lundi 29 août 2016

NEIL YOUNG AND CRAZY HORSE 2012 Part 1

"Il avait d'ores et déjà tout les attributs du disque de vieux."

NEIL YOUNG AND CRAZY HORSE : Americana 2012

Le vieil Apache est un artiste constant. Il est l'un des rares survivants des années hippies à avoir traversé les années sans trop de dommages, délivrant avec une régularité quasi métronomique un album tous les dix-huit mois environ. Alors que pas mal d'artistes sexagénaires dans son genre sont en panne d'inspiration, ou profite d'un courant ascendant pour reformer leur vieil aéropage mythique le temps d'une série de concerts nostalgiques et lucratifs, Neil compose et joue sur scène de nouveaux morceaux. Ils sont quelques-uns comme lui : Dylan, Motorhead, Paul MacCartney, ou Jeff Beck. Mais le vieux Neil n'a pas peur de se mettre en danger, quitte à enregistrer un mauvais disque au passage. Il a conservé son public de fidèles, qui achètent ses albums, et continue d'aller le voir en concert, car avec lui, il faut s'attendre à tout, au pire comme au meilleur.

Ses albums depuis l'an 2000 sont tous de bonne facture, sans être pour autant totalement enthousiasmants. Il y a en tout cas une constante dans tout ce qu'il fait en solo depuis la fin des années 60 : il n'a jamais été meilleur que quand il est accompagné par le Crazy Horse. Son dernier véritable album intéressant était d'ailleurs pour moi avec ses derniers : c'était Greendale, en 2003. Le concept était pourtant des plus fumeux, puisqu'il s'agissait d'un opéra-Rock contant l'histoire d'une ville imaginaire, ses déboires sociaux et environnementaux. Plusieurs plages étaient le théâtre des mythiques jams entre Neil Young et son cheval fou. Ce bel album était des plus audacieux, tant au niveau de sa construction que des thématiques abordées. L'homme n'a désormais plus sa langue dans sa poche. On le savait engagé politiquement depuis ses jeunes années, mais depuis le début du 21ème siècle, dans une Amérique totalement plongée dans l'obscurantisme idéologique le plus total, Neil Young n'hésite pas à afficher des opinions très marquées. Il évoque ainsi le climat social de son pays, son projet de voiture électrique, l'environnement, et les guerres menées à tout-va par les Etats-Unis.

Comme toujours avec Neil Young, il prit le monde par surprise en réunissant autour de lui son vieux Crazy Horse. Pas que les autres groupes qui l'accompagnèrent soient mauvais, il y en eut même de très bons. Pourtant, jamais le vieux Neil ne se surpasse à ce point qu'avec Billy Talbot à la basse, Ralph Molina à la batterie et Frank Poncho Sampedro à la guitare rythmique. Il sont un peu l'équivalent des Dominoes d'Eric Clapton, le poussant toujours à transcender sa musique. Crazy Horse développe une rythmique épaisse, poisseuse, gorgée d'électricité, jouant toujours au bord du gouffre. Il est une certitude, c'est que la musique sera épique et dantesque, quels que soient la mélodie et le tempo. Aussi, lorsque le Loner annonce un nouveau disque avec ses vieux complices après une série d'albums pas vraiment enthousiasmants, une lueur d'espoir folle s'allume.

La surprise sera suivie d'un certain désenchantement, lorsqu'il s'avérera qu'en guise de nouvel album avec Crazy Horse, Young annonce un album de reprises. On trépignait d'impatience à l'annonce d'un disque de titres originaux, qui sauraient trouver leur place auprès des grands classiques de scène. Mais seulement voilà, aucun concert ne sera non plus annoncé, laissant planer un doute terrifiant sur l'état de santé des musiciens comme de la qualité du futur projet. Il faut dire que le dernier album en date s'appelait Le Noise. Pourtant capté par Daniel Lanois, qui travailla avec Dylan et Nick Cave, il sera le théâtre de morceaux sous forme de collages expérimentaux plus ou moins bruitistes qui dérouta autant qu'il déçut. Et finalement, comme tous les musiciens de sa génération, on avait fini par ne plus rien attendre d'extraordinaire de sa part.

Le nouveau disque s'appela donc Americana, et était un album de reprises de chansons traditionnelles Folk américaine. Il avait d'ores et déjà tout les attributs du disque de vieux. Comment pouvait-il être concevable que de jeunes kids s'intéressent à un tel répertoire, qui plus est joué par quatre sexagénaires ridés et aux cheveux blanchis ? Il s'agissait là d'un pari osé, mais Neil Young n'en avait de toute façon totalement cure. Ce qu'il voulait, c'était redonner vie aux chansons de son enfance, et de celles qui ont fait l'histoire de l'Amérique alternative des années 60. L'objectif était clairement de démontrer que ces chansons étaient toujours actuelles, et pouvaient être interprétées dans l'Amérique de 2012 sans perdre une goutte de leur sens. Il restait à espérer que dans le monde de Fox News, de la télé-réalité, des Kardashian, des smartphones et des Pokemons, quelques américains auraient la curiosité nécessaire pour se pencher sur ces chansons et prendre le temps de réfléchir sur l'état du pays. Mais pour cela, il aurait fallu que la majorité des américains aient quelques repères historiques et politiques, ce qui semble bien utopique. Qu'importe, Neil Young est un rêveur et un idéaliste, et pour cela, il avait mille fois raison de faire ce disque.

