe qui donne tout, et la consommation grandissante de came de Rusty Day, qui de surcroît tient des discours hautement politiques qui commencent à gêner sérieusement la police. Au point que tout le monde est parti en taule à l'aéroport en août pour la traditionnelle possession de dope, prétexte à une petite mise au frais, Appice et Bogert n'étant pas en reste non plus. C'est donc un groupe au bord du gouffre qui entre en studio à l'Electric Lady de New York.
Pourtant c'est Jim MacCarty qui va piloter ce nouvel album. En vrai puriste du Blues, il va faire en sorte que Cactus se recentre sur ses fondations, et donnent le meilleur de lui-même. La musique reprend donc sa place, le but étant d'enregistrer avec le feeling et l'inspiration du moment. Et la magie va opérer. L'ambiance est même excellente en studio. Day écrit d'excellents textes d'inspiration politique, et les trois instrumentistes improvisent à l'envie pour accoucher de très bons morceaux, dont certains s'avèrent plutôt ambitieux et très écrits, comme « Restrictions » ou « Guiltless Guilder ».
Le titre éponyme est ce que Cactus a enregistré de plus proche de Led Zeppelin en terme d'écriture et d'intensité. Mais le quatuor américain était un gang plus brutal, avec des influences américaines propres à leurs origines : Blues, Country, Rythm'N'Blues. Et contrairement à Led Zeppelin, Cactus n'avaient pas vécu cela de loin, mais de très près, soit au bord de la scène en spectateur, soit directement comme musiciens dans les formations du genre. Ainsi, MacCarty avait joué avec les Detroit Wheels. Bogert et Appice avaient tourner deux fois à travers les USA avec Vanilla Fudge aux côtés du Jimi Hendrix Experience. Rusty Day chantait dans des groupes de Blues, et fréquentait les White Panthers du MC5. Bref, un cocktail détonnant et pas chiqué, là ou les hommes du Led Zeppelin avaient vécu cela en petits britanniques érudits, certes passionnés, mais ayant vu tout cela par procuration via le British Blues Boom. Ils ne découvrirent cette richesse musicale qu'en venant tourner aux USA. Et ne négligeons pas l'apport incontestable du Folk britannique sur la musique de Page, totalement absent chez Cactus. Led Zeppelin alla donc plus loin en terme d'écriture, là où Cactus un quarteron de dangereux boogiemen proches de leurs racines musicales. En cela, Cactus était un peu entre le Zep et Humble Pie, ce dernier s'étant lui aussi perdu à vouloir trop coller à ses inspirations soniques initiales.
Pour l'heure, MacCarty est conscient que jouer du bon hard-blues puissant ne suffit plus dans un univers musical envahi par le Rock progressif et le Hard-Rock de Led Zeppelin comme de Deep Purple. Il va donc tenter de pousser son groupe à offrir un disque à la fois proche de ses valeurs, et montrant davantage d'ambition artistique. Ce qui sera le cas. MacCarty utilise notamment sur cet album sa technique guitaristique à fond afin de créer des sonorités originales. Il fut d'ailleurs considéré comme le Hendrix de la Les Paul Gibson. En particulier en la branchant dans un petit ampli Fender, lui même ré-amplifié sur une rampe de Marshall 100W. Ce qui lui permettait d'obtenir ses chorus saturés et aigus, modulant à l'envie les notes de sa guitare sans perdre en précision, ce qui était le cas de la Les Paul, au gros son gras et au sustain naturel excellent pour obtenir un gros son, mais manquant un peu de précision pour les esthètes un brin maniaques comme Ritchie Blackmore, Jeff Beck ou Rory Gallagher. MacCarty sut garder la puissance de la Gibson, tout en obtenant de la précision dans les aigus quand il le désirait. Mais même sans son petit ampli l'homme était un sacré virtuose, au feeling Blues désarmant, dans la lignée d'un Johnny Winter.
Que dire de la section rythmique, absolument increvable. Bogert, en fait un chouïa moins niveau esbrouffe, et se fond mieux dans les morceaux, ce qui apportent de la profondeur. La voix rugueuse de Rusty Day, et ses interventions d'harmonica, en fond un frontman sous-estimé, mais qui marqua les esprits, puisque l'homme fut un temps pressenti pour remplacer l'irremplaçable Bon Scott en 1980. Mais ses déboires judiciaires pour trafic de drogues, qui le conduirent d'ailleurs lui et son fils dans la tombe à la suite d'une fusillade en 1982, stoppèrent son intégration. Mais il était clair que son talent au sein de Cactus avait attiré l'oreille des frères Young lorsque Bon Scott leur fit découvrir les disques du quartet américain à la fin des années 70.
« Restrictions », donc, ouvre le disque. C'est un mid-tempo puissant, montant en puissance, alternant tension et électricité. Les choeurs sur le refrain sont excellents, car caractéristique intéressante, Bogert et Appice tenaient le micro au sein de Vanilla Fudge, et sont donc des chanteurs compétents. MacCarty s'offre une petite embardée à la slide sur le pont central. Le solo le voit incorporé en soutien un riff funk du plus bel effet. « Token Chokin » est pour ma part le point faible du disque, un country-blues un braillard pas suffisamment inspiré par rapport au reste du disque, bien que plaisant.
« Guiltless Glider » est une longue pièce de presque neuf minutes, lourde, noire, menaçante, qui voit Cactus varier les tempos et les climats, tout en tension, lançant chaque musicien dans des improvisations inspirées. On y trouve un peu l'influence de certaines jams brillantes du Allman Brothers Band, comme « Whipping Post ». MacCarty se montre impérial de bout en bout.