Il avait aussi mille fois raison de le faire avec le Crazy Horse, car ces vieilles scies Folk vont se réincarner en brutaux cauchemars sonores, peuplés des fantômes des Raisins de la Colère et de la Grande Dépression. Ces noirs souvenirs ravivent la conscience politique d'un pays anesthésié par des années d'assommoir médiatique, rappelant combien l'histoire humaine est un cercle perpétuel, l'actualité trouvant souvent écho dans l'Histoire. Neil Young And Crazy Horse réinjectent toute la virulence nécessaire aux propos des textes interprétés et à leurs contextes d'époque.

Le groupe a voulu conserver un feeling très direct, avec quasiment aucun overdub. L'appropriation est telle qu'il est difficile de dire si il s'agit de reprises ou de morceaux originaux. Il y a une telle passion, un tel feu intérieur dans ces interprétations, que l'on loue l'idée de Neil Young. Et l'on se dit que personne d'autre que lui et Crazy Horse n'aurait pu accomplir avec une telle maestria d'aussi belles versions de ces chansons populaires. Sans doute que Bob Dylan ou Bruce Springsteen auraient pu en offrir de très belles approches, mais à mon sens pas aussi percutantes et hantées que celles-ci.

Preuve d'une prise en directe, le morceau d'ouverture « Oh Susanna » débute dans un cafouillage ressemblant fort à un accordage. Neil Young gratouille sa vieille Les Paul Blackie, la batterie tape quelques coups de caisse claire, et puis lentement, la mélodie bancale, se met en place. Sampedro et Talbot déboulent dans le mix, et tout est en place. C'est une des chansons les plus populaires des Etats-Unis. Originellement composée par Stephen Foster et publié en 1848, son rythme est une polka, musique récemment arrivée sur le continent par les migrants de l'Est de l'Europe. Il y est pourtant fait référence au banjo, instrument de musique traditionnel des pionniers américains. Le texte n'a pas de sens particulier, mais certains vers utilisent le terme « Nigger », évoquant des assassinats de « nègres ». Il semble que Foster ce soit inspiré d'un autre texte, Rose Of Alabama, état hautement raciste et esclavagiste. Neil Young en restitue toute la densité et la dureté, malgré l'apparente légèreté du tempo.

« Clementine » est une composition Country-Western de Percy Montrose remontant à 1884. Il s'agit en apparence d'une balade triste, évoquant la perte d'un amour au temps de la Ruée vers l'Or de 1849. Certains détails dans les paroles suggèrent qu'il s'agit en fait d'une parodie de chanson d'amour déçu, puisque l'auteur mentionne que les pieds de Clementine sont si grands qu'elles ne peut chausser que des boîtes plutôt que des chaussures. Le trait de la tristesse est donc exagérément forcé afin de donner un aspect parodique. Neil Young And Crazy Horse n'a pas pris le parti de suivre la ligne humoristique, mais de plonger tête baissée dans l'humeur noire de la chanson. Le résultat est stupéfiant de justesse et de beauté, rappelant « Powderfinger » en bien des points. La voix de Neil Young reste étonnamment puissante et fragile à la fois. Elle a conservé son timbre si particulier, juste un peu voilée par la maturité.

« Tom Dula » est aussi une chanson sombre et grave. Datant de 1866, elle relate l'assassinat de Laura Foster, poignardée sauvagement. Le coupable fut le vétéran confédéré Tom Dula, petit ami de Laura Foster et père de l'enfant qu'elle portait. La chanson devint un hit Rythm'N'Blues en 1958, interprétée par le Kingston Trio. Talbot et Sampedro chante comme un mantra le nom de l'assassin, pendant que Young relate l'horrible histoire, et explore les tréfonds de sa Les Paul. Obsessionnelle, terriblement triste, cette fantastique chanson prend une dimension terrifiante.

Puis, le groupe décide de revisiter le traditionnel « Gallows Pole ». Repris en 1970 par Led Zeppelin, Neil Young and Crazy Horse s'éloignent de l'atmosphère celtique des anglais pour l'interpréter sur un ton très Bluegrass-Country. La chanson évoque le condamné se dirigeant vers la potence, implorant le pardon et la justice de l'au-delà. L'électricité passe bien sur ce tempo très particulier, plus adapté à l'acoustique. Les musiciens s'amusent comme des gamins.

« Get A Job » est interprétée comme une blague Doo-Wop. Il s'agit d'un hit des Silhouettes de 1957, typique des années 50, qui apparaîtra également sur la bande originale des films American Graffiti et Good Morning Vietnam. Le groove de ferrailleurs de Young et de son cheval fou est un clin d'oeil amusé à l'insouciance des fifties américains, l'enfance des quatre musiciens.

Ces derniers reviennent aussitôt à la Country avec le traditionnel « Travel On ». Ambiance Western, mais chorus de sidérurgistes, teintés de l'entrain que l'on se donne pour avoir du courage et avancer. « High Flying Bird » de Edd Billy Wheeler se rapproche ici davantage des terres connues de Neil Young et du Crazy Horse. Un riff en forme d'arpèges transpirant de mélancolie, une rythmique carrée et lourde, un texte lucide, la voix expressive du Loner, c'est une merveille. Blackie scintille de mille notes magiques, le goût de la poussière de l'Ouest emplit la bouche.

« Jesus Chariot » est à l'origine une chanson enfantine basée sur une chanson religieuse du début du dix-neuvième siècle nommée « When The Chariot Comes ». Neil Young a pris le parti d'en interpréter la version des ouvriers du chemin de fer de la fin du dix-neuvième siècle. Molina imprime un tempo rappelant une incantation indienne, contrastant avec le thème du chemin de fer liée à la ruée vers l'Ouest et la disparition des tribus indiennes. Prenante, obsessionnelle, possédée, elle met en confrontation plusieurs facettes de l'Amérique des pionniers.

Il était impossible que Neil Young ne reprenne pas l'emblématique chanson de Woody Guthrie : « This Land Is Your Land ». Il l'interprète avec beaucoup de respect, conservant son tempo Folk, et l'électrifiant à bon escient. Ce morceau fut écrit en 1940 par Guthrie en réaction à la chanson de Irving Berlin chantée par Kate Smith quin inondait les ondes des années 30 : « God Bless America ». Il en reprit la ligne mélodique, mais en changea les paroles, afin de s'opposer à la nature très religieuse et patriotique de la version originale. Cette protest-song fut à l'origine de nombreuses vocations Folk, à commencer par Bob Dylan et Joan Baez. Aujourd'hui régulièrement chantée dans les écoles du pays, elle a remplacé la version de Berlin, désormais oubliée. Neil Young affirme avec sa version son attachement à cette tradition des compositeurs-interprètes Folk à l'esprit libre.

Seule incursion acoustique, « The Wayfaring Stranger » est une évocation d'une âme en peine à travers le voyage de la vie. Neil Young lui donne une atmosphère brumeuse et hantée. C'est une belle ballade datant du dix-neuvième siècle, que le Crazy Horse souligne d'une délicate rythmique, Molina tenant les balais. L'album se termine par une fuligineuse version de « God Save The Queen ». Neil Young se souvient l'avoir chanté à l'école au Canada. L'hymne britannique est violemment électrifié. Molina imprime un rythme martial, les guitares grondent sur la mélodie à grands coups de riffs assassins, et Young chante, la boule au ventre, ce chant patriotique, à la fois symbole de résistance à l'Allemagne nazie, et d'empire colonial assassin. Il y a bien sûr un autre clin d'oeil : celui de l'influence de la musique Pop anglaise sur le continent américain, et de l'interprétation de l'hymne américain par Jimi Hendrix à Woodstock. Moins sauvage et free que ce dernier, Neil Young And Crazy Horse arrivent à transformer « God Save The Queen » en une excellente chanson, à la puissance émotionnelle éblouissante, même pour un citoyen non britannique.


Approché comme un disque secondaire, presque anecdotique, et permettant de patienter en attendant le prochain album original, Americana est en fait une vraie grande expérience musicale. Sa publication le 5 juin 2012 s'accompagne de l'annonce d'une tournée mondiale. C'est à la fois une bonne nouvelle pour les fans, mais aussi une seconde déception. Alors comme cela, Neil And Crazy Horse partent en tournée pour soutenir un simple disque de reprises Folk ? Après dix ans sans collaboration, le vieil Apache et son groupe mythique n'offrent rien de mieux qu'une poignée de reprises électrifiées ? C'est mal connaître notre équipage. C'est dit, leur réunion sera fructueuse. Et le public américain est de toute façon déjà ravi : Americana atteint la quatrième place des classements d'albums aux Etats-Unis.

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lundi 15 août 2016

BLACKFOOT 1983

"Blackfoot va être d'évidence séduit par la prestation de Budgie sur la scène du Festival de Reading."