Et puis vient l'obus du disque : « Evil ». Cette reprise déstructure le morceau de départ, et vous colle à chaque coups de caisse claire de grandes taloches dans la gueule. Appice abat un travail de percussion foudroyant : roulements de toms, arrêts et redémarrage du tempo. MacCarty et Bogert repartent au quart de tour, et Rusty Day hurle le Blues comme le vieux loup. Le solo suraigu de guitare vous vrille avec délice les oreilles, véritable tornade sonique, avant de vous broyer en calcinant le riff. C'est pour ma part la meilleure reprise de ce morceau de toute l'histoire de la musique, lui conservant à la fois son identité et lui donnant toute la furie nécessaire.
On trouve aussi les fameuses influences country-Blues typiques des groupes américains du genre : le cool « Alaska » ou « Mean Night In Cleveland » et son bel harmonica en sont les preuves caractéristiques. Quant à « Bag Drag » et « Sweet Sixteen », ce sont deux boogie puissants et moites, typiques du Heavy-Blues de l'époque, en droite ligne de Mountain, ZZ Top et Humble Pie. Cactus était à ce niveau, mais n'aura pas réussi à accéder à ce statut, sans doute à cause des textes engagés contre la Guerre du Vietnam de Rusty Day, pas très bien venues en cette époque Nixonienne.
La tournée qui suit la sortie de l'album fut l'occasion d'enregistrer plusieurs gigs en vue de réaliser un album live. Le groupe connaissant un fort succès sur scène, et Humble Pie et le Allman Brothers Band ayant percé dans les charts grâce à ce type d'albums, Cactus se dit qu'il s'agit là de sa dernière chance, après les ventes encore modestes de « Restrictions ». Mais les tensions sont à nouveau telles que Jim MacCarty et Rusty Day s'en iront début 1972, juste avant une prestation au Mary Y Sol Festival de Puerto Rico. Bogert et Appice assemble un nouveau line-up une semaine avant le concert, et une partie de cette prestation permettra d'assembler le très bon « Ot'N'Sweaty ». Mais cela est déjà une autre histoire. A ce moment-là, le quatuor magique qui produisit « Restrictions » et ses deux prédécesseurs avait disparu, et avec naissait la légende d'un groupe injustement mésestimé.
tous droits réservés  

vendredi 8 mai 2015

STATUS QUO 1972

"En 1972, Status Quo est à un tournant de sa carrière."
STATUS QUO : « Piledriver » 1972

Les mains dans les poches, en visite sans but réel dans l'espace culturel d'une grande surface, je déambule dans les rayons dits de variétés internationales. Mes yeux se perdent sur les pochettes d'albums aussi abscons qu'étrangers pour ma culture personnelle. Bien qu'ayant gardé plus ou moins de bon gré une oreille sur ce que le merveilleux monde de la musique des années 2010 peut offrir, je reste totalement hermétique à ces sonorités électro-pop-dance creuses.
Mon regard se fixe un instant sur les rééditions des albums de Led Zeppelin, graals absolus et ultime sensation musicale issue des merveilleuses seventies, alors que les derniers vétérans de cette époque s'enfonce dans une douce retraite bien méritée. Le milieu de la musique, lui, cherche tant bien que mal à raccrocher ses noms modernes à ce prestigieux passé, de manière totalement artificielle, sentant bien que la connexion ne se fait pas, ou mal. Lorsque Jimmy Page annonça qu'il s'était lancé dans la réédition ultime du catalogue de SON groupe, Led Zeppelin, avec inédits et tout, le monde du Rock frissonna un instant. Toutes les espérances mues en fantasmes refirent surface, des fameuses bandes de concerts miraculeux à de fabuleux morceaux totalement inédits, au moins aussi fabuleux que ceux des disques originaux. La déception fut grande lorsque l'on découvrit que Page n'avait pas grand chose sous la main. Rien de complètement inutile, forcément, mais rien de brillantissime non plus. A part cette bande enfin remasterisée du concert de l'Olympia en 1969, et un blues, on ne découvrit que des versions de travail, des essais, rien de bien extraordinaire au final. Led Zeppelin utilisait toute sa matière en studio. Et les bandes de concerts avaient bel et bien disparues suite à leur vol et leur dispersion auprès des bootleggers par l'ex-femme de Page lorsque ce dernier nageait en pleine héroïne dans les années 80. Pourtant, la réécoute d'une version propre, totalement mixée par M. Page de « Physical Graffiti » me tenta bien, un peu par dépit, parce que je n'en avais qu'une pauvre version cd des années 90 au son moyen. Et puis je suis tombé sur ce disque.