BLACKFOOT : Siogo 1983

En 1982, Blackfoot est le plus grand groupe de Rock sudiste. Il vient d'enregistrer trois albums aux pochettes animalières entre 1979 et 1981, tous impeccables, et suant autant le Hard-Rock que le Blues du Bayou. Un disque en direct nommé Highway Song Live fut capté durant la triomphale tournée européenne du quartet en 1982. Blackfoot croise le fer avec la fine fleur du Heavy-Metal de l'époque. Ils feront la première partie de Scorpions et Iron Maiden, et seront de l'affiche du prestigieux Festival de Reading de cette année-là après avoir été à celle des Monsters Of Rock l'année précédente. Ils partagent l'affiche avec, outre Iron Maiden, Diamond Head, Budgie, Y&T, Tygers Of Pan Tang, Gary Moore et Trust. Le quatuor connaît une immense reconnaissance internationale auprès de l'ensemble de la scène Rock, et peu de formations se hasardent à les choisir comme première partie tellement ils sont bons.

Seulement voilà, le Dieu Dollar n'est pas satisfait. Tout cela est bien beau, mais les ventes de disques de Blackfoot à l'internationale ne sont pas exceptionnelles. Aux Etats-Unis, le groupe est au minimum dans le Top 40, et il vient de percer dans le Top 30 anglais avec Marauder. Voilà qui semble de bonne augure, mais dans l'esprit du manager et producteur Al Nalli, Blackfoot est en train de louper le coche. Le son Heavy-Blues sudiste est mort et enterré avec Lynyrd Skynyrd, les autres ne sont que des survivances de cette fin des années 70 qui se consume avec le Rock AOR, ou Hard-FM. Journey, Boston, Foreigner ou Heart sont les nouveaux champions Rock des classements internationaux. A cela s'ajoute le nouveau Glam-Metal porté par Quiet Riot et Motley Crue. Alors le vieux Hard-Rock Southern à jeans et santiags de Blackfoot n'a aucune chance, c'est obligatoire. C'était oublié que l'un des plus gros vendeurs de disques dans le domaine du Hard-Rock s'appelle AC/DC, et en Europe, il s'agit de Motorhead. Bref, aucun des deux n'est du genre à donner dans le sexy et le consensuel. Mais comme Al Nalli est mariée avec la responsable du label ATCO, qui a signé Blackfoot, il a sans aucun doute raison.

Il faut procéder à une modernisation d'urgence du groupe. Blackfoot opte donc pour l'apport d'un clavier. Bien évidemment, nos gaillards ne vont pas opter pour des rois du synthétiseur, mais plutôt pour des orfèvres de l'orgue Hammond. Deux noms paraissent évidents : Jon Lord, mythique organiste de Deep Purple, mais il est en poste au sein de Whitesnake depuis 1978. L'autre s'appelle Ken Hensley. Ancien clavier et guitariste de Uriah Heep, il a quitté son vaisseau en 1980, et s'est lancé dans une modeste carrière solo sans grande envergure. C'est ce deuxième nom qui s'impose, mais il reste à le contacter. Et il est difficile à approcher, le bougre. Tous les circuits classiques n'apportent rien, Hensley est injoignable. Il faudra passer par un de ces amis, qui va être chargé de lui transmettre une fausse annonce pour un orgue Hammond B3. Ce rare instrument de qualité intéresse le pianiste qui appelle le numéro, et tombe donc sur Al Nalli. L'équipe réussit à le convaincre de se joindre à Blackfoot pour le prochain album et la tournée qui suit. En échange, il aura droit à l'orgue Hammond B3 ayant servi d'alibi.

Blackfoot renforcé par Ken Hensley se retrouve à Ann Arbor près de Detroit pour travailler sur le nouveau disque. Rapidement, des clans se créent : d'un côté le guitariste Charlie Hargrett et le bassiste Greg T Walker, de l'autre le batteur Jakson Spires secondé par le guitariste-chanteur Ricky Medlocke et Hensley. Les premiers poursuivent leur écriture orientée vers un Hard-Rock bluesy, les autres vers un Heavy-Metal mélodique et chromé plus en vogue. Le résultat va être pour le moins surprenant.

Rapidement classé album Hard-FM commercial, trente-trois tours de vendus, Siogo n'est pas l'album putassier tel que l'on a bien voulu le réduire. C'est en fait un fantastique disque de Heavy-Metal, d'une férocité et d'une finesse exceptionnelles. Ce qui dérange finalement, c'est qu'il n'a strictement rien à voir avec ses prédécesseurs. Les traces du passé sudiste sont rares, à part sur le fin « White Man's Land » et l'ébouriffant « Driving Fool ». Tous les autres morceaux sont construits sur de redoutables chapelles de riffs héroïques et lyriques, soutenus par un orgue Hammond plutôt discret dans l'ensemble.