Ou plutôt sa version dite deluxe : beau coffret cartonné, et deux cds, dont la plupart du temps de vrais inédits et des enregistrements en concerts majestueux. En l'occurrence ici des séances à la BBC absolument impeccables et trépidantes. Et qui plus est, il s'agissait d'un disque capital pour moi. Sa réécoute me fit presque pleurer, tous ces souvenirs qui remontèrent à la surface. Ce fut ma découverte du vrai Status Quo, pas celui de « In The Army Now ». Ce fut aussi celui de l'univers du disque vinyl avec ses grandes pochettes cartonnées bourrées de couleurs vives et de photos de concerts un peu floues, le son chaud, et du coup, la découverte que le son des rééditions en cd de l'époque était épouvantable. Je me souviens des recherches dans les grands bacs de disques, la poussière du temps sur les tranches, l'odeur, tout ce monde merveilleux de musique qui s'ouvrait à moi. Ce fut aussi les émissions de Rock avec des copains sur une petite radio locale, une fois par semaine et en nocturne, une fois par mois. Nous passions du Rock, du Blues, de la Soul, et finissions la nuit vers 6h, seuls dans les studios, avec un grand verre de Jack Daniels, toujours le dernier, en écoutant ce « Pildedriver » à fond la caisse. Là, dans la ville de mon adolescence, je me souvenais de tout cela, de ces bons moments, partis, enfuis avec le temps, et nos vies qui se sont séparés à tous, avec plus ou moins de fortune. Le disque dans les mains, à la vue de mes déboires actuels, je me remémorai que finalement, j'en avais fait des choses sympas durant mon existence. Et qu'il était temps que je ressente à nouveau le plaisir qui était celui de ces années-là en retrouvant un peu d'insouciance et de sérénité. Les retrouvailles avec ce bon vieux copain qu'était « Piledriver » me firent un bien immense, entre nostalgie et plaisir intact. Parce que je les connais par cœur ces morceaux, entendus des milliers de fois en voiture, en soirée avec des amis, ou seul chez moi. Le plus dur fut le constat, au travers de l'émotion intacte de son écoute, que j'étais dans un état psychologique déplorable.
Celui des membres de Status Quo en 1970 était sûrement le même. En 1968, Status Quo est un quintet anglais composé de Francis Rossi et Rick Parfitt aux guitares et au chant, d'Alan Lancaster à la basse et au chant, de John Coghlan à la batterie et d'un pianiste du nom de Roy Lynes. Ecumant les clubs pop depuis 1962 sous le nom des Spectres puis de Traffic Jam, le groupe se stabilise en 1967 et signe un contrat chez Pye Records. Il publie un premier album au nom imprononçable , « Picturesque Matchstickable Messages From The Status Quo » en 1968, et un premier single, « Pictures Of Matchstick Men ». Ce dernier devient un hit en Grande-Bretagne, ainsi qu'en Europe du Nord, ce qui permet à Status Quo de devenir célèbre après des années d'efforts. Le second simple, « Ice In The Sun », suit le même chemin, et donc, c'est confirmé, le quintet est une star de la pop.
Car Status Quo pratique un rock psychédélique sympathique et planant, dans la lignée, presque dépassée de la scène anglaise de l'époque : Move, Beatles, Traffic, Yardbirds. Sauf que les ventes d'albums ne suivent pas vraiment, et la publication du second album, « Spare Parts » en 1969, dans la même tonalité, est un four commercial et artistique cuisant. Status Quo, dont l'équilibre musical était déjà fragile, devient totalement paria sur la scène musicale de son pays. Impossible de trouver des concerts, et Pye ne fait rien pour arranger la situation, trop occupé à encourager ses poulains les plus brillants : les Kinks.
Courant 1970, Status Quo jettent les chemises à jabots et la laque lissante à la poubelle.
Progressivement, le groupe se refait un répertoire, à base de ce qu'ils aiment vraiment : du Rock et du Blues. La reprise de « Roadhouse Blues » des Doors ou « Lazy Poker Blues » de Fleetwood Mac remplacent les vieux tubes pop éculés. Cette direction ne sied guère à Lynes qui s'en va fin 1970, et le quatuor mythique est désormais en place.
Afin de faire connaître son nouveau répertoire, un nouvel album est rapidement enregistré : « Ma Kelly's Greasy Spoon » en 1970. Brillant à bien des points, il voit les musiciens se lancer dans la composition de morceaux originaux, avec une prédominance pour le duo Francis Rossi /Bob Young (qui joue de l'harmonica en studio) et Alan Lancaster. Status Quo joue partout où il le peut, et les concerts commencent à affluer. « Dog Of Two Heads » paraît en 1971 et entérine la direction musicale du quatuor : un blues-rock teigneux et efficace, ce que l'on qualifiera pour résumer de hard-rock boogie. Car si les musiciens ne sont pas de grands virtuoses, ni de fabuleux chanteurs, ils sont un groupe soudé, à l'énergie et à l'enthousiasme débordant.
En 1972, Status Quo est à un tournant de sa carrière. La liste des concerts se remplit, la vente des disques redécolle, en particulier grâce à deux simples, « In My Chair » et « Down The Dustpipe ». Mais Pye ne montre toujours pas un enthousiasme débordant à les soutenir, et ce depuis que le band était au plus bas. De plus, l'image de la maison de disques brasse trop de mauvais souvenirs pour les quatre musiciens, qui voit en elle tout le symbole de plusieurs années de galères douloureuses. Un concert furieux en pleine journée, faisant trépigner de plaisir des milliers de gamins sous la pluie, au festival de Reading en août 1972, convainc Vertigo de signer Status Quo.