La réputation de Siogo va en fait se faire sur ses deux titres phares qui serviront de base aux deux vidéo clips utilisés pour la chaîne musicale MTV : « Send Me An Angel » et « Teenage Idol ». Tous deux sont d'abord introduits par des nappes de synthétiseur typiques des années 80. Et leurs accroches mélodiques flirtent avec le Hard-Rock de Journey. Pourtant, et à mon sens, il ne s'agit pas vraiment de la bonne référence. A l'écoute de ce disque dans son ensemble, la référence musicale frappante ayant servi pour ce nouvel album est … Budgie.

En 1982, Budgie cherche lui aussi à percer de manière massive sur le marché européen, après dix albums et autant d'opportunités ratés. La maisons de disques RCA encourage ses poulains à se tourner vers le Hard-Rock mélodique afin de séduire un plus large public. Après une tentative Heavy-Funk avec Impeckable en 1978 pour séduire le marché américain, Budgie revient en Grande-Bretagne fracasser de la gencive avec le redoutable Power Supply en 1980, sans doute l'album le plus violent de la New Wave Of British Heavy-Metal avec le premier Iron Maiden. Le suivant en 1981, Nightflight, est une première approche vers un Heavy-Metal plus chromé et mélodique, mais reste sévèrement massif. Le coup de poker se joue avec Deliver Us From Evil en 1982. Budgie intègre un clavier, Duncan MacKay, un ancien du groupe progressif Camel, pour ajouter de l'orgue et des synthétiseurs sur les nouveaux morceaux mélodiques du trio. L'album est même concept, puisque tournant autour des thématiques du Bien et du Mal. Comme pour Nightflight, le producteur et ingénieur du son américain Don Smith officie derrière la console, et donne à Budgie un son puissant mais très produit, prompt à séduire les radios. Bien évidemment, ce nouveau disque ne fera guère mieux que les précédents, accédant à une laborieuse 62ème place dans les classements britanniques, avec pourtant le soutien inconditionnel de la presse musicale. Il faut dire que Budgie reste Budgie, et malgré de très claires concessions vers une approche plus mélodique, la musique reste vive et massive, bien loin des standards du grand public. Il n'y avait donc aucune chance que cet album ne puisse faire un quelconque carton dans les classements : incapable de séduire le grand public, il s'aliène aussi une partie de ses fans historiques, qui le trouvent trop consensuel.

Blackfoot va être d'évidence séduit par la prestation de Budgie sur la scène du Festival de Reading. Le trio joue pour la première fois en tête d'affiche, et s'offre un spectacle digne de cette position sur l'affiche, avec guitare géante descendant du ciel, fumigènes à gogo et uniformes futuristes en cuir noir, rouge et blanc. Mais il est évident qu'aucun n'est à l'aise avec tous ces oripeaux suggérés avec insistance par la maison de disques. Le bassiste-chanteur Burke Shelley abandonne le pantalon de son uniforme une heure avant le set pour un bon vieux jean, trop mal à l'aise. On ne les refera pas, et Blackfoot non plus. Ces derniers vont d'évidence trouver génial cette approche, qui leur paraît à la fois assez commerciale, mais encore très Heavy. Sauf que cela ne marchera pas, comme Budgie. En prenant un virage musical encore plus brutal que le trio gallois, ils vont perdre leur ancien public sans en convaincre de nouveau. L'album n'accroche qu'une modeste 82ème place dans les classements américains, et une encourageante 28ème place en Grande-Bretagne.

Je serai comme bien d'autres, à avoir d'abord rejeté en bloc ce disque trop ouvragé et pas assez brut pour mes oreilles d'adolescent avide de décibels. Pourtant, je me souviens que le morceau d'ouverture, le majestueux « Send Me An Angel » m'avait terriblement plu. Je le trouvai puissant et accrocheur, formidablement mélancolique. Cette cavalcade de guitare sur ses harmonies de guitares en tierce, inspirées de Thin Lizzy, soutenue par cette batterie puissante, m'avait littéralement transporté. Pourtant, ce n'était pas Blackfoot, mais une trahison. Mon esprit plus ouvert de trentenaire me poussa à découvrir au-delà de cette pourtant formidable première chanson.

Et il faudrait être sourd pour ne pas fondre devant la violence amère de « Crossfire ». Un riff rugissant, une rythmique puissante, un solo carbonisant, un chant magnifique, un refrain addictif, tout est parfait. Ce morceau se hisse au niveau du nom moins somptueux Slide It In de Whitesnake Le groupe de David Coverdale servira aussi de référence à Blackfoot, bien que cet album du serpent blanc, lui aussi plus accrocheur, paraîtra seulement à la fin de l'année 1983.

« Heart's Grown Gold » débute par un riff doublé de grandes nappes de synthétiseur digne des meilleurs films américains de l'époque, Rocky et compagnie, et a tendance à gâcher la chanson plus qu'à l'améliorer. Sa mélodie très accessible suffisait bien largement pour ne pas appuyer davantage avec des claviers. « We're Going Down » est un brutal retour à un Heavy-Metal d'une agressivité totale. Il semble même que Blackfoot n'ait jamais été aussi violent musicalement auparavant. On retrouve une couleur très Deep Purple/Whitesnake. Mais ce morceau rappelle également « Don't Cry » de Budgie sur Deliver Us From Evil. Le duel guitare-orgue y contribue notamment, et se montre redoutable chez Blackfoot comme chez Budgie.

« Teenage Idol » devait être le tube de l'album, mais il n'en sera rien. C'est pourtant une excellente chanson, au refrain accrocheur et fédérateur, qui devait marcher en radio, c'était inéluctable. Il n'en sera rien, à cause de la voix rugueuse et puissante de Medlocke, loin des standards des hurleurs de l'époque de David Lee Roth à Steve Perry. Et une fois encore, la brigade de l'industrie lourde a fait son office : Hargrett, Walker et Spires bétonnent massivement derrière la voix de Medlocke et les synthétiseurs de Hensley. Pourtant, quelle chanson, mes aïeux, majestueuse et efficace à souhait. Le vidéo clip aura aussi fait des blessés. Celui de « Send Me An Angel » avec ses stripteaseuses ultra délurées ne devait pas être du goût de MTV, mais celui de « Teenage Idol » est presque une blague. Medlocke en jeune homme de la campagne cherchant fortune dans la musique à la grande ville est presque crédible, jusqu'à ce que ses trois comparses aux looks sudistes se pointent pour faire les choeurs à l'écran et fassent tourner le clip à la boutade complète. Il est évident que Blackfoot n'est pas à l'aise dans l'exercice, et que seul Medlocke semble y trouver son compte, largement mis en avant.

« Going In Circles » est une autre Hard song Purple-Whitesnake-Budgie redoutable, au refrain entêtant. « Run For Cover » fait dans le même registre, en un peu moins efficace toutefois. « White Man's Land » est une curieuse réminiscence du passé sudiste de Blackfoot. On retrouve le mordant de Marauder, avec des paroles tout aussi fracassantes évoquant le sort des Indiens aux Etats-Unis. Le riff est original et bien trouvé, finaud, à la tonalité très indienne, rappelant une incantation de cérémonie avant d'exploser sous les coups de boutoir des guitares. Il n'y a rien à redire, on est juste heureux de rentrer à la maison avec Blackfoot.

La suite est une pure merveille de Heavy-Metal mélodique, directement inspiré de Budgie : « Sail Away ». Le riff est redoutable, le son luisant de chrome, la batterie puissante poussent vers les cieux une atmosphère amère et mélancolique, désenchantée, et qui ne trouve la lumière que sur le refrain. Les chorus de Hargrett et Medlocke sont superbes, luisant comme des diamants noirs sous la lune. Cette superbe pépite mérite à elle seule l'achat du disque. Ce dernier se termine par le furieux « Driving Fool », symbolisant la folie de la vitesse sur les highways américaines. On retrouve en filigrane le Blackfoot sudiste de Marauder, une fois encore, mais que l'orgue de Hensley camoufle quelque peu. C'est une redoutable pièce de Hard-Metal sans concession, et qu'il est définitivement difficile de classer dans la catégorie Hard-FM.

Siogo sera à l'origine de terribles conflits au sein de Blackfoot. Charlie Hargrett déplore ce choix artistique qu'il trouve stupide, alors qu'il est convaincu que ce qui plaît au public de Blackfoot, c'est leur nature férocement Hard-Blues sudiste sans concession, étanche à la mode. Le fait de courir après un hypothétique succès commercial, en suivant les chimères du Hard-FM alors qu'aucun d'entre eux n'en a le moindre soupçon d'attribut autant physique que musical, lui est purement et simplement absurde. Et les résultats commerciaux de Siogo ne feront que confirmer l'échec de la tentative. Mais pour Al Nalli, Blackfoot n'est pas allé assez loin d'une part, et Hargrett a un look et un jeu trop vieille école pour séduire le jeune public de Van Halen. Il réussit à convaincre les autres musiciens de cette situation et va isoler le guitariste jusqu'à son départ forcé. Hargrett fera pourtant bien des efforts, allant jusqu'à céder à la mode des pantalons en spandex comme Medlocke et Walker. Son seul achat se soldera le soir même par un pantalon largement déchiré à l'entrejambe après un grand saut extatique en plein solo. Hargrett finira la chanson en se cachant l'intimité derrière sa guitare avant de sauter dans un jean entre deux morceaux derrière les amplificateurs.