Dés le mois de novembre, le Quo s'installe en studio et enregistre huit morceaux, dont beaucoup figurent déjà à la set-list du groupe depuis plusieurs mois et rendent fous le public. Expérimenté sur les deux précédents disques, ils vont appliquer une formule musicale qui va devenir leur marque de fabrique absolue : des riffs à base de blues, joués à plein régime, soutenus par une basse râpeuse et une batterie puissante, appuyant le tempo comme un marteau sur une enclume. Cette formule confine à l'entêtement possédé. Elle est par ailleurs en fait déjà éprouvée par un immense pionnier du Blues : John Lee Hooker, et ses boogies rageurs qu'il plaque de ses gros doigts cabossés par le travail de la journée, frappant du pied le plancher pour marquer le tempo. Status Quo reprend ce son magique, et lui injecte toute la folie du Rock anglais. Francis Rossi brode des chorus sur ce tapis musical rageur. Trois chanteurs se partagent le micro, en solo ou en choeurs, avec des registres plus ou moins similaires, un peu plus rugueux pour Lancaster. Finalement, on y retrouve en partie ce qui fit le succès des Beatles au milieu des années 60 : des mélodies entraînantes, et des voix claires chantant à l'unisson sur les refrains, comme sur leur premier vrai tube : « Paper Plane ». Si ce n'est que les guitares suspendues sous le bras et les petits costumes français ont été remplacés par des Fender Telecaster et des Gibson Junior portés sur les genoux, et des jeans et des tennis crades.
Car Status Quo revient de l'Enfer, d'un sacré merdier. Alors les fringues, c'est les leurs de tous les jours, et les mêmes que celles du public. Un public ouvrier, prolétaire, qui a besoin de se défouler sur de la musique simple et efficace. Pas de chichis, pas de synthétiseurs de frimeurs, pas de capes sur scène. Quatre mecs chevelus, des amplis, des guitares, des caisses de batterie toutes râpées et c'est parti. Et cette fois-ci, Status Quo veut un disque qui est le vrai reflet de ce qu'ils aiment et de ce qu'ils jouent tous les soirs sur scène. « Piledriver » sera ce disque. Un concentré d'énergie, certes, mais pas dépourvu de nuances et d'une certaine nostalgie. Ils n'ont certes en moyenne que vingt-quatre ans d'âge, mais déjà de la bouteille, et un paquet de déconvenues au compteur. Le business, la frime, ils ont connu, ils savent que tout cela n'a aucun intérêt. Il faut rester proche de l'os du Rock. Les concept-albums, ce ne sera pas pour eux. On leur reprochera beaucoup de toujours jouer plus ou moins la même formule musicale durant les dix années à venir. Pas de surprise, pas d'ambition. Mais lorsque celle-ci sent le concept ampoulé sur le Roi Arthur avec orchestre symphonique, il est parfois bon de garder quelques repères. Comme AC/DC et Motorhead plus tard, Status Quo, restera jusqu'au début des années 80 le repère vital d'un rock énergique, simple et sans fioriture. Un truc que même les Punks peineront à faire plus de deux ans. Et puis en fait, les Ramones deviendront un peu les Status Quo du Punk.
Finalement, on pourrait aussi dire que le genre boogie un peu rétro est dans l'air du temps en 1972 : le glam-rock explose avec Sweet, T-Rex et Slade. Des thèmes simples, inspirés du rock'n'roll des pionniers, un peu braillards, un peu paillards, sous un vernis de paillettes et d'ambiguité sexuelle. Mais Status Quo est plus à chercher du côté de Creedence Clearwater Revival, pour son côté Blues prononcé, son goût pour une certaine brutalité musicale, qu'il démultiplie par rapport au quatuor américain en poussant les amplis à fond la caisse. Une formule magique donc, qui va briller durant une décennie, et continue à faire taper du pied les anglais, dont Status Quo est une institution musicale. Le Prince Charles en est même un fan au point de les avoir exigé en ouverture du Live Aid en 1985 alors qu'ils étaient séparés depuis quelques mois. Un partie du Rock anglais tentera de poursuivre cette voie ouverte par le Blues anglais, à commencer par les Stones post-1968, mais aussi les Faces ou Ten Years After. Pourtant aucun n'atteindra un tel degrés d'efficacité et d'apparente simplicité qui sera celui de Status Quo. Et qui en fera son héritier le plus sous-estimé musicalement parlant.
Mais nous n'en sommes pas là. Nous sommes en 1972, où tout commence vraiment. Où Status Quo prend pleinement vie. Un riff rugueux, débraillé, et puis une rythmique médium lourde envoie « Don't Waste My Time » dans les enceintes. Un blues-rock nerveux, puissant, lourd. Lancaster, Coghlan et Parfitt enfoncent le pieu du riff blues. Son écoute en est presque une caricature, tellement elle est évidente. Mais elle est parfaitement irrésistible. Et c'est cela qui est très fort chez Status Quo. Rossi ne chante pas comme un bluesman, le gosier embrumé par la cigarette et le whisky, ni comme un hurleur de hard-metal comme Plant ou Rodgers. Il a cette voix claire, simple, juste, sympathique. Elle contraste fort justement avec la rudesse de la musique, implacable.
« Oh Baby » qui suit continue à me faire rire à chaque fois que je la chante à tue-tête dans la voiture. Un tempo rapide, une atmosphère un peu blême de rupture, et puis il y a ces voix qui chantent ce texte un peu con, avec une poignée de mots. Comme un pauvre type qui vient de s'engueuler avec sa gonzesse, et qui ne sait pas trop quoi dire pour se rabibocher sans avoir l'air trop niais. J'essaie d'être gentil, mais vue la musique, c'est la locomotive à vapeur à l'intérieur. Entraînant, furieux, il permet à Rossi de décocher un superbe solo avant que les deux guitares et la basse jouent un thème entêtant en fin de refrain. Le petit texte est d'ailleurs répété deux fois, comme un leitmotiv désespéré.
Suivant ces deux furieux morceaux de boogie furieux, Status Quo entame un morceau en forme de blues aux réminiscences un peu pop : « A Year ». Un arpège de guitare, quelques petites notes en chorus, quelques roulements de toms, et le constat triste d'une année enfuie. Le morceau s'accélère, permettant aux guitares de s'envoler tout en retenue mélancolique. « Unspoken Words » est un vrai Blues au sens propre du terme, comme les groupes anglais du British Blues Boom le pratiquaient. Un accord simple, une guitare soliste, un tempo discret, presque jazz. Il rappelle d'ailleurs « Need Your Love So Bad » de Fleetwood Mac, les cordes en moins, la rudesse prolétaire en plus. Se mesurer au toucher légendaire de Peter Green n'est pas une mince aventure pour Rossi, qui s'en sort avec talent et modestie. J'aime bien la tristesse contenue de ce morceau, qui fait partie de ces titres qui m'ont vraiment fait apprécier le Blues à sa juste valeur, comme le fit « I Can't Quit You » sur le « I » de Led Zeppelin.
Retourner le disque vinyl permet de repartir avec « Big Fat Mama ». Status Quo franchit une étape supplémentaire dans son approche du blues-rock boogie. Si les deux premiers morceaux étaient relativement proches de ce que l'on pouvait écouter avec des formations comme Savoy Brown, « Big Fat Mama » est la démonstration de l'énergie démoniaque qu'insuffle ce groupe à cette musique séculaire et presque archi-usée en cette année 1972. Démarré du Blues et du Jazz à la fin des années 60, il était parti dans de grands délires progressifs. Le Glam était une sorte de retour aux sources du Rock'N'Roll pionnier, qui fera en partie émerger le Punk. Mais il était bien trop ambigu pour plaire à un public masculin qui lui préférerait plus tard le Pub-Rock de Dr Feelgood ou du Tyla Gang. On se rend compte finalement combien Status Quo a su être un héritier, un catalyseur, et un repère dans la musique Rock anglaise, malgré toutes les modes qui se suivirent sur toutes les années 70. On retrouve cette finesse pop comme sur « All The Reasons », dopé par l'énergie et l'électricité des guitares, et la férocité du blues-rock séculaire, aussi rabâché que jouissif.
« Roadhouse Blues » des Doors clôt ce magnifique disque de manière magistrale. Je l'ai toujours trouvé supérieure à la version originale, comme l'était celle de « Highway 61 Revisited » de Bob Dylan par Johnny Winter. Il y a cette folie supplémentaire qui emmène l'auditeur dans une sorte de transe totale durant sept minutes et trente secondes. On sent ici toute la cohésion des musiciens, et le travail effectué sur ce morceau durant les années de pain noir. Chacun se répond en une fraction de seconde à chaque petite improvisation, en un regard. Les guitares de Parfitt et Rossi sont en harmonie sur les chorus et sur les riffs. Lancaster et Coghlan jouent une rythmique impeccable, au point de confondre toms et cordes de basse. Ces dernières qui claquent de plus en plus forts au fur et à mesure du morceau. Bob Young abat un travail miraculeux à l'harmonica, se transformant en une troisième guitare. La tension monte progressivement, chaque instrument se répondant par de petites notes et coups de caisses en forme de défi. Le final explose avec Lancaster qui hurle « Save Our City », ployant sous la colère de cette ville de province moite gangrénée par l'ennui. On y sent autant la détresse des banlieues d'Oakland que de Sheffield.
Status Quo tient avec « Piledriver » son album, celui qui va tout déclencher. Il va se classer à la quatrième place des charts anglais, et le simple « Paper Plane », 8ème. Ce succès va permettre au groupe de tourner dans toute l'Europe, car cette dernière succombe aussi, notamment en Allemagne et en France. Cette dernière, qui avait deux trains de retard sur la musique Rock, avait enfin entre les mains un groupe capable de lui faire comprendre le message. La simplicité des musiciens, à des années-lumières des rock-stars frimeuses, fera le reste. « Piledriver » offrira un premier échappatoire à un public banlieusard qui s'emmerde en écoutant Claude François et Michel Sardou.
tous droits réservés

samedi 2 mai 2015

FASTWAY 1984

"On ne dira jamais assez de bien de ce gaillard, aussi modeste que doué."

FASTWAY : « All Fired Up » 1984

Lorsque Fast Eddie Clarke quitte Motorhead au mois de mai 1982, on ne donne en réalité pas cher de sa peau. De Motorhead non plus d'ailleurs, car le trio était tellement charismatique grâce à ses trois musiciens, et Clarke avait tellement contribué au son du trio grâce à sa guitare coupante aux soli gavés de kérosène qu'il semblait bien difficile de poursuivre sans lui. Mais Lemmy Kilminster était un sphinx qui renaquit déjà après s'être fait saqué comme un malpropre d'Hawkwind. Donc lui et son groupe allait rebondir, et c'est d'ailleurs ce qu'il fit, non sans quelques difficultés quand même.
Mais Fast Eddie Clarke.... il avait bien un projet avec Pete Way, qui s'appellerait Fastway, mais franchement, on demandait à voir. Et ça ne serait sûrement pas aussi furieux que Motorhead. Parce que Pete Way est un furieux, oui, pour faire la bringue, mais niveau musique, on est plutôt dans le hard-rock mélodique. Attention, le meilleur, celui de UFO, mais bon, comparé au trio à Lemmy, ça risquait quand même d'être plus classique.