Le départ du guitariste précipitera Blackfoot à l'échec le plus total. Le disque suivant, Vertical Smiles, est un épouvantable étron de Rock synthétique sans âme et aux sonorités affreusement datées. Il semble peu à peu évident à Spires et Walker que Nalli œuvre pour que Medlocke entame une carrière solo, ce dernier étant le seul à avoir le charisme et le physique nécessaire pour en faire une Rock-Star de vidéo clip. Ce sera un nouvel échec cuisant, mais qui aura précipité à la perte d'un des plus fabuleux groupes de Rock américain. Siogo aura été un disque de transition aussi différent de ses prédécesseurs que brillant dans sa qualité sonore et mélodique, une sorte de pinacle avant l'implosion.

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dimanche 7 août 2016

THE VELVET UNDERGROUND 1968

"Velvet Underground est davantage dans l'agression."

 
VELVET UNDERGROUND : White Light/White Heat 1968

Un nuage de brume s’élève sur l’Hudson River. C’est un peu la même que celle de la Tyne dans le Sussex ou sur les marais poisseux de la Somme. Cette impression de forge du démon, gueule béante de la bête du monde intérieur. La sensation qu’il y ait un monde nocturne et possédé sous nos pieds fascine. Nous aimons sentir le danger par moments, juste pour nous rappeler que nous sommes vulnérables. Mais aussi que nous avons de bas instincts, et que nous passons notre temps à nous battre avec toute notre existence. La sexualité perverse, l’alcool, la drogue, le tabac... tous ces plaisirs coupables et malsains, qui nous mettent en péril entre exaltation et enfer des dépendances, comme une mise à l’épreuve. Une manière de rejeter ce quotidien trop bien réglé, ce discours politiquement correct hygiéniste, prônant le sain et la sécurité à l’extrême, au point de nous faire oublier que nous sommes vivants, et que la vie ne vaut d’être vécue que si l’on en fait quelque chose d’exaltant.

L’exaltant est venu de toutes part, de Grande-Bretagne comme des USA, du Rythm’N’Blues de Memphis et Detroit, de la Pop anglaise de Londres et du Rock psychédélique de la baie de San Francisco. Des fleurs, de l’acide, de la chemise en soie, de l’herbe, du patchouli, la paix dans le monde et l’amour pour tous. La tentaculaire New York était plutôt le théâtre des déjantés, des écrivains et des peintres torturés. Clubs SM, travestis, homosexualité, drogues dures... New York était l’Hades des Etats-Unis, une ville pourrie par les artistes dégénérés la nuit, la finance et le monde des affaires le jour.

Le monde de la musique était lui aussi très élitiste, axé sur des compositeurs contemporains : Terry Riley, Erik Satie, La Monte Young. La Pop n’avait guère le droit de citer, considéré comme une musique adolescente commerciale purement opportuniste. L’image du Rock changea vers 1965, lorsque les Beatles et les Stones tentèrent la connexion artistique avec la littérature de Kerouak ou Burroughs et la peinture de Warhol. Des passerelles furent lancées. Autour du peintre fantasque se développe une petite clique d’artistes diverses, pop comme la peinture du maître, danseurs et musiciens, dont les ex-Warlocks, Lou Reed, John Cale, et Sterling Morrison. Moe Tucker, modeste percussionniste, remplaça Angus McLise, ancien batteur qui rebaptisa le quatuor Velvet Underground avant de partir, du nom d'un roman fétichiste. Ce petit monde répéta à la Factory, le laboratoire artistique de Warhol, et ce dernier ajouta au groupe un ancien mannequin allemand, Nico. Le premier album à la banane fut un choc redoutable dans le monde du Rock de l’époque. Alors que l’état d’esprit était à la paix, à l’amour, et aux lendemains qui chantent, une bande de névrosés new-yorkais faisait remonter aux narines du monde l’odeur du stupre des bas-fonds.

Passé le dégoût initial, il y avait bien une beauté à ce Rythm’N’Blues rugueux, et à ces mélodies obsédantes et hantées, à ces chansons peuplées de cette faune noctambule, dealers, prostituées, homosexuels dépravés, fétichistes …. La critique perçut la beauté venimeuse de ce premier disque, pas le grand public, choqué, qu’on lui montre cette vérité trop crue. Warhol était content, il avait réussi son coup médiatique.

Seulement voilà, le Velvet Underground était bien un grand groupe de musique, doté de deux grands compositeurs qu’étaient Lou Reed et John Cale. Aussi le coup médiatique ne les intéressait guère. Voire les embarrassait, car les voilà catégorisé formation jetable une fois la performance warholienne passée. Il fallait donc que le Velvet existe en tant que groupe, et se détache de cette Factory devenue trop encombrante. A commencer par Nico. La seconde étape fut l’enregistrement de ce disque noir comme le jais. Paru en janvier 1968, il atomise son prédécesseur dans toute sa dimension obscure.