Bon, il fallait bien se faire une raison aussi : rien ne pouvait taper aussi fort que Motorhead. Et Clarke était parti sur les rotules, à la fois exaspéré des collaborations avec les petites copines de Lemmy, et épuisé par cinq années non stop sur la route à produire autant d'excellents albums studios et un live de légende. Donc l'homme allait sûrement vouloir aspirer à autre chose qu'à jouer du heavy-metal de furieux. Clarke était un immense fan de Clapton, et en particulier des Bluesbreakers et Cream. Son envie était donc de former un groupe de hard-rock bluesy tout simple.
Est-ce le terme bluesy qui fit fuir Pete Way ? A moins que ce soit l'opportunité de gagner un maximum de pognon en assurant la basse pour la tournée mondiale de Ozzy Osbourne, tout en s'arsouillant la gueule gratos tous les soirs en bonne compagnie. La rencontre entre Fast Eddie et Pete était pourtant marqué du destin : les deux hommes venaient de se faire virer du groupe de leur vie respectif dans l'animosité la plus totale, et aussi parce que leur caractère commence à être particulièrement difficile à cause de leur consommation d'alcool. Complètement paumés, ils décident d'unir leurs forces.
Donc, Fast Eddie Clarke poursuivit sous le patronyme Fastway. Il avait embauché Dave King au chant, un jeune chanteur prometteur au timbre à la fois râpeux à souhait, et montant facilement dans les aigus. Après, Clarke réunit de vieux briscards issus de la scène Hard-Blues du début des années 70, des copains croisés sur la route : Jerry Shirley fut le premier, ancien batteur du mythique Humble Pie. C'est un fan de UFO qui suggère à Way que Shirley est dans les parages en tant que... peintre-décorateur. La première rencontre se fera donc au pub (logique), avec l'ancienne légende des fûts d'Humble Pie la figure couverte d'éclaboussures de peinture. Le second fut Charlie MacCracken, ancien bassiste de Taste, le trio de Rory Gallagher, recruté après la première tournée anglaise. Doté de cet équipage, Fastway met en boîte un premier album éponyme en 1983 qui connaît son petit succès grâce à son premier simple : « Easy Livin » qui se classe 43ème dans les charts britanniques, et 31ème dans les charts américains. Fort de cet excellent démarrage commercial, Fastway s'engage dans une longue tournée américaine en première partie d'AC/DC, Saxon, Scorpions, ou Iron Maiden. Et alors qu'il n'arriva jamais à percer aux USA avec Motorhead, le voilà reconnu à l'aéroport parce que la face B de « Easy Livin », « Say What You Will » tourne en boucle sur MTV.
Les critiques du premier disque sont excellentes, au point que l'on compare Fastway à un nouveau Led Zeppelin, en particulier à cause du timbre de King, proche de celui du Robert Plant de 1971. Et finalement, les comparaisons ne s'arrêtent pas là. Comme Led Zeppelin, il s'agit d'un assemblage de musiciens doués ayant déjà un passé musical significatif, ayant fait parti d'un groupe connu, ou ayant participé à de multiples sessions d'enregistrement avant d'aboutir à ce nouveau groupe. Seul le chanteur était à chaque fois l'inconnu de la bande. Les deux groupes pratiquait un Blues-Rock bruyant et hurleur. Seule vraie différence, Fastway n'était pas pionnier comme le fut Led Zeppelin, et ne bénéficiait donc pas de l'aspect nouveauté musicale. Mais personnellement, il n'aurait pas été improbable qu'un nouvel album du quatuor de Jimmy Page en 1981 s'attelant à revenir aux origines Blues aurait donné une musique proche de Fastway. Et c'est sans doute encore plus vrai avec ce second disque.
J'avais déjà dit dans ces pages tout le bien que je pensais de ce premier opus, mais je dois avouer avoir une préférence pour ce second essai. Plus abouti, bien écrit, il est également plus blues.D'aucun pense que la production d'Eddie Kramer, l'ancien ingénieur du son de Jimi Hendrix, qui officia déjà sur le premier disque, n'était pas la hauteur. Personnellement je la trouve brute, et va plutôt bien à ce disque simple et sans fioriture. Curieusement, le disque est souvent rejeté par les amateurs, car considéré comme bâclé. Il n'en est en fait rien. Pas exempt de défauts pour autant, il fut aussi vite emballé que le premier, et dans des conditions toutes aussi rapides. Ce qui peut paraître un défaut permet à Fastway de garder sa spontanéité et une rudesse sonore qui lui sied à merveille.
Car « All Fired Up » est comme son prédécesseur, un disque de hard-blues tout simple, mais avec un penchant blues plus affirmé. « Hurtin' Me » en est un exemple évident. Mêlant le « I Wonder » d'Humble Pie et « Since I've Been Loving You » de Led Zeppelin, Fastway prouve sa capacité à revitaliser un genre oublié, et que l'on pensait mort avec les grands groupes qui en furent les fabuleux représentants. Et qui aurait oser se frotter à Led Zeppelin, Free, ou Humble Pie ? Fastway se lance dans le défi, et s'en sort merveilleusement. A commencer par Dave King, qui arrive à la cheville de Robert Plant. Fast Eddie Clarke joue un superbe solo où non seulement il montre sa capacité à ralentir le rythme, mais aussi à jouer dans un style très proche de Jimmy Page, entre accélérations sur le manche et notes tenues toutes en émotion. Il y a aussi « Telephone », un morceau joué par les Bluesbreakers de John Mayall, et que Clarke adorait. Il redynamise ce bon vieux blues-rock avec une vitalité fantastique. Il lui donne cette morgue de branleur angliche, presque Punk. Le désespoir du bluesman n'est plus, face à la loose du white trash man. Il lui donne une coloration hard tout en conservant la nature du morceau, à la manière d'AC/DC. Les riffs ultra-électriques et hauts perchés de Fast Eddie rendent parfois le morceau presque punk.
Pour ce qui est du hard-blues, le disque s'ouvre sur un trio de brûlots ultra-efficaces : « All Fired Up », « Misunderstood » et son tempo medium et lourd, et « Steal The Show ». Ce dernier brille par son riff tendu. C'est une démonstration de hard-rock à l'ancienne dans une nouvelle décennie. La guitare de Fast Eddie est unique, tranchante, et son solo aux teintes hendrixiennes rappellent certain chorus passés de Motorhead.
On ne dira jamais assez de bien de ce gaillard, aussi modeste que doué. Phil Campbell faisait part dans une interview de sa lassitude vis-à-vis des fans, toujours nombreux, incapables de se souvenir de son nom et lui parlant de Fast Eddie Clarke, parti en... 1982. Une preuve que l'homme n'a jamais été ni oublié ni vraiment remplacé. Le son de Motorhead avec Clarke était unique, d'une puissance et d'une originalité sans égale. D'ailleurs, lorsqu'en 2000, ce dernier rejoint Motorhead pour jouer « The Chase Is Better Than The Catch » avec le trio actuel sur la scène de l'Hammersmith à Londres, c'est bien sa guitare que l'on distingue le mieux, sa sonorité intacte. Campbell peut gratter des kilomètres de riffs, s'agiter dans tous les sens, c'est bien la Stratocaster de Clarke qui l'on entendit résonner ce soir-là.
C'est cette guitare que l'on retrouve ici. Plus précisément sa Les Paul Gibson, que Clarke manie aussi bien, et avec ce son toujours aussi personnel. Comme quand Hendrix prenait une guitare, que ce soit sa Stratocaster ou sa Flying V, le toucher unique était là, bien distinct. C'est bien le cas de Fast Eddie Clarke. Moins virtuose, moins expansif, encore gêné d'être un héros de la guitare à la hauteur des plus grands. Lorsqu'en 1983, Fastway devient une valeur montante du Hard-Rock aux USA, le groupe n'est pas vraiment prêt à autant d'attention. Il saura capitaliser ce tremplin en tournant intensément et enregistrant ce second disque. Mais Clarke ne sera jamais un frimeur, et c'est sans doute ce qu'il manqua à Fastway au milieu de Ratt, Motley Crue, WASP et Quiet Riot.
Pourtant « All Fired Up » a bien plus à proposer, à commencer par cette classe toute britannique, ce hard-rock à la fois efficace et simple, finalement bien plus tranchant et brutal que n'importe quel disque ultra-produit en provenance des USA. Mais Fastway ne donnait ni dans la débauche glauque, ni dans les déclarations fracassantes. Et en 1984, jouer de la bonne musique ne suffisait plus. Cela n'était parfois plus l'essentiel. Fastway jouait du Rock dans son expression la plus pure, sans effet inutile. Clarke se lancera ensuite dans le Hard mélodique à tendance FM dans la seconde moitié des années 80, mais l'homme n'était plus vraiment à sa place. Il ne maîtrisait plus totalement sa musique. Ici, aux côtés de ses vieux compagnons de Heavy-Blues Shirley et McCracken, et de son chanteur irlandais survolté, il donna à nouveau le meilleur de lui-même. Bien qu'il fut totalement impliqué dans la composition et le son de Motorhead, Clarke s'adapta à ce qui était le projet initial de Lemmy Kilminster. Il alla même jusqu'à choisir la Stratocaster plutôt que la Gibson Les Paul afin d'obtenir un son plus précis capable de rivaliser avec la Rickenbacker en accords rythmiques de Lemmy.
Bien que carbonisé par sept années sans dormir à carburer à grandes rasades de vodka et de pleines poignées d'acides, Clarke sut trouver l'énergie de rebondir après son départ aussi spontané que désespéré. L'homme ne voulait pas s'en aller de Motorhead, qu'il considérait comme le groupe de sa vie, mais voulut faire réagir Kilminster et Taylor face à la médiocrité du duo avec la blonde Wendy O Williams, aux seins aussi gros que son incapacité à chanter correctement. Finalement, les deux ne le retinrent pas, tout aussi cramés et inconscients du drame qui se jouait. Motorhead ne se releva jamais vraiment musicalement de ce départ. Ils se contentèrent d'évoluer et de passer à autre chose, musicalement plus linéaire et moins charismatique que ne le fut le trio avec Clarke. Et c'est pour cela que Campbell, malgré trente années dans Motorhead, ne put jamais vraiment remplacer son prédécesseur.