Si Velvet Underground with Nico avait d'indéniables côtés sombres, de part ses évocations de la drogue ou des bas-fonds avec « Heroin » ou « Venus In Fur », le groupe était resté dans un cadre plutôt pop et arty. White Light/White Heat se libère totalement de toutes les contraintes idéologiques. La musique y est brute, sans concession, d'une violence inconnue pour l'époque. On ne parle pas d'un strict point de vue vocale ou guitaristique. Les Yardbirds, Jimi Hendrix Experience, Cream ou les Who avaient déjà atomisé quelques amplificateurs. Mais la violence musicale était avant tout au service du défoulement adolescent et de la virtuosité sans égale de ses musiciens. Une forme de lyrisme par la puissance sonore.

Velvet Underground est davantage dans l'agression. Tout sonne comme capté en une prise dans le studio. Le son sature, et les chansons semblent jeter sans ménagement sur le vinyle. Les interprétations ne laissent guère place à la technique instrumentale et à la démonstration. Moe Tucker n'est pas une batteuse au sens classique du terme, mais une percussionniste à la technique rudimentaire. Morrison, Cale, et Reed plaquent des accords obsessionnels et furieux, râclant le bois de leurs guitares jusqu'à la transe hypnotique. La basse claque en de furieux riffs qui annoncent à des kilomètres le Punk américain des Heartbreakers.

Les phases de douceur ne sont qu'illusions, provoquant un malaise profond entretenu par les stridences du violon de Cale et les textes tordus de Reed. Poésie Beat, musique contemporaine, spoken-word, Free-Jazz.... rien n'échappe au Velvet Underground, qui démontre l'étendue de ses influences artistiques et culturelles.

La chanson titre est typiquement Reedienne, avec son riff sur deux accords portant une mélodie vocale au timbre un peu traînant. S'en suit « The Gift », un spoken-word de Cale porté par des guitares soloisant à l'envie. « Lady Godiva Operation » est un long nuage de brume sur lequel chante Cale. On sent ce dernier très impliqué dans l'interprétation comme dans la composition sur ce second album. Il paraît évident que Reed et Cale se livrent un duel fratricide pour le contrôle du groupe.

« Here She Comes Now » est une scorie squelettique de la mélodie du morceau précédent, chanté par Lou Reed, obsédante et désincarnée. « I Heard Her Call My Name » est une démence électrique totale, speedfreak totale, préfigurant autant le Psychédélisme des Stooges, des Pink Fairies ou de Hawkwind qu'une partie de la folie du Heavy-Metal lui-même.

Ce qui fera assurément tout le sel de cet album est la longue transe électrique et incantatoire qu'est « Sister Ray ». Soutenue par un riff retors qui se tord sous les doigts de Reed et Cale, elle se déroule sous le phrasé nonchalant de Lou, qui chante cette fille de la lumière qui ne semble être qu'un flash de drogue. C'est une scansion, une obsession totale. Elle se déforme comme la vision hallucinée du drogué qui voit le monde se perdre sous l'effet de la substance. Difficile de croire que cet album, paru le 30 janvier 1968, mais enregistré en septembre 1967, était à ce point novateur.

Sa noirceur, sa violence, son absence d'harmonie futile le mit directement au pilori en cette période de hippisme optimiste, qu'aucun rabat-joie ne devait détruire. Après tout, la jeunesse américaine ne cherchait-elle pas de l'espoir plutôt que du nihilisme ? Elle comprendrait, bien des années plus tard, toute la force de cette musique. Le Punk ne retranscrirait qu'une infime goutte de ce poison à l'amertume terrifiante.

Toute la scène Punk et alternative y piocherait sa matière première, sans pouvoir en restituer totalement l'âme noire. Elle saura par contre en faire éclore d'autres fleurs du Mal, qui changeront à jamais le visage de la musique dominée par le Progressif, le Jazz-Rock et le Hard-Rock initial. Une fois John Cale débarqué, le Velvet ne sera plus vraiment le même. Il perdra cette folie inhérente à l'amateur de musique contemporaine, pour devenir le véhicule de Lou Reed et sa poésie noire. De belles mélodies, des textes sans concession, certes, mais il n'y aura plus cette violence nihiliste qui était l'apanage de Cale.

Curieusement, le bonhomme enregistrera des disques bien plus délicats que cette éclair électrique et rugueux, préférant le symphonisme et une certaine forme de romantisme noir inspiré des Romantiques du dix-neuvième et du début du vingtième siècle. Paris 1919 en est le parfait exemple, en 1973. Sa violence transpirera de nouveau sur Sabotage Live en 1979, lorsqu'il s'agira de rappeler qui fut le pionnier du Punk.


Avant de se plonger dans son œuvre personnelle, il produira en 1969 en compagnie de Nico le premier album d'un quartet qui lui semblait être le digne successeur du Velvet Underground tel qu'il l'imaginait : The Stooges.

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