Fast Eddie s'en alla avec son secret et créa son groupe et composa une musique simple et fière. Il se débarrassa de ses oripeaux métalliques, et revint sans artifice avec sa guitare. Je ne l'ai compris que bien plus tard. Encore traumatisé par la puissance et le brio de Motorhead, je ne pouvais comprendre que Clarke puisse se lancer dans un projet qui n'égale voire ne surpasse en violence sonore le trio de Lemmy. Ce que je n'avais pas compris, c'est que le guitariste avait mis tout son talent au service d'un hard-blues à l'identité forte, véritable et unique héritier de John Mayall And The Bluesbreakers, Jimi Hendrix Experience, Cream et Jeff Beck Group. Et en 1984, soit l'on décide de rentrer dans la course à la violence sonore avec le Thrash, soit l'on se lance dans le hard ultra mélodique à la Journey, soit l'on fait du Glam Metal à la Motley Crue, WASP ou Poison. Et se positionner en héritier du heavy-blues anglais n'était pas la meilleur option.
Pourtant, Fastway n'est pas passéiste pour autant. Un morceau comme « Hung Up On Love » est un riff hard-rock mélodique et accrocheur prouvant combien il n'était pas un succédané de Status Quo par exemple, mais bien un vrai bon groupe. Et que le succès de son premier album n'était pas non plus le fruit du hasard. « All Fired Up » fut mon premier contact avec Fastway, et garde donc une saveur particulière pour moi. Plutôt mitigé en fait, car comme expliqué plus haut, il me semblait bien fade au premier abord après la tempête Motorhead. Mais un groupe regroupant Clarke, le batteur d'Humble Pie et le bassiste de Taste ne pouvait pas être un mauvais groupe. Et même si il est en droite lignée du premier disque éponyme, il semble qu'il soit résolument axé sur le blues-rock, et que les quelques scories de (l'excellent) hard-rock mélodique issu de l'influence initial de Pete Way que l'on sent en filigrane de « Fastway » ait laissé la place aux répertoires respectifs de chaque musicien. On sent combien ce bel album respire à pleins poumons le Blues-Rock des années 1969-1972 furieux, injecté de l'octane de la guitare de Clarke.
Et cette âme, aucun groupe, ancien comme nouveau n'en disposait. Pas plus Deep Purple reformé, ancien titan des années 70 de nouveau en vie, que la nouvelle génération, trop occupée à vouloir faire les preuves de sa folie juvénile et de son talent instrumental. Iron Maiden était brillant, mais Steve Harris était avide d'explorer avec son Heavy-Metal redoutable les territoires progressifs de Nektar, Golden Earring et Rush. Quant à Saxon, ils avaient bien du talent à revendre, et cette énergie furieuse, mais pas le Blues qui transpire par les pores de la peau. Aux USA, Aerosmith était mort depuis quelques temps, son esprit ne survivant que par le Joe Perry Project, et Ted Nugent avait abandonné son Hard-Rock sauvage pour des horizons plus policés.
Pour moi, seuls deux groupes étaient en capacité de rivaliser sur ce terrain : Whitesnake, doté de trois anciens Deep Purple et de deux fines lames issus de la scène blues-rock progressive anglaise avec Bernie Marsden et Micky Moody. Et puis AC/DC, mais le quintet australien commençait à se perdre sur des territoires Metal avec refrains de chansons en forme de choeurs de stade de foot, ce qui gâcha quelque peu l'incroyable qualité de leur musique qui fut la leur de 1975 à 1981. En 1984, ces deux grands groupes étaient déjà bien loin de leurs racines hard-blues pour une musique plus passe-partout. Et personnellement, rien ne pouvait égaler le potentiel en or de Clarke, Shirley et McCracken. Trois musiciens issus de mes trois groupes préférés, et au répertoire musical totalement intègre.
J'ai appris à aimer ce disque, à en comprendre toute la subtilité et le feeling. Et il m'est aujourd'hui indéniable qu'il s'agit du meilleur album de hard-rock blues des années 80. J'aime ce mordant, la voix rageuse et haute perchée de King, la batterie précise de Shirley couplée à la basse épaisse de McCracken, et puis ces riffs furieux, gorgés d'électricité et de feeling. Ce son, cette urgence, cette âme Rock.... Beaucoup s'extasieront sur le « Appetite For Destruction » de Guns'N'Roses en 1987, mais en fait, tout était déjà là, la hargne anglo-irlandaise en plus. Les Guns étaient plus à chercher du côté du Aerosmith des seventies, avec une pointe de Punk. Mais cette voix haute perchée et ces riffs hargneux de Gibson... finalement....
Tout était là, sur cet excellent disque. « All Fired Up » passa à travers tous les radars, et Fastway, épuisé par des mois de tournées incessantes, jeta l'éponge. Clarke reforma son groupe à plusieurs reprises. Ayant perdu ses compagnons de fortune, il se confonda musicalement dans le hard-FM AOR. Oubliant sa déroute dans une consommation d'alcool galopante, il se perdit en route. Son parcours ne fut pas dépourvu  d'étincelles de génie. Mais elles n'égaleront pas cet excellent disque. Fast Eddie Clarke aurait dû garder ce quatuor en or, et continuer à sortir des albums de ce calibre pendant trente années. Le Blues dans ses veines, il ne le réalisa que bien plus tard, sa santé retrouvée, pour un nouvel album de Fastway plus à la hauteur de son talent : « Eat Dog Eat », en 2011. Fast Eddie Clarke était un être humain, avec ses faiblesses, mais dont le talent était tel qu'il était impossible qu'il ne refasse pas surface un jour, éclatant.
Avec « All Fired Up », Fast Eddie Clarke et son immense groupe confirmait toutes leurs qualités, et combien ils étaient essentiels dans un univers Rock qui avait tendance à oublier la musique pour le gimmick.
tous droits réservés